France, réseau électrique : un week-end "exotique" de fin février, début mars

Tristan Karmin

Ce matin, comme tous les lundi matin, j'ai mis à jour mon suivi de la disponibilité du parc nucléaire français. Toujours la même histoire : je compte, chaque jour, le nombre de réacteurs qui ont produit à 50% ou plus de leur capacité, en moyenne sur la journée.




 

Mais là, il y avait un truc qui n'allait pas. De 50 réacteurs environ depuis plusieurs semaines, on était passé à 40 ce dimanche. Et j'ai vérifié deux fois les données à la recherche d'un artefact, d'un décalage de colonne... Damned! Pas d'erreur.

Bref, il s'était manifestement passé quelque chose sur le réseau durant le week-end. Une vérification de la consommation nous indique qu'elle était très basse ce dimanche, même pour un dimanche (ci-dessous, la consommation depuis le 1er Février)



 

Rions un peu! La comparaison entre la fin février/début mars 2018 et la même période en 2019. Les deux graphes sont à la même échelle. 15 GW d'écart, vague de froid VS vague de chaleur.



Bon, reprenons. La consommation est faible et le parc nucléaire... Mazette! Quelle chute de production ! 10 GW! Perdus dans la nuit de samedi à dimanche. Tout cela correspondant parfaitement aux 10 réacteurs perdus sur le premier graphe. 





 

D'où cette situation assez extrême : une consommation basse, mais pas exceptionnelle... et on a le vent qui s'est déchaîné. Et la production éolienne avec.



Nous voici donc avec ce "mariage" : une production éolienne énorme et une consommation minimale. Les conséquences sont que les stations de pompage pompent... tout ce qu'elles peuvent. Et une fois que l'hydraulique et le gaz seront au plus bas, il ne restera plus que le nucléaire à étouffer. Et effectivement l'hydraulique et le gaz sont au plus bas.





Confirmation sur le graphe : pour l'hydraulique, STEP à 0 (forcément, on pompe !), les lacs sont à quasiment rien (sans doute le minimum pour les étiages des avals), et même l'hydraulique au fil de l'eau a été minimisée.



 

Pour le gaz, on a juste gardé les centrales à cogénération parce qu'il faut bien chauffer ceux qui en dépendent.



Et évidemment, avec une telle situation de surcapacité, les prix du marché sont à la baisse. Alors que la moyenne est autour de 40 €/MWh, la France, la Suisse et la Belgique doivent se contenter de prix autour de 10 à 20 €/MWh.
Quant à l'Allemagne, l'Autriche et le Luxembourg, c'est pire : les tarifs sont tombés autour de 0€/MWh, avec même des moments de prix... négatifs. Ces pays payent pour qu'on les soulage de leur surproduction.

 

En bon opportuniste, RTE ne s'est pas privé d'importer l'électricité au travers de ses frontières Nord-Est, à prix nuls ou négatifs, pour les réexporter à des prix plus significatifs à ses autres frontières.






 

Et l'Allemagne? Et, le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas la joie. Le système électrique s'est fait écraser par la production éolienne, au point de devoir diminuer même la production de leurs centrales nucléaires, pourtant pas faites pour faire du suivi de charge.
 



 


Revenons en France. Le dimanche a (hélas ) fini par s'achever. L'activité et sa consommation électrique a repris comme un lundi. Pas à un niveau très élevé, mais vu que l'on partait de très bas, ça fait une belle 'rampe', comme... tous les lundis matin.



 

L'éolien a eu la décence de ne pas s'effacer à ce moment là et l'hydraulique a fait son habituel retour, en ouvrant de nouveau les vannes des barrages et de ses STEP. Et alors le nucléaire? Quelle remontée en puissance !



 

J'ai déjà parlé du suivi de charge que permettait le nucléaire français. Mais là, à ceux qui disent que le nucléaire n'est pas flexible, pas besoin de longues explications : ce graphe se suffit à lui-même!. 10 GW d'amplitude, avec des variations franchement rapides !




Mais allons encore plus loin. J'ai tracé les dérivées de quelques courbes qui correspondent à la variation de la puissance délivrée (ou consommée) et à une évaluation de la raideur des pentes de production.
L'éolien, plutôt sage, n'a pas dépassé les 30 MW/min de variation à la hausse ou à la baisse. Et c'était largement à la portée du nucléaire, qui a affiché de nombreuses variations de 50 à plus de 100 MW/min à la hausse !

 





Par contre, la consommation ne s'est pas privée d'aller chercher plus de 150 MW/min. Donc la flexibilité du nucléaire est un peu limite pour suivre la consommation ; on le savait et c'est tout l'intérêt de l'hydraulique et, dans une moindre mesure, du gaz.


Par contre, le nucléaire a vraiment montré ici sa capacité à s'adapter aux variations de l'éolien. Je n'en vois toujours pas l'intérêt mais, rien n'a changé de ce côté là. Le nucléaire est compatible, techniquement (économiquement c'est une autre affaire), avec l'éolien.
Donc qu'on n'aille plus vous dire que le nucléaire n'est pas flexible, ou qu'il bloque le développement des EnR... C'est mensonger.

Je complète avec le détail, tranche par tranche, du suivi de charge réalisé pour le nucléaire. Je compte 8 tranches qui se sont totalement arrêtées, et au moins 5 qui ont fait d'importantes variations assez longues





Source : RTE 


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