Pour sauver le soldat EDF, faut-il faire le choix de la «Plaque» France/Allemagne/Benelux comme «marché pertinent»?

"...Le prix de marché de gros en France est déterminé sur le marché constitué par la «Plaque» France/Allemagne/Benelux, donc par des coûts de centrales thermiques étrangères et non par ceux des installations nucléaires du parc EDF. [...] Le raisonnement de la Commission est fondé sur une hypothèse capitale: le marché à considérer est le marché français. Celui-ci est le «marché pertinent». Tout ensuite découle de ce choix : EDF est en position dominante, et même écrasante"
C'est ballot, non?

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La répartition de l’électricité nucléaire d’EDF, ARENH : une interprétation contestable des règles de concurrence

Géopolitique-electricité 

  L’avenir d’EDF est en négociation à Bruxelles. Le risque d’un nouvel affaiblissement de ce pôle industriel n’est pas écarté, alors que la France s’est, depuis vingt ans, largement désindustrialisée. Selon la Commission Européenne, EDF, en position dominante sur le marché français, en abuserait de façon permanente. Les coûts bas de son très compétitif parc nucléaire empêcheraient le développement de la concurrence. La Commission a accepté, pour une période transitoire, une proposition française, le dispositif ARENH, qui permet aux fournisseurs alternatifs de s’approvisionner à prix coûtant auprès du parc nucléaire d’EDF. Cependant ce dispositif a des résultats surprenants. Il conduit à des augmentations des prix pour une part importante des consommateurs français y compris pour des tarifs réglementés considérés par le Conseil d’Etat comme liés à un service d’intérêt économique général. Il
fragilise l’entreprise EDF dont la production est particulièrement compétitive.
  Il existe un consensus universel qui veut que la concurrence profite aux consommateurs et que les entreprises compétitives en tirent bénéfice. Ce consensus est partagé par toutes les sources classiques du droit, du Traité européen à la jurisprudence, en passant entre autres, par la doctrine. La notion de concurrence est d’origine économique. En l’occurrence ce sont les auteurs de référence de l’économie qui sont ici à la base de la doctrine, d’Adam Smith aux Prix Nobel contemporains, comme Hayek et Friedman. L’interprétation des règles de concurrence faite par la Commission européenne conduit à des résultats contraires au consensus des sources juridiques sur le même sujet. La finalité première des règles de concurrence est le bénéfice des consommateurs et non pas une augmentation des prix. Un objectif majeur est le développement des entreprises compétitives et non leur fragilisation. Il s’ensuit un doute sur l’interprétation par la Commission européenne des règles de concurrence. La Commission estime qu’EDF abuse de sa position dominante sur le marché français présenté comme «marché pertinent». Or cette même Commission fait jouer un rôle important à un marché plus vaste, la «Plaque» France/Allemagne/Benelux, où se détermine une donnée essentielle, les prix de gros de marché. Les économistes, tel Marcel Boiteux1, insistent, comme la Commission européenne elle-même, sur l’importance de cette «Plaque», lieu d’échanges notables d’électricité.
  Si le marché pertinent choisi n’est plus la France, mais cette «Plaque», l’application des règles de
concurrence conduit à des résultats bien différents :
1) EDF qui ne dispose que du tiers du marché n’est plus en position dominante et ipso facto, n’en peut plus en abuser. La Commission donne un critère général pour qu’une entreprise soit en position
dominante: au minimum 40% du marché.
2) EDF dans ce marché France/Allemagne/Benelux, a des concurrents produisant à des coûts comparables : «Suez, avec le nucléaire [belge] d’ Electrabel ...a tout ce qu’il faut pour être un concurrent majeur», Marcel Boiteux1. Engie, avec le nucléaire belge d’ Electrabel est devenu le premier concurrent d’EDF en France.Mais le combat concurrentiel est rude aussi pour Electrabel : EDF est devenu le second fournisseur en Belgique, par sa filiale Luminus.
3) EDF affronte sur la «Plaque» France/Allemagne/Benelux d’autres concurrents sérieux.Tout ceci conduit à conclure que ce marché est concurrentiel. Il comporte une concurrence à la production la seule susceptible d’avoir un impact sur les prix. Le plus compétitif gagne. D’ailleurs, si ce marché ne fonctionnait pas correctement, comment la Commission Européenne pourrait-elle justifier l’utilisation de son prix de marché de gros dans ses décisions?
   Le choix de la «Plaque» France/Allemagne/Benelux rend cohérent les conséquences de l’application des règles de concurrence avec les sources de droit dont elles sont issues.EDF, qui n’est plus en position dominante, peut utiliser les coûts bas de son parc nucléaire pour affronter de sérieux concurrents disposant de moyens de production concurrentiels. Si la Cour de Justice de l’Union Européenne était amenée à trancher, in fine, le débat concernant le marché pertinent, la Commission Européenne devrait justifier son choix du marché français alors qu’il mène à des conséquences contraires à la finalité des règles de concurrence, exercice à la réussite incertaine.En cas d’échec, le dispositif ARENH n’aurait plus de justification, et la réorganisation d’EDF, Hercule, non plus.

1.Marcel Boiteux-«Les ambigüités de la concurrence»-Futuribles n°331-juin 2007

Lire l'étude, ici.

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