vendredi 02 mars 2018
Des entrepôts de stockage aux livraisons, jusqu'aux points de vente physiques, Amazon fait le choix du tout-automatique. Des robots et des IA partout, pour une expérience d'achat totalement déshumanisée ?
On vous le disait récemment dans un autre article : Amazon est une machine de guerre, avec son énorme capitalisation boursière (bientôt 1000 milliards de dollars) et ses investissements un peu partout - d’Amazon Prime Vidéo aux assistants personnels, en passant par le commerce physique et l’alimentaire avec la chaîne de supermarchés bio Whole Foods (rachetée en juin 2017 pour 13,7 milliards de dollars) et le service Prime Now, qui permet de se faire livrer en un clin d’oeil des objets, mais aussi des boissons ou de la nourriture.
Concurrencé par le chinois Alibaba, le premier site d’e-commerce du monde investit aussi massivement dans le domaine de la robotique et de l’IA. Non seulement pour proposer des suggestions d’achats toujours plus précises, mais aussi pour tout automatiser, de A à Z, et faire ainsi des économies non négligeables, en plus de livrer plus vite.
Optimiser les stocks
En 2012, Amazon a commencé par racheter (pour 800 millions de dollars) Kiva, une entreprise de robotique, afin d’automatiser ses centres de distribution, et d’économiser, donc, des milliards de dollars. Dans de plus en plus d’entrepôts du géant du Web, une petite armée de robots se charge des tâches logistiques, afin d’optimiser le stockage et les livraisons - le but de Jeff Bezos, le CEO de la firme, est de livrer un jour au client ses produits en 30 minutes top chrono. Selon la Deutsche Bank, Amazon pourrait économiser 22 millions de dollars par an en introduisant simplement ses robots dans un seul entrepôt, et économiser ainsi des milliards à grande échelle en les répandant dans tous ses centres.
Comme le décrit Challenges, les ouvriers humains ne sont plus là que pour “flasher” les objets à coup de scanner, et les trier, avant qu’un logiciel leur dise dans quelles étagères les ranger. Puis les machines de Kiva, des robots plats et rectangulaires, se placent sous les étagères, et les déplacent en un clignement d’œil. Une optimisation de l’espace qui permet de mieux gérer les stocks, mais aussi un travail moins pénible pour les employés, selon Amazon. Bien sûr, le monstre du e-commerce oublie les critiques de plus en plus fortes qui visent les conditions de travail de ces derniers, transformés eux aussi en véritables robots, fliqués en permanence (très bientôt, avec des bracelets à ultrasons), soumis à une pression étouffante par leurs managers qui leur demandent d’être le plus performants possibles, et maintenant concurrencés par des machines... Mais passons : pour Amazon, l’automatisation est un moyen d’être avant tout plus productif, en traitant 3 fois plus de produits qu’avant, et en livrant aussi deux, voire trois fois plus vite.
Livrer plus vite
Actuellement, Amazon “emploie” plus de 45 000 robots dans ses entrepôts. Et l’entreprise planche même sur un futur robot auto-apprenant, afin de gagner encore plus en productivité et réduire toujours plus les délais de livraison : le géant du e-commerce finance ainsi les recherches d’une équipe de l’université de Berkeley, qui conçoit un bras robotique capable de manipuler des objets sans les avoir vus auparavant (grâce à des algorithmes de Machine Learning), et qui devrait ainsi permettre de collecter individuellement des produits rangés sur les étagères pour reconstituer les commandes des clients.
L’exemple semble avoir été suivi à la lettre par Alibaba, qui commence aussi à robotiser ses propres entrepôts en Chine, grâce à des machines capables de porter jusqu’à 600 kilos de charge, afin de doubler les cadences de préparation de commande. Mais cette ruée vers les robots amorcée par Amazon ne se limitera pas qu’aux entrepôts. Les livraisons aussi devraient être “robotisées” - puisque l’entreprise américaine planche aussi sur des drones livreurs, via le projet “Prime Air”, encore en phase de test. L’idée : faire voler des appareils sans pilote à 90 km/h, afin de livrer des colis pesant jusqu’à 2,2 kg, en moins de 30 minutes. Les drones pourront couvrir une zone de 25 km - autour des entrepôts. Les délais de livraison seront ainsi encore plus courts, les livreurs humains rayés de l’équation, et les consommateurs ravis.
Le "magasin du futur"
La dernière étape, logique, de l’automatisation du e-commerce selon Amazon concerne évidemment le commerce physique - de ses supermarchés Whole Foods à ses kiosques pop-up (des points de vente physique permanents, sortes de drives où récupérer des courses effectuées en ligne), qui se multiplient partout, des USA jusqu’en France. Le 22 janvier 2018, le premier magasin Amazon Go a ouvert ses portes, à Seattle. Dans cette supérette automatisée, pas de caisses, pas de caissières, pas de paiement par carte bancaire. Le client utilise d’abord son téléphone (relié à son compte Amazon et à une application mobile) à l’entrée. Puis chaque produit placé dans le caddie est enregistré par un logiciel, et en fin de course, une caméra munie d’un système de reconnaissance d’images scanne le tout, avant que le montant total des courses soit débité en ligne. Selon Amazon, cette “technologie de shopping vous évitera de faire à jamais la queue”.
Grâce à l’automatisation, les “magasins du futur” d’Amazon (dont 6 nouveaux devraient ouvrir bientôt à Los Angeles et Seattle) n’emploieront plus que 6 salariés humains - qui ne feront que surveiller si des petits malins tentent de saisir des objets sans les scanner, répondre aux questions des clients un peu paumés (au début), et mettre les produits dans les rayons (avant que des robots ne le fassent ?). Bien sûr, Amazon ne compte très probablement pas se limiter aux épiceries Go, mais prévoit, comme l’imaginait déjà le Wall Street Journal en 2016, de robotiser aussi la grande distribution, à commencer par ses 400 boutiques Whole Foods et ses kiosques Amazon Books- transformées pour le coup en librairies automatiques. In fine, Amazon rêve de créer, comme le décrit Numerama, un concept “hybride”, avec des grandes surfaces “qui mélangent commerce discount (à la manière des entreprises européennes comme Lidl) et commande en ligne”.
Achat artificiel
Pour l’instant, l’efficacité des boutiques sans caisses d’Amazon laisse encore à désirer - selon Business Insider, le système aurait encore du mal à fonctionner avec plus de 20 clients en même temps dans le magasin, ou avec des utilisateurs se déplaçant rapidement dans les rayons. Mais la “révolution robotique” est déjà en marche. D’après Venture Beat, Amazon prévoit d’ouvrir d’ici quelques années “des milliers” de points de vente, dans les pays où la firme se situe - donc en Europe de l’Ouest, en Amérique, en Australie et en Asie. Des points de vente probablement automatisés, à n’en point douter.
Grâce à cette robotisation tout azimut, Amazon espère rationaliser ses activités de e-commerce, et créer une toute nouvelle expérience d’achat : un jour prochain, nous n’auront qu’à faire un achat en “un clic” sur son site, pour se faire livrer en un claquement de doigt, ou pour aller récupérer son colis dans la supérette la plus proche - et cela, sans sortir son porte-monnaie ni perdre de temps à discuter avec un humain. Se posent évidemment plusieurs questions face à cette vision “automatisée” du commerce. D’abord, cette robotisation du commerce de détail ne risque-t-elle pas de supprimer des millions de jobs ?
Ensuite, une telle expérience d’achat (se faire livrer instantanément par un drone ou passer en coup de vent dans un magasin automatisé), certes fort pratique, mais totalement déshumanisée, ne risque-t-elle pas de déplaire à tous ceux qui apprécient aussi le fait de discuter avec des gens en magasin (ou avec des livreurs), de se faire conseiller ? Alors oui, la destruction créatrice permettra de combler les trous, et il y aura toujours besoin d’humains, ne serait-ce que dans les centres de distribution pour vérifier l’état des objets avant de les envoyer aux clients, ou dans les magasins pour la maintenance des machines. Mais avons-nous vraiment besoin de nous passer à ce point de toute interaction sociale, jusqu’à remplacer totalement les livreurs et les caissiers ?
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