En Cisjordanie, les checkpoints de la honte…

voltigeur
09/05/2018

Insupportable pour les palestiniens, prisonniers chez eux.



Chaque matin avant l’aube, des milliers de Palestiniens habitant en Cisjordanie se rendent sur leurs lieux de travail situés en territoire israélien, dans les colonies, ou encore à Jérusalem-Est. Quelle que soit la destination, une étape est incontournable pour tous ces palestiniens employés « de l’autre côté » : les points de contrôle mis en place par les forces d’occupation israéliennes. Marquée par la multiplication des vérifications, souvent effectuée sans infrastructures dignes, l’attente y est pénible, humiliante et souvent interminable. Notre reportage en images.

Ils sont environ 70 000 travailleurs palestiniens employés en Israël ou à Jérusalem-est. La plupart sont des hommes, travaillant dans le bâtiment. 30 000 personnes sont aussi employées dans les colonies, et des dizaines de milliers traversent quotidiennement la Ligne verte, sans permis. Ils doivent emprunter, chaque jour, l’un des treize checkpoints qui les séparent des villes et territoires sous contrôle israélien.



Les Palestiniens arrivent dès 3 heures du matin au checkpoint de Bethléem. Beaucoup viennent du sud de la Cisjordanie, dans la région d’ Hébron. Les premiers qui franchissent le checkpoint ont plus de chance d’avoir du travail pour la journée.




Il n’y a pas que les travailleurs qui traversent le checkpoint le matin, mais aussi des étudiants, ou encore des personnes qui doivent se rendre dans les hôpitaux. Il y a normalement une file d’attente dite « humanitaire », qui est aussi utilisée par les femmes. Mais elle est rarement ouverte.



Selon le Bureau international du travail, ces passages se font dans « des conditions inhumaines et humiliantes ». Le checkpoint de Bethléem, connu sous le nom de « Checkpoint 300 », est l’un de ces checkpoints. Certains travailleurs y affluent dès 3 heures du matin. Pour beaucoup, cela signifie se lever au milieu de la nuit. Ils ne retournent chez eux qu’en fin de journée dans un état d’épuisement qui affecte durement leur vie familiale. Certains restent pendant la semaine près de leur lieu de travail, et ne rentrent chez eux que le week-end. Au milieu des nombreux hommes, des femmes viennent vendre leurs légumes dans la vieille ville de Jérusalem-Est.



Des travailleurs essayent de dépasser la file d’attente en grimpant le long du passage. Il n’y a qu’un seul tourniquet pour rentrer dans le checkpoint.




Selon le programme d’accompagnement du Conseil œcuménique des églises en Palestine (World council of churches’ ecumenical accompaniment programme in Palestine and Israël (WCC-EAPPI), de 4 000 à 6 000 Palestiniens traversent le checkpoint de Bethléem tous les jours entre 4h et 7 h du matin.

Le nombre élevé de personnes qui patientent chaque matin au checkpoint 300, le manque d’infrastructures et de personnel, font que le passage se fait dans des conditions déplorables : les travailleurs doivent s’entasser dans un passage étroit entre du béton et des barres de fer, avant de passer par un unique tourniquet, pour entrer dans un terminal équipé de détecteurs de métaux. Leurs sacs y sont aussi balayés par un appareil de radiographie. Enfin, ils passent devant une cabine où un soldat israélien vérifie leur permis, ainsi que leurs empreintes. Le processus peut prendre jusqu’à deux heures. Voire plus en cas de problèmes.



Mohammed, 88 ans, attend que le checkpoint soit moins encombré. Il se rend tous les jours, sauf le vendredi , à Jérusalem pour vendre des légumes sur le marché. « Ce n’est pas une vie », dit-il.




Le terminal du checkpoint de Bethléem ; situé derrière le mur de séparation, a été construit en 2005. Le mur israélien à Bethléem n’a pas été construit sur la Ligne verte mais à 2 kilomètres à l’intérieur du territoire palestinien et des limites municipales de Bethléem.

Les salaires sont deux à trois fois plus élevés en Israël qu’en Cisjordanie, où le taux de chômage est très élevé. Le système israélien d’allocation des permis de travail pour les Palestiniens est très critiqué : un marché noir des permis s’est mis en place, sur lequel le sésame peut être échangé contre un paiement pouvant aller jusqu’à plus de 500 euros par mois. Entre travailleurs palestiniens et employeurs israéliens, des intermédiaires peu scrupuleux en profitent.

En Cisjordanie, les Palestiniens doivent faire face à de nombreux obstacles à la liberté de circulation. À la fin de l’année 2016, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations-unies, il y avait
 572 obstacles fixes en Cisjordanie, dont 44 points de contrôle dotés d’un personnel permanent, et 376 barrages routiers, monticules de terre ou portails.

Texte et photos : Anne Paq / Activestills
 pour BastaMag
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