27 mai 2014
Les cheminées de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-Nouan, le 26 mars 2012. Photo Vincent Nguyen. Rivapress
La Cour des comptes pointe la hausse nécessaire des investissements dans les centrales EDF.
Hier, l’action EDF a reculé, à 27 euros… soit très au-dessus de sa valeur en juin 2013, à 17,10 euros. Anecdote boursière ? Plutôt le signe que le rapport de la Cour des comptes sur le coût de l’électricité d’origine nucléaire, publié hier, ne bouleverse pas l’économie du secteur. Que dit ce rapport ?
Des coûts de production en hausse
En mettant à jour son travail de 2012 sur les «coûts passés, présents et futurs de la production d’électricité nucléaire», la Cour des comptes a réévalué son «coût courant économique» à 59,80 €/MWh, soit 16% de plus en euros constants qu’en 2010. L’origine de cette hausse provient pour l’essentiel des investissements décidés par EDF sur les centrales en activité dans le cadre de grands travaux - le «grand carénage» - destinés à démontrer à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le bien-fondé d’un allongement de leur utilisation après quarante ans d’exploitation. L’objectif officiel visé est de cinquante ans, mais la direction d’EDF pense tout bas à soixante ans, une durée déjà ciblée par les exploitants américains, dont 73 centrales plus anciennes équipées d’une technologie similaire ont déjà une autorisation d’aller à soixante ans. Une autre partie résulte des prescriptions de l’ASN imposée à la suite de la catastrophe de Fukushima Daichi (Force d’action nucléaire rapide, renforcement des protections, dispositifs supplémentaires d’ultime secours…). S’y ajoute un rattrapage dans les dépenses de maintenance, comprimées de 2003 à 2006 pour afficher des résultats financiers dopés, et l’embauche de personnels supplémentaires dans la perspective du renouvellement des équipes. Le coût global des investissements annoncé pour 2011-2033 approche les 100 milliards d’euros, mais il suppose que tous les réacteurs seront prolongés au-delà de quarante ans, ce qui n’est pas garanti. Ces chiffres et la méthode de calcul de la Cour sont bien acceptés chez EDF, qui y voit la preuve qu’il n’y a pas de coûts «cachés» dans le nucléaire.
Des choix sur la durée de vie Déterminants
La Cour des comptes alerte sur l’évolution future des coûts. En témoignent ceux de l’ EPR en construction à Flamanville qui, même défalqués de l’effet «tête de série» et de la remise en route d’une industrie qui n’avait plus construit depuis Civaux en 1997, seront supérieurs à ceux des centrales des années 80. Un surcoût qui s’explique en partie par des dispositifs de sûreté plus performants, plus robustes et plus redondants, mais également plus chers. S’il demeure des incertitudes sur les charges futures, la Cour rappelle qu’un «doublement» du coût du stockage des déchets nucléaires ne pèserait que 1% du total, tandis qu’une augmentation de 50% de celui du démantèlement ne l’impacterait que de 2,5%.
En revanche, la prolongation, ou pas, de la durée de vie des centrales après quarante ans et la mise en œuvre, ou pas, de l’objectif fixé par Hollande d’un mix électrique composé de 50% de nucléaire en 2025, pèseront d’un poids beaucoup plus lourd. La difficulté de l’affaire étant qu’un arrêt avancé des réacteurs diminue paradoxalement le coût futur, car il signifie que les travaux de «grand carénage» prévus par EDF n’auront pas lieu… mais au prix du recours à une autre source d’électricité si la consommation ne diminue pas au même rythme. Pas sûr, alors, que celà pèse dans le même sens sur les factures. La Cour enfonce donc le clou, et réclame du gouvernement qu’il sorte du flou et prenne «position» sur «des orientations de la politique énergétique à moyen terme», et surtout sur «le prolongement de la durée d’exploitation des réacteurs au-delà de quarante ans», sous réserve de la décision de l’ ASN, qui demeure maîtresse en matière de sûreté.
Un nucléaire toujours compétitif
Le coût courant économique de la Cour des comptes est très théorique, sans rapport direct avec les tarifs pratiqués. Le coût de production ne pèse qu’environ 40% du prix de vente. Et l’historique des tarifs montre qu’il était plus élevé dans les années 80. En revanche, note la Cour, «ce coût global moyen sur toute la durée de fonctionnement du parc» est «utile pour comparer le prix des énergies entre elles», comparaison qui ne figure pas dans le rapport. Il est donc nécessaire de le faire afin d’en avoir une lecture effectivement utile.
L’ordre de grandeur du coût de production du mégawattheure nucléaire par les centrales françaises est de 60 euros, disent les magistrats. Un chiffre à coût complet, qui se compare à ceux des centrales à charbon ou à gaz - à condition qu’elles fonctionnent au moins quatre mille heures par an -, qui vont de 70 à 100 euros. Et aux tarifs auxquels EDF est aujourd’hui contrainte d’acheter l’éolien terrestre (85 euros), l’éolien offshore (200 euros), voire les près de 300 euros du solaire photovoltaïque. Des comparaisons qui expliquent pourquoi les tarifs domestiques d’EDF demeurent 30% moins élevés que la moyenne européenne et deux fois moins élevés qu’en Allemagne.
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