“La production d’électricité nucléaire est rentable en France”, Valérie Faudon


Par Djamel Khames
25 octobre 2017
 
Commentaire :  Les enjeux d'avenir concernant la production d'électricité sont fort bien expliqués. A noter, que la filière nucléaire doit sans arrêt et c'est normal, se justifier qui de son coût, de l' indépendance de son approvisionnement, de sa technologie et de son futur, de ses dangers, etc. Il serait équitable que le lobby éolien fasse l'objet de la même rigueur...


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Le coût du mégawatt produit par le nucléaire serait devenu plus élevé que celui produit à partir du renouvelable. Une assertion que réfute la déléguée générale de la Sfen.
 
Valérie Faudon, déléguée générale de la Société française d’énergie nucléaire (Sfen). Photo : DR

AMMag – De récentes études montrent que les énergies renouvelables, notamment le solaire, produisent une électricité moins chère que celle issue de la filière nucléaire…
Valérie Faudon – La diminution du coût des énergies renouvelables dans certaines zones géographiques est une bonne nouvelle pour le climat, car nous avons besoin de toutes les énergies bas carbone, y compris de celle issue du nucléaire [1], pour réduire nos émissions de CO2 et atteindre les objectifs climatiques fixés. En France, les centrales actuelles demeurent le moyen le plus compétitif de produire de l’électricité. Les dernières données disponibles permettent d’évaluer son coût cash à 32 ou 33 €/MWh. Ce coût est inférieur à la valorisation moyenne de l’électricité, de 40 €/MWh. Dit autrement, la production d’électricité nucléaire est rentable en France. Cette compétitivité est un atout pour l’économie française — pour les ménages, les entreprises et les industries. Pour donner quelques éléments de comparaison : un ménage allemand paie son électricité 70 % plus cher qu’un ménage français. Pour les industriels, le prix de l’électricité est 25 % inférieur au prix moyen en Europe, ce qui constitue un facteur clé d’attrait pour les entreprises et permet de prévenir les délocalisations. Enfin, il est compliqué de mettre sur un même plan les sources de production variables, telles que l’éolien ou photovoltaïque, et pilotables comme l’hydraulique, le gaz, le charbon ou le nucléaire. Ces énergies n’apportent pas les mêmes services. L’Agence internationale de l’énergie préconise d’ailleurs d’ajouter aux coûts de production des énergies variables des coûts de «système» : coûts d’adéquation pour équilibrer l’offre et la demande, coûts de rééquilibrage pour préserver la performance du réseau en tenant compte des incertitudes sur l’offre et la demande, coûts de connexion au réseau, coûts de renforcement et d’extension du réseau, voire coûts de développement de solutions de stockage pour gérer les équilibres des systèmes électriques.

AMMag – Tenez-vous compte des coûts supplémentaires engendrés par les travaux du grand carénage, les provisions pour le futur démantèlement des centrales nucléaires et la gestion des déchets ?
V. F. – Dans ses deux derniers rapports, la Cour des comptes relève que les postes de dépenses futures sont bien identifiés et qu’il n’y a pas de «coûts cachés». Concernant le grand carénage, dont l’objectif est de rénover les centrales nucléaires pour les exploiter plus longtemps : les investissements sont pris en compte dans le calcul des coûts cash [2]. Contrairement à une idée reçue, ces dépenses ne représentent pas un «mur d’investissement», mais correspondent à une période où les coûts cash sont plus élevés d’environ 1 Md€/an en moyenne. Cet investissement est même profitable et contribue à l’équilibre des comptes de l’électricien.
Pour le démantèlement, l’inventaire de ces coûts est constitué en début d’exploitation et n’évolue que très peu avec la production. Dans le bilan d’EDF, 19,6 Md€ de provisions non actualisées à fin 2015 sont enregistrés et entièrement couverts par des «actifs dédiés». Une augmentation pèserait peu sur les coûts cash, estime la Cour des comptes. De la même manière, sur la question du stockage des déchets radioactifs, la Cour estime qu’un doublement du devis du projet Cigéo [3] conduirait à une augmentation de seulement 1 % du coût de production d’électricité.
En matière de fiscalité climatique, nous soutenons l’introduction en France d’une trajectoire de prix plancher du CO2, applicable au secteur électrique. Selon nous, un prix élevé du carbone, d’environ 30 € par tonne de CO2, renforcerait la pérennité et l’attrait des investissements dans les technologies bas carbone que sont le nucléaire et les renouvelables, en révélant pleinement l’avantage compétitif tiré du faible contenu CO2 de leur production, tout en n’ayant qu’un impact très limité sur la facture des Français.


AMMag – L’année dernière, pour la première fois, le nombre de mégawatts produits par des centrales à énergie renouvelable a été supérieur à celui de la dernière centrale nucléaire mise en production. Est-ce le prélude du déclin de l’énergie d’origine nucléaire ?
V. F. – Contrairement à une idée reçue, nous n’avons jamais autant construit de réacteurs nucléaires depuis vingt-cinq ans. Pour se libérer du charbon et dépolluer ses villes, la Chine se tourne vers le nucléaire. Les autorités ambitionnent de construire six à huit réacteurs chaque année d’ici à 2020. De nombreux projets sont également engagés au Royaume-Uni, en Inde, en Hongrie, en Pologne et en République tchèque.
Les États-Unis aussi misent sur le nucléaire : une cinquantaine de start-up lancent des concepts de réacteurs innovants. Par ailleurs, alors que la menace du changement climatique est de plus en plus pressante et que le charbon et le gaz restent les principales sources de production d’électricité de la planète, nous aurons besoin de toutes les énergies bas carbone disponibles : renouvelable et nucléaire. Dans son scénario 2DS, considéré comme sa vision la plus efficace pour tenir l’objectif de 2 °C, l’Agence internationale de l’énergie estime que la capacité brute nucléaire pourrait plus
que doubler d’ici à 2050, passant d’environ 400 GWe [4], son niveau actuel, à 930 GWe. Rappelons la réalité : actuellement, la montée en puissance des énergies renouvelables ne suffit pas à renverser le modèle, qui reste dominé par les énergies fossiles. Cette difficulté s’illustre outre-Rhin. Engagée dans une vaste transition énergétique depuis le début des années 2010, l’Allemagne continue d’émettre près de 500 g de dioxyde de carbone par kilowattheure, soit presque autant de CO2 que les États-Unis, un des plus gros émetteurs de la planète. À consommation énergétique égale, un Allemand émet 80 % de plus de dioxyde de carbone qu’un Français. En produisant 94 % d’électricité sans CO2, la France, pays le moins émetteur du G7, a déjà atteint les objectifs de la Cop 21.

AMMag – L’uranium, la matière première du combustible nucléaire, pose aussi, comme le pétrole et le gaz, un problème : au-delà de sa faible présence en France, il est non renouvelable. Peut-on fonder une politique électrique, d’origine nucléaire à 50%, voire à 75%, sur un minerai destiné à disparaître à terme ?

V. F. – Selon l’AIEA qui fait référence dans ce domaine, les réserves de ce métal sont suffisamment abondantes pour permettre un développement durable du nucléaire, tout au long du 21e siècle et au-delà.
Pour valoriser au mieux les matières des combustibles usés, la France a développé des capacités technologiques uniques au monde permettant le recyclage de 96 % des matières issues du combustible usé. Cette technique permet de produire chaque année 10 % de l’électricité française. Les innovations technologiques permettront d’aller encore plus loin. Les réacteurs de 4e génération valoriseront les matières issues du recyclage des combustibles usés. Avec cette technologie, la France disposera d’une autonomie de plusieurs milliers d’années pour produire son électricité.
Par ailleurs, la transition vers un monde bas carbone exige d’importants besoins de minéraux et métaux. Dans un récent rapport, la Banque mondiale anticipe d’ailleurs que le développement des renouvelables et des technologies de stockage entraînera une augmentation massive des besoins en lithium, manganèse, nickel, zinc et acier. De son côté, le Comité des métaux stratégiques (Comes) souligne que les besoins en matières premières, particulièrement en acier, pour construire les infrastructures renouvelables sont sensiblement plus élevés par kWh produit que ceux des installations actuelles comme le nucléaire.


Travaux sur le stator de l’alternateur d’un réacteur de la centrale nucléaire de Saint-Alban en Isère. Depuis 2015, elle a produit près de 454 milliards de kilowattheures.

(1) Le nucléaire est reconnu comme une énergie bas carbone dans le 5e rapport du groupe I du Giec (2013-2015).
(2) Le coût cash représente les sommes décaissées.
(3) Le centre industriel de stockage géologique est un projet de stockage profond de déchets hautement radioactifs et à vie longue. Une installation est prévue vers 2025 dans l’est de la France.
(4) Gigawatt électrique.

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