Association des Écologistes Pour le Nucléaire
JP. Brette et B. Comby
08/11/2013
Le démantèlement des centrales nucléaires alimente les polémiques sans qu'on en sache très bien quoi en penser.En effet les organisations anti-nucléaires voudraient d'un côté nous
faire croire que ce démantèlement serait, selon eux, impossible ou tellement coûteux que cela condamnerait l'énergie nucléaire. Cela conduit à alimenter des polémiques stériles.
Qu'en est-il vraiment ?
Tout d'abord il n'y a effectivement pas beaucoup d'exemples de démantèlement complet (avec retour au gazon). La raison à cela n'est pas que ce serait très difficile ou impossible de démanteler nos réacteurs, comme certains voudraient nous le faire croire.Au contraire c'est très simple de démanteler un réacteur : ce n'est jamais qu'un chantier de démolition. C'est beaucoup plus simple à faire que de construire la centrale.Bien sûr il reste un peu (en fait très peu) de radioactivité dans l'enceinte de confinement notamment sur le circuit primaire (pas tant que cela : 99,9% de la radioactivité est contenue dans le combustible lui-même qui est déchargé puis recyclé à La Hague peu après l'arrêt du réacteur en fin de vie) .C'est pourquoi on organise beaucoup plus proprement un démantèlement nucléaire qu'un chantier de démolition classique. Cela coûte donc plus cher que d'abattre un bâtiment industriel ordinaire, mais à la base c'est pareil, il s'agit de couper en morceaux des ferrailles et de casser quelques bâtiments en briques et la grosse enceinte en béton, ce qui n'est pas le bout du monde ni une science très compliquée... C'est toujours plus facile de casser que de construire, et cela coûte toujours bien moins cher (même quand on le fait très proprement comme c'est le cas dans le nucléaire).
La raison du peu d'exemples que nous avons jusqu'à présent vient simplement du fait que les réacteurs que nous exploitons ont presque tous été construits après le premier choc pétrolier de 1973. Ils n'ont donc pas atteint leur durée de vie et fonctionnent encore, tout simplement. Ils ne sont donc pas (encore) en démantèlement. Les quelques réacteurs arrêtés (en France : Brennilis, Superphénix par exemple) avancent bien sur le chemin du démantèlement, en prenant leur temps. Là aussi, la raison de cette durée n'est pas parce que c'est difficile mais parce que souvent ce sont les antinucléaires qui s'opposent systématiquement à ces démantèlements (après avoir pourtant exigé l'arrêt des centrales et leur mise à la casse !) en multipliant les recours juridiques (leur but une fois le réacteur définitivement arrêté devient alors de démontrer que le démantèlement est impossible dure longtemps et coute très cher. Pour diverses raisons, notamment politiques (Superphénix) ou parce qu'il s'agissait de petits réacteurs expérimentaux de première génération non rentables à exploiter, ce n'était pas leur but (Brennilis), certains réacteurs ont cependant été arrêtés avant leur durée de vie normale de 50 ans, et sont en démantèlement ou déjà entièrement démantelés dans certains cas.
C'est intéressant donc de regarder comment se passe ce démantèlement et combien il a coûté. En France le premier réacteur nucléaire, ZOE était situé au sud de Paris. Il a été
entièrement démantelé et est devenu un musée de la radioactivité. Les locaux ou se trouvait ce réacteur sont librement accessibles sans le moindre danger pour la santé. L'exemple des Etats-Unis est particulièrement intéressant à observer puisque plusieurs réacteurs à eau (les mêmes que les nôtres) y ont été démantelés complètement (retour au gazon naturel du terrain de la centrale), notamment Main Yankee et Yankee Row.
Il y a trois étapes :
1 - le démontage jusqu'au "retour au gazon" de tous les bâtiments annexes (bureaux, locaux techniques, salle des machines, etc.) sauf l'enceinte de confinement. Il s'agit d'un chantier de démolition "classique". Pendant ce temps on se contente de décharger le combustible du réacteur (le vidant alors de 99,9% de sa radioactivité). Seule reste une petite radioactivité rémanente. Comme elle diminue rapidement avec le temps, on attend quelques années que cela refroidisse encore plus (les doses rémanentes sont ainsi très faibles), typiquement, 5 ou 10 ans, ce qui donne l'occasion pendant ce temps d'organiser le chantier au mieux.
2 - démantèlement du circuit primaire : on commence par enlever auparavant tous les dépôts de surface dans le circuit en faisant circuler des solvants et de l'acide à la place de l'eau dans le circuit primaire, ensuite on recycle les solvants ou l'acide en le neutralisant, ce qui permet de récupérer les tuyaux quasi-propres d'un côté et les résidus précipités (direction centre de stockage) de l'autre. Il peut aussi y avoir un décapage au karcher de l'intérieur de la cuve ou de certains locaux ou tuyauteries plus ou moins contaminées en surface. Ensuite on découpe au chalumeau le circuit primaire et on évacue les morceaux vers le centre de stockage approprié. La seule contamination résiduelle de ces tuyaux est alors le Cobalt 60 (demi-vie : une trentaine d'années).
3 - démantèlement de l'enceinte de confinement dont seule une petite partie est très faiblement radioactive (principalement du béton et des ferrailles) : cela donne une assez grande quantité de matériaux inertes, qui ne sont que très faiblement contaminés, qui sont alors cassés en petits morceaux, conditionnés dans des fûts et emportés vers un centre de stockage approprié.Ensuite, une quinzaine d'années environ après l'arrêt des réacteurs, on
peut replanter des arbres et redonner une autre destination au terrain, la radioactivité du terrain a disparu et est identique à ce qu'elle était auparavant (c'est-à-dire 100 à 1000 fois plus faible que dans des régions à forte radioactivité naturelle). C'est ce qui a été fait avec succès aux Etats-Unis. On voit ainsi que le démantèlement des réacteurs nucléaires est
parfaitement maîtrisé, techniquement et économiquement. Les aléas des différents projets sont moyennés dans les provisions rigoureusement provisionnées tout au long du fonctionnement de nos réacteurs, en France comme dans tous les autres pays exploitant des
réacteurs (c'est imposé par l'AIEA), par une taxe déjà incluse dans le prix du kWh.
Le montant des provisions effectués et la manière de la calculer peut varier un peu d'un pays à l'autre (la technologie des réacteurs et leur dimension variant d'un pays à l'autre il est normal que les estimations du prix du démantèlement varient un peu aussi s'agissant de réacteurs différents. En France, la cour des comptes a établi ici que même si des incertitudes
persistent, et que certains pointent des provisions peut-être insuffisantes (ce qui peut se discuter) ces provisions pourront facilement être abondées financièrement si nécessaire vu les faibles coûts de fonctionnement des centrales amorties, elle précise :
"il est possible de confirmer que l’exercice « Dampierre 09 », reposant sur une méthode de calcul robuste et justifiée, aboutit à une évaluation du coût de démantèlement futur des 58 tranches REP d’EDF et des installations associées de 17,7 Md€ 2010, proches du montant de l’évaluation historique (18,4 Md€ 2010)."
Conclusion : démanteler un réacteur à eau (comme ceux que nous avons) de manière minutieuse en faisant très attention est parfaitement possible, bien maîtrisé et coûte entre 10 et 15% du prix qu'il a fallu pour le construire.
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