Fotolia
La démolition d’une éolienne dont le permis de construire a été annulé par le juge administratif, mais dont l’exploitation a été autorisée, fait trembler le mur de séparation des juridictions.
Qui peut décider de démolir une éolienne dont le permis de construire a été annulé par le juge administratif pour irrespect des règles d’urbanisme, mais dont l’exploitation demeurait légalement autorisée au titre de la police administrative spéciale des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ? Telle était la question délicate posée mi-février devant la troisième chambre civile de la Cour de cassation (1).
Permis de construire illégal
En l’espèce, par arrêté du 8 avril 2005, le préfet du Morbihan avait délivré à une société un permis de construire en vue de l’édification de quatre éoliennes sur le territoire de la commune de Guern. Mais, du fait d’une étude d’impact jugée insuffisante et de l’existence d’un risque d’atteinte à la sécurité publique au sens de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme, le permis de construire avait été définitivement annulé par le Conseil d’Etat.
Par suite, les éoliennes litigieuses pouvaient être démolies sur décision du juge judiciaire en vertu de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme. Car cet article permet, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, au juge judiciaire de décider « de démolir une construction édifiée conformément à un permis de construire, du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique [uniquement] si, préalablement, le permis a été annulé par la juridiction administrative ».
Sauf que, depuis la loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010, les éoliennes ont été intégrées à la nomenclature des ICPE. Ainsi, elles relèvent désormais de deux législations distinctes : celle relative aux règles de l’urbanisme pour leur construction et celle relative aux ICPE pour leur exploitation.
Exploitation autorisée
Cette seconde législation a consacré un droit acquis de l’exploitant à poursuivre l’exploitation des éoliennes construites antérieurement à ce classement à condition de se faire connaître du préfet dans l’année suivant la publication du décret, ce qui fut le cas en l’espèce. Ainsi, l’exploitation des éoliennes litigieuses a pu demeurer légalement autorisée au titre de la police administrative spéciale des ICPE.
Or, en vertu du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, le juge judiciaire ne peut substituer sa propre appréciation à celle que l’autorité administrative a portée, dans l’exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter des ICPE. Un raisonnement non retenu par la Cour de cassation, qui estime que le juge judiciaire peut ordonner la démolition d’une éolienne dont le permis de construire a été annulé par le juge administratif, quand bien même cette démolition ferait obstacle à la poursuite de l’activité de cette ICPE, « le risque d’atteinte à la sécurité publique étant la conséquence du non-respect des dispositions du code de l’urbanisme ». Ou comment retomber sur ses « pales »…
Références
Article R.111-2 du code de l’urbanisme
Article L.480-13 du code de l’urbanisme
Loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques
Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement
php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire