Chine : faible impact des renouvelables sur les carburants fossiles


Philippe Gauthier 
Posted on 26/03/2018
La Chine s’est lancée dans un vaste programme de déploiement d’énergies renouvelables. Mais ces énergies propres remplacent-elles vraiment les énergies fossiles ou ne font-elles que s’y ajouter? Deux chercheurs chinois se sont penchés sur la question et notent que la substitution demeure limitée, bien qu’elle dépasse ce qui a été observé ailleurs dans le monde.
L’étude de Yuanan Hu et Hefa Cheng, publiée en 2017, s’intéresse à la substitution des carburants fossiles par l’électricité produite à partir de sources renouvelables – surtout l’hydroélectricité – entre 1995 et 2014. Elle se penche aussi sur l’effet des importations d’électricité verte d’une région du pays à l’autre. Ces résultats sont intéressants dans la mesure où la Chine représente 17 % de la production mondiale d’électricité renouvelable. De plus, en raison de la production nationale limitée de pétrole et de gaz naturel, la production d’électricité à partir de carburants fossiles repose à 89 % sur le charbon, ce qui contribue à faire de la Chine le plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde.
À l’échelle nationale, les données montrent que la production de 100 MW d’électricité renouvelable élimine en moyenne 23 MW d’électricité produite à partir de carburants fossiles – soit un taux de substitution de 23 % seulement. Ce modeste taux demeure toutefois le double de double de ce qui a été observé ailleurs dans le monde, notamment dans l’étude classique de Richard York en 2012. Les importations d’électricité d’une province à l’autre ont un effet un peu plus marqué : 100 MW d’électricité propre permettent de remplacer 31 MW d’électricité fossile.


Usage électricité Chine


Une analyse plus fine des résultats montre que le taux de substitution s’élève lorsque la part des renouvelables dépasse 10 % dans un réseau électrique donné. L’étude s’intéresse aussi à l’effet rebond, ou Paradoxe de Jevons. Il s’agit d’une situation où l’efficacité énergétique et la baisse des prix entraînent finalement une augmentation de la consommation de la ressource. Les auteurs citent quelques études qui estiment que l’effet rebond annule au final de 20 à 60 % de l’énergie économisée au départ. Leurs données donnent à penser que l’effet rebond serait de l’ordre de 10 à 50 % en Chine.
Comment explique cette relative inefficacité des renouvelables à réduire la part des carburants fossiles? L’étude expose quelques facteurs techniques. D’une part, de 6 à 7 % de l’électricité se perd dans la transmission et la distribution, surtout lorsqu’elle est produite au loin et exportée. D’autre part, une grande partie de l’électricité renouvelable, surtout celle d’origine éolienne, est produite dans des régions reculées qui sont mal reliées au réseau. Une grande partie de cette énergie est perdue faute de pouvoir être transportée vers les marchés.
Il existe aussi des facteurs pratiques, économiques et politiques. Les entreprises électriques d’État, par exemple, donnent souvent priorité à la production électrique des centrales au charbon locales sur l’importation d’énergie renouvelable. Il s’agit souvent de rentabiliser ces équipements coûteux en capitaux.
La Chine s’est fixée comme objectif de faire porter la part des renouvelables à 8 à 15 % dans le mix énergétique primaire d’ici 2020, tout en réduisant la part du charbon à moins de 62 % et 4,2 milliards de tonnes. Hu et Cheng estiment qu’en raison du faible taux de substitution des énergies renouvelables aux énergies fossiles, il faudra substantiellement augmenter les ressources consacrées aux énergies vertes pour y parvenir.

Sources :
php

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : DES INVESTISSEMENTS COLOSSAUX POUR ADAPTER LE RÉSEAU AUX ENR

   Investissements dans les infrastructures de réseau : RTE : I00 milliards sur I5 ans; Énedis : I00 milliards sur I5 ans .   L'unique ...