Le choix de l' Allemagne de sortir simultanément du nucléaire et du charbon aurait pour résultat, à court terme, d'augmenter le risque que ses émissions de CO 2 repartent fortement à la hausse.
ExplicationsKarl Novatore
Quels sont les émissions de CO2 réelles du gaz ? Y-a-t-il une différence entre l'acheminement par gazoduc et le gaz naturel liquéfié (GNL)?
Pour le gaz acheminé par gazoduc, il faut savoir que les fuites sont estimées à au moins 1,4%. Donc, en terme d'empreinte carbone, contrairement à la valeur retenue officiellement, 490 gCO2éq/kWh*, on est probablement aux alentours des... 630gCO2éq/kWh.
Pour le GNL, la tendance serait plutôt à 750 gCO2éq/kWh. Cela s'explique par le fait du type d'exploitation : les puits ; l'extraction engendrant de gros fuites. On les désigne par le terme boil off gas (BOG) ou gaz d'évaporation. En théorie, celui-ci est brûlé.
En conclusion, le gaz, en terme d'émissions de CO2, ne fait guère mieux que le charbon et ses 820 gCO2éq/kWh, même si les nouvelles centrales Cycle Combiné Gaz (CCG), notamment allemandes, sont bien plus efficaces que les anciennes en terme de consommation de gaz.
Or, l'évolution des systèmes électriques dans les 20 prochaines années va dépendre des choix politiques et énergétiques. Et c'est là, que je pose ma question préférée :
Quand est-ce que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et les législations, en général, et, en particulier, européennes, vont prendre en compte ce considérable décalage avec la réalité et, ainsi, revoir à la hausse les valeurs d'émissions de CO2, gCO2éq/kWh, associées au gaz ? Parce que c'est une chose de se féliciter des Transitions énergétiques britannique et autres, mais c'en est une autre d' atteindre les objectifs fixés par l'Accord de Paris sur le climat. Avec des émissions si élevées du gaz, assurément, ils ne seront pas tenus. Et je ne parle même pas des taxes carbones non prélevées et donc de la distorsion de compétitivité.
Par finir, par comparaison, le nucléaire avec enrichissement à l'électricité propre comme en France, c'est4,5 gCO2éq/kWh. Alors quand est-ce qu'on refait les comptes correctement ?
* Empreinte carbone : les facteurs d’émission associés aux sources d’énergie correspondent pour l'essentiel à des émissions de CO2. Ils s’expriment en général en grammes d’équivalent CO2 par kilowatt-heure, gCO2eq/kWh.
Climat : les ambitions de Berlin contrariées par ses choix énergétiques
Ninon Renaud
2020 12 02
Malgré ses efforts de verdissement, le choix de sortir simultanément du nucléaire et du charbon complique la tâche du gouvernement allemand. A court terme, ses émissions de CO 2 risquent de repartir fortement à la hausse.
Un an après l'adoption du paquet climat destiné à paver le chemin d'une neutralité carbone de l'Allemagne en 2050, le gouvernement d'Angela Merkel a tiré un premier bilan positif du chemin déjà parcouru. Malgré les mises en garde du patronat , l'exécutif berlinois a par ailleurs « très bien accueilli » la volonté de Bruxelles de réduire d'ici 2030 de 55 % et non plus de 40 % par rapport à 1990 les émissions de gaz à effet de serre en Europe, a précisé mercredi sa porte-parole Ulrike Demmer.
Au cours des douze derniers mois, l'Allemagne estime avoir joué les bons élèves en bouclant plusieurs lois importantes, qu'il s'agisse de relever progressivement le prix des émissions de CO2 ou d'encadrer sa sortie du charbon d'ici à 2038. Mardi, le ministre de l'Economie, Peter Altmaier, a d'ailleurs pu confirmer la fermeture d'ici à un an de onze centrales à charbon représentant 4,8 gigawatts moyennant 317 millions d'euros d'indemnisations des opérateurs.
La sortie du charbon devrait s'accélérer…
La sursouscription de l'appel d'offres dans le cadre de ces fermetures, et la présence inattendue parmi les sites sélectionnés de centrales très récentes, comme celles de Vatenfall à Moorburg et de RWE à Westfallen, respectivement mises en service en 2015 et 2014, laisse penser que le maintien de centrales à charbon, aussi modernes soient-elles, n'est plus économiquement intéressant pour les énergéticiens. « La hausse programmée du prix du CO2 et les niveaux très bas du prix du gaz devraient accélérer le calendrier de sortie du charbon en Allemagne », anticipe Philippe Litz, expert du secteur chez Agora Energiewende.
Le gouvernement a en parallèle ajusté son cadre juridique pour accroître son parc d'éoliennes en mer tandis que la chute des coûts de production de l'électricité photovoltaïque dope les projets de fermes solaires outre-Rhin . L'exécutif berlinois confirme ainsi son objectif de 65 % d'énergies renouvelables dans sa production d'électricité en 2030 contre 40 % en 2020. « Mais le gouvernement part de l'hypothèse que les besoins en électricité resteront stables, ce qui est irréaliste », réagit Michael Schäfer, spécialiste des politiques énergétiques chez Agora Energiwende.
…mais les émissions de CO2 vont augmenter à court terme
Les associations de défense de l'environnement estiment de fait que le gouvernement ne se donne pas les moyens de ses ambitions. « Les mesures prises ne suffiront pas à atteindre les objectifs fixés. Et si l'UE relève ses propres objectifs de réduction de gaz à effets de serre , l'Allemagne ne devra plus réduire de 55 % mais de 65 % au moins ses propres émissions de CO2 d'ici à 2030 », prévient Michael Schäfer.
A court terme, ces émissions risquent même de remonter car la sortie du charbon, couplée à la fermeture des six dernières centrales nucléaires allemandes d'ici à deux ans, va mettre le réseau électrique sous haute tension. D'ici à 2025, ce sont 20 gigawatts qui seront produits en moins. L'Allemagne a des réserves puisqu'elle exporte en moyenne 8 % de sa production d'électricité, mais il s'agit d'énergies renouvelables non disponibles en permanence.
Selon les scénarios du groupe d'experts BloombergNEF, Berlin devra donc compenser cette disparition à court terme par du gaz, dont la production augmenterait de 74 % (!) d'ici à 2023, mais aussi par du charbon dans ses centrales restantes. Au total, les analystes tablent sur une hausse de 15 % des émissions de CO2 dans les deux prochaines années en Allemagne, en attendant que les énergies renouvelables puissent prendre le relais.
Ninon Renaud (Correspondante à Berlin)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire