Europe : le marché « libéralisé » de l’électricité bien réglementé et subventionné

Michel Quatrevalet


Old or new energy by Dominique Garcin-Geoffroy (CC BY 2.0) — Dominique Garcin-Geoffroy , CC-BY

Sur un vrai marché libéral, personne n’investirait dans une éolienne ou un panneau solaire : ils produisent soit tous en même temps, et leur prix est bradé, soit ils n’ont rien à vendre.

Voici ce que l’on trouve dans « La Chronique hebdomadaire de l’Union française des électriciens » du 30 septembre 2018 :
« Les mécanismes de capacité sont des instruments permettant de valoriser la disponibilité des capacités de production et d’effacement afin de garantir que la sécurité d’approvisionnement puisse être assurée pour les consommateurs quels que soient les aléas. L’enjeu est de taille : dans un contexte de transition énergétique, les règles de marché doivent faciliter l’intégration des énergies renouvelables, permettre au consommateur d’être plus impliqué dans la maîtrise de sa consommation, et garantir que la sécurité d’approvisionnement soit assurée au meilleur coût pour les citoyens. »

Qu’est-ce que cela signifie pour le consommateur ?
Les ENR, énergies intermittentes, aléatoires et subventionnées, c’est-à-dire l’éolien et le solaire, ne permettent pas d’assurer la sécurité d’approvisionnement. Il n’y a plus guère que Negawatt et le Syndicat des énergies renouvelables qui soutiennent le contraire. Il faut donc un réseau de centrales électriques pilotables à la demande en parallèle avec les ENR.
Mais si on installe de plus en plus d’ ENR, ces centrales « en secours » (en réalité, comme la capacité équivalente de l’éolien est de 25 %, celle du solaire 11 %, c’est ce « secours » qui structure véritablement le réseau électrique) produisent de moins en moins, et de façon hachée, ce qui nuit à leur rendement, à leur longévité, et fait exploser leur coût au mWh puisque les frais fixes sont moins couverts. Plus personne ne veut donc investir dans ces centrales.

L’exemple de l’électricité en Belgique
C’est ce qui se passe en Belgique. Electrabel, le producteur nucléaire belge, appartient à ENGIE, dont le business model est de vendre du gaz. Il est évidemment favorable aux ENR, puisque elles nécessitent des centrales au gaz pour suivre les fluctuations rapides du soleil et du vent.
ENGIE essaye de vendre son nucléaire à EDF, qui n’en veut pas : EDF a déjà assez à se dépatouiller du même problème en France. Cette situation est dangereuse pour la sécurité car elle décourage tous les secteurs des services attachés au nucléaire pour investir et progresser. Electrabel a annoncé récemment le report de plusieurs mois du redémarrage des réacteurs Tihange 2 et 3, initialement prévu pour cet automne.
« La ministre de l’Énergie, Marie-Christine Marghem, accuse l’exploitant de mauvaise gestion. Elle espère pouvoir acheter l’électricité manquante en France, en Allemagne ou aux Pays-Bas, ce qui pose des problèmes techniques non résolus à ce stade ». (Le Monde du 30 septembre)
La Commission européenne veut « laisser faire le marché ». Une thèse « libérale » : c’est à se tordre de rire, vu les milliards d’argent public engloutis dans la « transition » !
Les électriciens, eux, ont bien entendu une autre solution : via un « marché de capacités » les producteurs intermittents « achèteront » des capacités (virtuelles, sous formes d’action de réduction de la pointe, ou réelles) aux producteurs des centrales classiques, ce qui revient à les subventionner elles aussi. On aura ainsi un « marché de capacité » qui va vivre sa vie, et à terme, même, être déconnecté du monde physique.

Installer des ENR intermittentes non pilotables en plus des centrales pilotables est un surinvestissement, quel que soit le raisonnement tordu par lequel on les justifie. Cela a deux conséquences : un coût supplémentaire, et un prix de marché qui s’effondre sous la pression de la surproduction. Il faut bien que quelqu’un paye la différence. 

« Libéraliser »… en subventionnant !

Prétendre libéraliser le marché de l’électricité en le subventionnant à tout va… L’Union européenne va créer finalement 3 « marchés » qui n’ont de marché que le nom, puisqu’ils sont crées ab nihilo par la réglementation : un marché de quotas de CO2 pour les centrales fossiles, un marché subventionné pour les ENR indépendant des besoins, et un marché de capacité pour corriger les effets pervers des deux premiers.
Sur un vrai marché libéral, personne n’investirait dans une éolienne ou un panneau solaire : ils produisent soit tous en même temps, et leur prix est bradé, soit ils n’ont rien à vendre.
Et comme de toute façon, pour assurer l’approvisionnement, il faut leur joindre un réseau obligé de centrales pilotables, pour que ces ENR participent à une quelconque création de richesse, leur coût complet devrait être inférieur au coût marginal des centrales pilotables.

Dans le cas du nucléaire, dont les coûts sont majoritairement fixes et indépendants du CO2, le coût marginal est très faible. Par nature, éolien et solaire ne peuvent donc être rentables sans subvention et obligation d’achat.
On espère qu’il ne faudra pas aller jusqu’au black out pour que le public, les media et le monde politique sortent de leur monde fantasmé.

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