Les dérives de l'écologie de marché

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Jean-Pierre Riou
17/10/2017

La sixième extinction de masse des espèces menace indirectement la survie de l’humanité. Contrairement au discours convenu, la question climatique, pour alarmante qu’elle soit, n’en est pas la principale cause.

Et sur les 23 250 espèces figurant sur la liste rouge de l’ UICN, l’ours polaire, malgré le réchauffement et la réduction de son habitat, n’est classé que dans la catégorie « vulnérable », qui regroupe les espèces les moins menacées. Sa population n’ayant d’ailleurs jamais été aussi importante.
La principale menace provient du pillage mercantile des ressources de la planète, qui les transforme en biens de consommation et réduit l’habitat de chaque espèce comme peau de chagrin en imprimant irrémédiablement sa signature industrielle sur le peu qui en reste, par sa pollution aussi bien chimique, visuelle, que sonore.

Les nouveaux écologistes
Brassant chaque année les dollars par centaines de milliards et, paradoxalement issue de l’alliance contre nature entre écologistes et marchands du temple, l’« écologie de marché » a entrepris d’accélérer le massacre. Agitant à la fois le spectre d’une apocalypse nucléaire, d’une fournaise climatique et de l’immersion de territoires, prélude aux invasions de bandes armées, cette nouvelle religion, qui prélève ses « indulgences » sur des consommateurs, forcément coupables, prétend, à grands coups d’argent public, terrasser le mal suprême que constitueraient les émissions de gaz à effet de serre (GES) issues de l’activité humaine et communément exprimées en équivalent CO2.
Mais confondant résultats et moyens, cette nouvelle écologie se gonfle de l’arsenal qu’elle déploie au nom d’engagements passés sans sembler s’émouvoir de sa patente inefficacité. En France, nos nouveaux dévots révèrent l’Allemagne et déplorent le retard dont notre système électrique est supposé souffrir sur son tournant énergétique, ou « Energiewende » auquel la politique outre-Rhin consacre des centaines de milliards d’euros.
Le silence étant de règle sur le fait que la France s’est vu attribuer le meilleur indice de performance climatique au monde, tandis que son « modèle allemand » fait partie du cercle très fermé des rares pays à voir encore les émissions de CO2 du secteur de l’énergie continuer à croitre.

L’énergie en question…
Lors de son audition au Sénat de mars 2012, J.M. Jancovici rappelait brillamment que l’énergie ne peut être propre dans la mesure où elle modifie le milieu auquel elle s’applique. Et que sans elle, le seul travail musculaire d’un individu bien entrainé ne peut guère dépasser quelque 0,5 kWh par jour. Ce n’est que la maîtrise de l’énergie qui permet le pillage de notre planète, l’équivalent d’un seul litre de pétrole fournissant ainsi le même travail que 22 personnes bien entraînées, pendant une journée complète. (1 tonne équivalent pétrole, ou TEP = 11 630 kWh) Et c’est le spectre de ce recours à une énergie facile par des milliards d’êtres humains qui est proprement apocalyptique.


…et sa production
En second lieu, la quête de cette énergie est l’antichambre de cette dévastation du milieu naturel, en raison des activités minières ou autres forages qui permettent de la produire. C’est en investissant ce domaine que les marchands sont entrés dans le temple de l’écologie. D’une « écologie de marché » qui aggrave avec la même certitude chacun des deux volets de la problématique énergétique :
- Par les conditions désastreuses de sa production
- Par ses excédents aléatoires qui doivent trouver preneur toujours plus loin pour ne pas menacer l’équilibre du réseau.

Une production moins propre qu’il n’y paraît

En effet, pour produire de l’électricité, les énergies dites « renouvelables » se taillent la part du lion dans le pillage des ressources minières et, contrairement à une idée largement répandue, sont les plus dévastatrices et les plus voraces en la ressource la moins renouvelable : l’espace naturel.
Qu’il s’agisse de l’inondation de vallées entières pour les besoins de barrages hydrauliques, avec leur cortège d’expulsion de communautés indigènes, qu’il s’agisse des biocarburants qui entraînent des déforestations et dont l’emprise sur les terres agricoles accroit les famines, ou qu’il soit question de « champs » d’éoliennes ou autres panneaux photovoltaïques qui artificialisent et industrialisent chaque année des milliers de kilomètres carrés de zones naturelles vulnérables.
L’écologie de marché ne recule pas même devant l’ agrobusiness de l’élevage en batterie afin de produire en même temps du courant et propose une approche ubuesque de l’énergie dans laquelle les vertus supposées de sa production primeraient sur l’opportunité de son utilisation.

Le péché originel
Quoi de plus désirable, cependant, et plus respectueux de notre planète, qu’utiliser les rayons du soleil pour chauffer l’habitat ou l’eau sanitaire, le souffle du vent pour modifier ce qui se stocke comme la farine, ou l’eau d’un abreuvoir ? De plus vertueux que de tirer parti de ressources naturelles comme un réseau hydraulique ou la chaleur du sous sol, ainsi que de valoriser des déchets amenés à être incinérés ? Mais vinrent les subventions massives destinées à promouvoir ce jardin D’Éden, et qui ont aiguisé des appétits dont ces valeurs n’était pas l’unique attrait. Et transposant ces modèles dans les cadres les moins appropriés, bouleversant l’agriculture ou les réseaux hydrauliques pour en tirer de l’énergie et, pire encore, s’obstinant en vain, depuis un quart de siècle, à tenter d’équilibrer un réseau électrique avec des énergies intermittentes, les nouveaux écologistes ont érigé en catéchisme des aberrations technologiques et sacralisé les énergies renouvelables, quelles qu’en soient les formes et les performances, et quoi qu’il puisse en coûter à l’environnement. Des engagements ont alors été scellés autour du label « renouvelable », qui tiennent lieu de justification en soi et occultent les bilans.
Claude Mandil, ancien Directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) s’interrogeait récemment sur la pertinence du financement de ces énergies renouvelables en introduisant son propos par la question : "Écartons l’argument tautologique : parce que l’Europe s’est donné un objectif de pénétration ambitieux ; on fait parce qu’on a décidé. Certes, mais pourquoi a-t-on décidé ? Qui peut encore répondre à cette question ?"

La genèse de la profusion

L’absence totale de production garantie par les énergies intermittentes que sont éolien et solaire n’ont toujours pas permis de fermer le moindre moyen pilotable, entraînant ainsi le surdimensionnement des moyens de production, notamment en Allemagne dont la capacité a doublé malgré des besoins constants. L’intermittence imposée aux moyens pilotables par la chute des cours jusque des valeurs négatives, dès que le vent souffle ou que le soleil luit, augmente leurs facteurs de pollution, mais ne suffit pas à éviter une surproduction indésirable qui doit trouver immédiatement preneur, de plus en plus loin des frontières, afin de ne pas compromettre l’équilibre du réseau.
C’est ainsi que les exportations de l’Allemagne ont progressé parallèlement au développement des énergies intermittentes éolienne et solaire, la plaçant désormais au 2° rang mondial.

Le graphique ci-dessous, remplacera une longue explication sur le lien de cause à effet entre moyen aléatoire et production superflue, ainsi que sur l’erreur qui consisterait à vouloir en généraliser le modèle, pour l’unique raison que tout le monde voudrait exporter en même temps, et se trouverait dépourvu lors des périodes de grand froid anticyclonique sur l’Europe qui sont, rappelons le, sans vent.


Les vertus de l’économie d’énergie
Remarquons que si l’économie d’énergie est à présent vertueuse, elle n’est fondamentalement destinée à le rester qu’en tant que contribution au pillage des ressources naturelles ou en tant qu’elle accroit les émissions de GES ou d’autres polluants. Mais il n’en va pas forcément de même pour toute forme d’énergie ni toutes ses applications.
Pas plus qu’on ne peut affirmer que l’énergie est condamnée à se raréfier, ce serait méconnaître les capacités du génie humain à relever des défis technologiques. Pour autant, les surproductions d’électricité liées à l’augmentation de la capacité éolienne installée représentent actuellement une réalité bien éloignée de la société sobre et responsable qu’elle prétend incarner.

Une politique expansionniste malgré son échec
La Cour des Comptes européenne vient de fustiger l’inefficacité de cette politique en matière climatique, confirmant les nombreuses alertes des analystes institutionnels qui mettent en évidence l’absence de réalisme de ses promesses.
Pourtant, persistant à comparer le prix d’un MWh pilotable à celui d’un MWh intermittent, comme si le service rendu était le même, et incarnant les missionnaires des temps modernes, nos marchands du temple rêvent d’exporter leur modèle intermittent aux continents les plus déshérités. Récoltant providentiellement en échange les « Unités de Réduction d’Émission » (URE) générées grâce au protocole de Kyoto, (MOC ou MDP) et qui sont autant de droits à brûler les énergies fossiles dans leur propre pays. Les nouveaux territoires offrant accessoirement de nouvelles zones vierges à piller, de nouvelles ressources minières à explorer.


Le malentendu
L’écologie de marché se cache derrière le faux nez d’une production locale et sobre, alors que l’intermittence de sa production multiplie les besoins d’interconnexions et les surproductions. Elle se présente en alternative au risque nucléaire, tandis que son bilan établit que c’est hors de sa portée et promet le remplacement des ressources fossiles dont elles assurent, bien au contraire, la plus stricte dépendance, en empêchant les alternatives pérennes d’émerger, en raison de leur responsabilité dans la disparition de toute visibilité financière d’un système électrique en ruine.
Ces nouveaux écologistes fédèrent ainsi des idéaux diamétralement opposés au monde vers lequel ils nous conduisent. Les sommes qu’ils brassent, prélevées sur les ménages, même les plus modestes, à travers les taxes sur l’énergie ont fait dire à Benny Peiser, Directeur de la Global Warming Policy Foundation, que cette politique représente « plus grand transfert de fonds des pauvres vers les riches de l’histoire moderne» (The Australian, 10/08/2013)
Les émules de cette nouvelle écologie semblent oublier que l’argent public, lui non plus, n’est pas renouvelable et que chaque euro dépensé dans cette chimère l’est au détriment de toute autre cause.

D’authentiques aspirations trompées
L’écologie contemporaine est pourtant riche de remises en cause. Aussi bien de modes de production, du modèle consumériste, ou de prises de conscience de la responsabilité de chaque individu quant à l’empreinte qu’il laisse derrière lui. Elle fait germer des valeurs de solidarité et de partage à travers la recherche d’un mieux être naturel mais frugal, et dans lequel les énergies renouvelables justifient d’ailleurs pleinement leur place, pour l’autonomie qu’elles permettent. Dans le seul cas d’une consommation sevrée de tout réseau centralisé. Là est tout le problème.

L’imposture

De nombreux modèle de « bâtiments à énergie quasi nulle » (rendus obligatoires dès 2020) ou autres « territoires à énergie positive » séduisent, en toute logique, les authentiques écologistes. Mais si une meilleure isolation reste le moyen le plus rationnel d’économiser l’énergie, la question de la dépendance au réseau implique que pour se dire « positive » la production autonome d’énergie est supposée faciliter la tâche de ce réseau et non lui imposer des contraintes supplémentaires.

Tantôt en produisant une énergie superflue et tantôt en faisant appel à la totalité des moyens pilotables d’un système de plus en plus interconnecté. Avec les surcoûts que cela implique, tant par la présence de centrales disponibles mais sous utilisés que par les interconnexions destinées à en évacuer les surplus. La décroissance est elle souhaitable ? Pour la survie de l’humanité c’est probable. En tout état de cause, ce n’est pas « l’écologie de marché » qui en ouvre la voie.

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