PPE : confusion dans le pilotage de la politique énergétique de la France (Tribune)

par Michel Gay
Publié le 18.03.2018 

En ces temps de dates anniversaires des catastrophes de Fukushima et Tchernobyl, de nombreux débats et avis s’opposent sur la baisse de la part du nucléaire dans la production d’électricité et viennent parsemer l’actualité. Que l’on soit pour ou contre l’atome, il est essentiel d’avoir accès à des données et faits objectifs pour comprendre les enjeux du futur mix énergétique français. Des enjeux que nous tous, citoyens, pourrons suivre pendant la révision de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui débute ce 19 mars.
Pour conclure cette semaine consacrée aux idées reçues qui circulent sur le nucléaire et à la veille de la PPE, Le Monde de L’Énergie laisse la parole à Michel Gay.
Désireux de défendre l’intérêt général, membre de l’Association des écologistes pour le nucléaire (AEPN), de la Fédération environnement durable (FED), et de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN), Michel Gay a souhaité revenir sur la grande confusion qui s’est installée dans l’élaboration de la future Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) entre énergie et électricité.

Élaborée par le ministère de la Transition écologique et solidaire, la PPE est pourtant « l’outil de pilotage de la politique énergétique de la France » qui vise à diminuer les émissions de gaz carbonique (CO2).
Si le débat se fourvoie autour de la production d’électricité, il passera à côté de l’objectif principal de la PPE qui est de réduire la consommation des énergies fossiles et, conjointement, les émissions de gaz à effet de serre.
C’est également l’erreur majeure de la Commission européenne qui mélange l’objectif (réduire la consommation d’énergies fossiles) et les moyens (développer les énergies renouvelables productrices d’électricité).


Les six « objectifs » de la PPE
La future PPE définit six objectifs initiaux à l’horizon 2025, 2030 et 2050. Or il y a confusion entre les objectifs et les moyens d’atteindre ces objectifs qui doivent être financièrement « soutenable ». En effet, les trois premiers points (réduire les émissions de gaz à effet de serre et les consommations énergétiques finale et primaire des énergies fossiles) sont bien des objectifs.
Mais les trois derniers points (augmenter la part des énergies renouvelables, la quantité de chaleur et de froid renouvelables livrée par les réseaux, et réduire la part du nucléaire) sont des moyens pour parvenir éventuellement à réaliser les trois premiers objectifs.
Cette confusion est d’autant plus navrante que les trois moyens indiqués sont contraires aux trois objectifs visés.
Ainsi :
1) Le développement des énergies renouvelables ne permet pas de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre comme le prouvent les exemples de la France, et surtout de l’Allemagne dont le développement gigantesque des énergies renouvelables n’a pas permis de fermer une seule centrale thermique « à flammes » ni de diminuer ses émissions de CO2. Leur intermittence nécessite de maintenir un parc thermique pilotable (fossile ou nucléaire) en parallèle pour satisfaire en permanence le besoin variable.
2) La chaleur et le froid délivrés par les réseaux sont produits comment, et sont-ils une panacée financièrement soutenable en France ? Le chauffage et le froid par pompe à chaleur ne serait-il pas préférable ?
3) Le nucléaire n’émet pas de gaz à effet de serre (ou moins que l’éolien et le photovoltaïque adossés à des centrales à gaz ou à charbon comme… en Allemagne). Vouloir sa diminution est contraire au premier objectif visé de réduction des gaz à effet de serre.
Vouloir réduire en même temps la consommation des énergies fossiles et du nucléaire en rêvant de les remplacer par des énergies renouvelables conduira à augmenter la consommation de gaz et de charbon comme… en Allemagne ! Cette dernière serait, parait-il, « en avance »… sur la France alors qu’elle émet annuellement beaucoup plus de CO2 par habitant (plus de 9 tonnes contre 5 tonnes pour la France, y compris pour sa production d’électricité).

Une stratégie « bas carbone » mal engagée
La stratégie « bas carbone » parait mal engagée par cette PPE alors que la France est largement en tête en Europe (avec la Suisse et la Suède) pour les émissions de CO2 grâce à son parc de production électrique nucléaire et hydraulique. La Norvège fait encore mieux avec un parc quasi-exclusivement hydro-électrique (mais il n’y a que 5 millions d’habitants environ).
L’utilisation des énergies renouvelables intermittentes (vieilles de plusieurs siècles comme le soleil et le vent) contre le nucléaire (jeune et en expansion dans le monde) fausse donc le débat pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, la Chine prévoit un accroissement considérable de l’énergie nucléaire, grâce à son réacteur de troisième génération « made in China », le Hualong-One. Elle construit aussi deux réacteurs français EPR de troisième génération.
Si l’Europe (l’ancien monde ?) semble vouloir se détourner de l’atome, force est de constater que c’est l’inverse dans le monde qui émerge.
Le tableau ci-dessous montre clairement que les capacités de production nucléaire stagnent ou diminuent en Occident tandis qu’elles augmentent en Inde et en Chine.


La consommation finale annuelle d’énergie en France

Toutes énergies confondues, la consommation finale d’énergie est celle qui est réellement achetée par les consommateurs. Elle était de 150 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) en 2016 réparties en :
-Charbon : 2 Mtep
-Pétrole : 66 Mtep
-Gaz : 30 Mtep
Soit 98 Mtep de combustibles fossiles (hors consommation pour la production d’électricité)
-Energies renouvelables thermiques : 15 Mtep
-Électricité : 37 Mtep déjà décarbonée à plus de 90 % (seuls 7,5 Mtep d’énergies fossiles primaires sont utilisées pour produire de l’électricité sur les 123 Mtep « d’énergie primaire » utilisés, soit 6%).

Réduire la consommation finale de tous les combustibles fossiles en France (environ 100 Mtep), c’est commencer par :
– transférer une partie de la mobilité vers l’électrique (trolley, autoroutes électriques,…),
– augmenter la part des « énergies thermiques renouvelables » (déchets, bois, pompes à chaleur,…),
– et surtout prolonger à 60 ans et développer les centrales nucléaires qui constituent le principal moyen de production d’une électricité de masse, pourvoyeuse d’emplois non délocalisables, pilotable, sûre, propre, décarbonée, et à un coût faible (3,2 c€ par kilowattheure). Plus de 95 % de la valeur ajoutée de la production d’électricité est réalisée en France par environ 250 000 salariés avec un haut niveau de qualification.
Le scénario de passage à 50 % de production nucléaire dans le mix énergétique de la France obligerait à s’équiper de nouveau massivement en centrales à gaz impliquant des importations supplémentaires et une remontée des émissions de gaz carbonique et de polluants comme les oxydes d’azote.

Il faudrait aussi s’intéresser aux coûts pour le contribuable / consommateur

Certains syndicats « pro-domo » affirment que les énergies renouvelables sont devenues « compétitives ». Le contribuable / consommateur se demande alors pourquoi il est encore nécessaire de les subventionner si largement, par exemple via la Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE) sur la facture d’électricité qui finance majoritairement (70%) les énergies renouvelables (bientôt 8 milliards d’euros en 2018), et par divers « soutiens financiers » provenant de ses impôts directs.
Les lignes directrices d’une transition énergétique efficace sont simples : elles reposent sur l’énergie nucléaire et les transferts d’usage vers l’électricité décarbonée, et certainement pas sur les énergies aléatoires et capricieuses du soleil et du vent.

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