Henri II. Renaissance à Saint-Germain-en-Laye

Didier Rykner


Saint-Germain-en-Laye, Musée d’Archéologie Nationale, du 31 mars au 14 juillet 2019.




La cour du château de Saint-Germain-en-Laye
Photo : Didier Rykner



De tous les châteaux royaux transformés en musées, Saint-Germain-en-Laye est sans doute l’un des plus méconnus, peut-être parce qu’il est dédié à une période, la préhistoire, sans aucun rapport avec son époque de construction. La destruction du château neuf de Louis XIV n’a par ailleurs pas peu contribué à cette relative négligence.
Depuis quelques années, le monument a pourtant bénéficié d’une importante campagne de restauration qui n’a pas encore touché la muséographie, ce qui est normalement prévu dans les prochaines années sous l’impulsion de son directeur Hilaire Multon. Si nous avions été sévère à son égard lors de sa nomination, nous avions eu tort car il a plutôt bien mené sa barque. Et l’exposition qu’on peut y voir pendant encore un peu plus de trois semaines le démontre en s’intéressant aussi à l’histoire de ce lieu.

Il s’agit, certes, d’une exposition modeste quant au nombre d’œuvres présentées, mais elle permet de découvrir des objets peu ou mal connus, et bénéficie d’un excellent catalogue expliquant la place - majeure - que le château a occupé sous le règne d’Henri II.
Il fut en effet, à une époque où la cour continuait sa tradition d’itinérance, le lieu de villégiature préféré du roi, qui y passa plus de deux mois par an en moyenne pendant son règne, devant même Paris (le Louvre est alors en plein travaux) et Fontainebleau. Saint-Germain-en-Laye avait été reconstruit par François Ier, et son fils hérita d’un château pratiquement terminé, où il n’eut plus qu’à faire quelques finitions. Toute l’histoire de son règne ou presque peut être vue à travers le prisme de cette demeure, de son accession au trône et l’évincement des proches de son père jusqu’à la mort du roi dans un tournoi, même si celui-ci eut lieu à Paris, et non à Saint-Germain.


 

Atelier de François Clouet (vers 1515-1572)
Portrait en pied de Henri II, vers 1570
Huile sur toile
Florence, Palazzo Pitti - 192 x 105 cm
Photo : Didier Rykner




Atelier de François Clouet (vers 1515-1572)
Portrait en pied de Henri II, vers 1570
Huile sur toile
Florence, Palazzo Pitti - 196 x 105 cm
Photo : Didier Rykner



Le parcours de l’exposition illustre cette histoire. Nous délaisserons ici les plans ou les documents d’archives pour signaler quelques œuvres particulièrement notables, qui nous permettront d’évoquer quelques-uns des épisodes traités.
Les figures du règne sont évoquées par de nombreux portraits, et au premier chef ceux d’Henri II et de son épouse Catherine de Médicis. François Clouet en fit un prototype connu par de nombreuses copies ou répliques d’atelier, dont on peut voir exceptionnellement ici ceux du Palazzo Pitti (ill. 2 et 3). Conçus comme des œuvres indépendantes, ils présentent la particularité curieuse pour des pendants de voir les deux modèles regarder dans la même direction, et donc le roi tourner le dos à la reine.



Attribué à Germain le Mannier
Portrait de Claude de France, vers 1557 ?
Pierre noire, sanguine, craie de couleur - 34,7 x 26,5 cm
Paris, Bibliothèque nationale de France
Photo : Didier Rykner



Attribué à Léonard Limosin (vers 1505-vers 1575-1577)
Portrait du Dauphin, futur François II, vers 1552 ou 1556
Émail peint sur cuivre - 44,6 x 31,8 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : Didier Rykner


Les proches du roi sont le connétable Anne de Montmorency revenu en grâce après avoir été écarté par François Ier, mais aussi François de Lorraine, duc de Guise et Jacques d’ Albon de Saint-André, l’un des plus proches amis du roi. Sans oublier bien entendu Diane de Poitiers représentée ici par une copie d’après Clouet.
Plus intéressants sans doute sur le plan artistique sont les portraits dessinés de quelques-uns des enfants du roi - ils furent en grande partie élevés à Saint-Germain - prêtés par la Bibliothèque nationale (ill. 4). On pourra aussi admirer le très beau portrait peint émaillé du future François II attribué à Léonard Limosin (ill. 5).





Robert Mestays (connu de 1543 à 1569)
Le Combat de l’ours, vers 1553
Argent, soie et argent doré - 81 x 103 cm
Lyon, Musée des Tissus et des Arts décoratifs
Photo : MATD






Robert Mestays (connu de 1543 à 1569)
La Chasse aux cerfs, vers 1553
Argent, soie et argent doré - 83 x 103 cm
Lyon, Musée des Tissus et des Arts décoratifs
Photo : MATD



Parmi les objets les plus rares, on notera les deux fragments d’une tenture brodée sur le thème des Plaisirs du roi Henri II (ill. 6 et 7), rares témoignages nous dit le catalogue des grands ensembles décoratifs bordés à Paris au XVIe siècle. Malgré leur état de conservation assez médiocre, ces scènes de combat d’animaux qui se déroulaient à Saint-Germain-en-Laye pour divertir le roi et la cour, exécutées en argent, soie et argent doré sont encore d’une beauté remarquable. Notons qu’elles sont prêtées par le Musée des Tissus de Lyon et constituent une nouvelle preuve de la richesse de ses collections.



Attribué à la verrerie de Saint-Germain-en-Laye
Coupe aux armes de Catherine de Médicis, entre 1551 et 1589
Verre émaillé et doré - H. 15 cm ; D. 25,5 cm
Écouen, Musée national de la Renaissance
Photo : Didier Rykner





France, 1555 ?
Henri II
Huile sur panneau - 109 x 77 cm
Le Puy-en-Velay, Musée Crozatier
Photo : Benzikio (CC BY-SA 4.0)



En juin 1551, Henri II accorda à un verrier italien, Theseo Mutio, un privilège qui lui donnait le monopole de la fabrication des verres « à la façon de Venise » pour dix ans. Cet atelier poursuivit son activité jusqu’à la fin des années 1580 même après le retrait de Mutio en 1558. Deux objets (ill. 8) portant les armoiries de Catherine de Médicis proviennent probablement de cet atelier dont il est sinon difficile de distinguer la production de celle de Venise.
On admirera aussi dans l’exposition un manuscrit enluminé des statuts de l’Ordre de saint Michel appartenant à la bibliothèque municipale de Saint-Germain-en-Laye et un curieux portrait d’Henri II conservé au Musée Crozatier du Puy (ill. 9) où le roi est représenté complètement frontalement selon une tradition davantage anglaise ou allemande.



Francesco Negroli et ses frères
Armure du Dauphin, futur Henri II, vers 1540
Fer, argent - 181 x 67 x 41 cm
Paris, Musée de l’Armée
Photo : RMN-GP



Le point d’orgue de cette exposition se trouve sans doute dans la chapelle, qui est aussi la conclusion du parcours. On y voit en effet l’armure d’Henri II (ill. 10) alors qu’il n’était encore que dauphin et qui, malgré son extraordinaire qualité qui en fait une œuvre d’art à part entière, était pourtant « un équipement fonctionnel de cavalerie légère », destiné à servir donc. Terminer sur une armure une exposition consacrée à un roi mort en tournoi témoigne d’une certaine logique.

Commissaire scientifique : Étienne Faisant.
Commissaires généraux : Hilaire Multon et Thierry Crépin-Leblond.




Sous la direction d’Étienne Faisant, Henri II à Saint-Germain-en-Laye, une cour royale à la Renaissance, Éditions de la RMNGP, 2019, 184 p., 29,90 €, ISBN : 9782711871582..





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