Là où le charbon a disparu, on oublie vite les avantages de l’uranium…

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Jean Fluchère
Publié le 18 mars 2017

Commentaire :  Allô, l'Allemagne...Ne coupez pas!

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A un lecteur qui doute que remplacer le nucléaire par un charbon très bon marché ne soit pas un bon choix, Jean Fluchère, expert en questions énergétiques et membre de l’ONG http://www.SauvonsLeClimat.org lui rappelle l’historique qui nous conduit à la révolution écologique de l’électro-nucléaire :

« Je réponds à votre message sur la sortie du nucléaire en m’interrogeant sur la raison majeure de cette sortie.

Pourquoi sortir d’une énergie propre, sûre, compétitive et créatrice d’emplois de haut niveau de qualification car l’essentiel de la valeur ajoutée d’un MWh nucléaire est faite en France? Quelles en sont les raisons majeures ? Personne n’a jamais su répondre à cette question. Les asiatiques : l’Inde, la Chine, la Corée du sud, mais aussi le Vietnam et l’Indonésie disent tous que l’on ne fera pas de développement soutenable sans recours au nucléaire. Ils savent ce qu’est la pollution des centrales thermiques.

Il se trouve qu’au début de ma carrière j’ai travaillé pendant 2 ans dans la centrale thermique au charbon de Blénod les Pont à Mousson qui comprenaient 4 unités de 250 MW soit une installation analogue à nos tranches nucléaires de 1 000 MW.
En fonctionnement continu, cette centrale brûlait 10 000 tonnes de charbon par jour, soit en comptant la modulation de charge du printemps et les révisions de tranches qui se faisaient en été, 3 millions de tonnes de charbon par an. Il s’agissait du charbon lorrain qui contenait 20 % de silice. Nous récupérions via les dépoussiéreurs électrostatiques 99 % de ces cendres volantes soit près de 600 000 tonnes par an dont une partie servaient dans les cimenteries et l’excédent était stocké dans une vallée de l’autre côté de la Moselle.

Une tranche de 1000 MW électronucléaire comprends 157 assemblages de 500 kg chacun. Pour une production analogue à celle de Blénod, nous devons recharger un tiers de cœur toutes les années soit 52 assemblages de 500 kg chacun, ce qui donne 26 tonnes de combustibles enrichi à 4,5 %. Après 18 mois en piscine de désactivation, ces 52 assemblages vont à la Hague où ils sont retraités c’est à dire que l’on sépare les matières fissiles, plutonium et uranium résiduel, puis on trie les déchets en fonction de leur nocivité et de leur demi-vie.

Pour le charbon de Blénod, mais c’est vrai partout, on trouve des traces de soufre, de phosphore, de mercure, d’arsenic, de cadmium, de tous les halogènes, fluor, chlore, brome, iode, astate, de plomb et donc de toute la filiation de l’uranium, c’est à dire le radon, le radium, le polonium.

Mais quand vous brulez 3 millions de tonnes de charbon par an, la somme des traces finit par faire des dizaines de kg.

Par ailleurs la combustion se fait dans des chambres dont la température est très élevée d’où une oxydation de l’azote de l’air comburant qui produit des NOx.

La centrale de Blénod n’était pas équipée de désulfureurs, ni de dénitrificateurs.

Ceci signifie tout simplement que dans les gaz de combustion sortants à la cheminée, nous avions des oxydes de soufre en quantité importante, des NOx, et tous les produits que j’ai évoqué ci-dessus qui sont tous volatils à des températures basses par rapport aux 850 °C de la chambre de combustion. Ils sortaient donc en totalité. Enfin, les dépoussiéreurs électrostatiques ont des rendements de 99 %, c’est à dire qu’ils laissent passe 1 % en masse vers la cheminée et ce 1 % n’est constitué que de particules fines.

Les pluies acides existent et nous savons parfaitement d’où elles viennent. Nous trouvons des composés mercuriels dans les lacs isolés à 2 500 m. Et l’on ne peut pas dire que ce sont les activités humaines proches qui sont à l’origine de ces pollutions. Ce sont des retombées issues d’émissions très lointaines. Les nitrates que l’on retrouve dans nos forêts résultent de la recomposition lointaine d’une partie des NOx, la partie principale retombant sous forme d’acide nitrique aux abords du point d’émissions que constitue la cheminée.

Donc il sort plus de radioactivité, non comptabilisée, des centrales à charbon que des centrales nucléaires. Il sort des métaux lourds qui se recombinent avec l’atmosphère et retombent aux sols et des halogènes dont on connaît le pouvoir oxydant. En outre, la silice n’est pas anodine puisqu’elle donne la silicose.

D’ailleurs en son temps, le Président de l’ ASN a fait réaliser par « les Amis de la Terre » des relevés de radioactivité autour des parcs à cendres et des teneurs radioactives des eaux de ruissellement. Vous trouverez ces rapports sur le site de l’ ASN. Et il ne s’agit là que des produits radioactifs entraînés par les cendres volantes. C’est-à-dire une valeur infime.

Revenir au tout carboné demanderait des quantités de charbon gigantesques. 63 GW X 3 millions de tonnes/GW = 189 millions de tonnes de charbon importées bien entendu ce qui représenterait un déficit de la balance commerciale du pays encore plus fort qu’il n’est.

Pourrions-nous les mettre sur les sites des centrales nucléaires. La réponse est non pour au moins deux raisons:


  1. Il faudrait pour un site de 4 tranches de 1 000 MW, un parc à charbon pour tenir 2 mois pendant l’hiver quand le transport est plus délicat soit un stock intermédiaire de 2,4 millions de tonnes c’est à dire une montagne de charbon. Blénod partait en fin septembre avec un stock sur parc de 600 000 tonnes, et c’était déjà une montagne. Le parc à Charbon était beaucoup plus grand que la centrale elle-même. Or nous n’avons pas suffisamment de place disponible sur les sites,
  2. Sur stock et à l’air libre le charbon fermente et exhale des produits volatils qui s’enflamment spontanément. Il faut donc arroser en permanence le charbon pour éviter le feu des stocks mais surtout la perte de pouvoir calorifique si les produits volatils disparaissent avant d’être brûlé en chaudière,
  3. Le charbon est un pondéral. A l’époque, nous brûlions sur le carreau des mines ou presque, soit en Lorraine, soit dans la Nord, soit à Gardanne. Ceci permettait de charger directement les wagons sans rupture de charges. Aujourd’hui, le charbon serait importé dans des ports minéraliers pour y être brûlé directement à la sortie des minéraliers. Or ces ports ne sont pas très nombreux, Martigues-Fos, Le Havre, Cordemais, Calais –Dunkerque et surtout ils ne sont pas conçus pour recevoir de telles quantités de pondéral. Donc il faudrait les réaménager.
  4. Enfin, je vous parle d’une époque où la consommation française était de 250 TWh dont 60 provenaient de l’hydraulique et 190 TWh venaient des tranches thermiques. Aujourd’hui, la consommation française est de 500 TWh dont 90 TWh viennent de l’hydraulique, de l’éolien et du PV. Il faudrait donc que le charbon puisse fournir 410 TWh. Nous aurions à importer 189 millions de tonnes à un cours de 40 $ sur le lieu de départ. Ce prix doit être majoré du coût du transport d’environ 5 $/t. Comptons 45 €/t . Cela donnerait une dépense de 189 X 45 = 8 505 M€ soit 8,5 Mds€ qui s’ajouterait au déficit de notre balance des paiements. A comparer au 0,5 Mds d’€ que représente le minerai d’uranium sous forme d’U3O8. A noter que le solde exportateur électrique de la France est de 2 Mds d’€ grâce aux 50 à 60 TWh de notre solde des échanges qui rembourse ainsi 4 fois nos importations d’U3O8, 
  5. Bien que vous ne soyez pas gêné par les émissions de CO2 dont vous ne pensez pas qu’elles aient un impact sur le climat, nous ferions 410 TWh au charbon qui émet 1 kg par KWh soit 1 tonne par MWh. Ce qui donnerait 410 X 10 6 X 1 = 410 millions de tonne de CO2.
Je pense que vouloir remplacer le parc nucléaire sûr, propre, compétitif et créateur d’emplois par du charbon mérite ce genre d’approche même si l’on pense que ce ne sont pas les émissions anthropiques qui engendrent des désordres climatiques. »

Alors puisque le renouvelable intermittent et la décroissance ne suffisent pas, regardons bien si cette énergie se serait pas à développer plutôt que de laisser perdurer « l’autre »…

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