Les climatologues montrent le chemin, Greenpeace regarde le doigt

Changement climatique,
Électricité
Par la rédaction




Greenpeace est décidément avide de coups de com’. L’association multinationale a publié fin septembre son « guide de l’électricité verte ». Un petit classement des fournisseurs d’électricité pourtant loin de favoriser l’environnement que l’association se donne pourtant pour mission de protéger.
Rappelons en effet les objectifs affichés de Greenpeace à la fin de son guide : « Son but est de dénoncer les atteintes à l’environnement et d’apporter des solutions qui contribuent à la protection de la planète (…). » Or, l’objectif ici n’est pas de promouvoir une électricité respectueuse de l’environnement apportant des solutions contribuant à la protection de la planète, sinon Greenpeace n’attaquerait pas l’énergie nucléaire et ne la placerait pas sur un pied d’égalité avec les énergies fossiles. Si Greenpeace était honnête et cherchait vraiment à promouvoir l’environnement, le fournisseur historique EDF, premier producteur mondial d’énergie bas carbone ne serait par relégué au dernier rang du classement.

Méthodologie : qu’est-ce qu’une énergie respectueuse de l’environnement ?
La priorité environnementale c’est le climat. Dans ce contexte, le nucléaire est reconnu aujourd’hui par la communauté scientifique, à commencer par le Groupe International des Experts du Climat (GIEC) des Nations unies, comme une énergie très faiblement émettrice de gaz à effet de serre, et donc, à ce titre, comme une solution incontournable d’atténuation du changement climatique. Un avis que ne semble pas partager Greenpeace, qui classe les émissions de CO2 dans une catégorie moyenne, sans chiffre, et surtout sans méthodologie.

@greenpeacefr sort son évaluation des fournisseurs d'électricité. Quand on regarde la méthodologie, on voit ça. Qu'est-ce qui justifie que le nucléaire soit moins bien classé en CO2 ? Comment sont calculées les externalités environnementales ? pic.twitter.com/jJ2gjUXtLX — Le Réveilleur (@Le_Reveilleur) 1 octobre 2018

Sur ce point, l’Analyse de Cycle de Vie (ACV) est la méthode de référence. Elle est systématiquement utilisée, toutes technologies confondues, pour faire le bilan environnemental d’un produit ou d’un service. Par la réalisation et l’étude détaillée d’un bilan complet de toutes les matières, cette science de l’ingénieur permet d’analyser tout le cycle de vie d’un produit, du « berceau à la tombe », en prenant en compte l’amont (extraction des matières premières, fabrication, construction des infrastructures etc.) et l’aval du produit (recyclage des matières, démantèlement des réacteurs, gestion des déchets etc.).

Or, quel est l’ ACV du nucléaire ? De nombreuses ACV ont été réalisées sur ce sujet, pour tous les pays, avec des résultats variables qui s’expliquent par le choix des bases de données ACV d’arrière-plan utilisées, mais surtout, pour ce qui concerne le nucléaire, par les différences technologiques entre les différentes filières (types de mines, type d’enrichissement, technologie et niveau d’enrichissement, cycle ouvert/fermé etc.).
Pour la France, plusieurs études ACV ont été publiées. Les résultats montrent une certaine variabilité, liée à la différence des bases de données utilisées :
EDF a réalisé une étude ACV interne du kWh nucléaire (validée par revue critique) avec un résultat de 4g eq CO2/kWh qui est publié sur son site web (indicateur Gaz à effet de Serre mensuel EDF)
Une étude [1] publiée en 2014 propose un bilan de 5 g eq CO2/kWh pour le cycle français actuel
Ecoinvent, la base de données ACV de référence, propose un bilan GES de la filière électronucléaire française à 13 g eq CO2/kWh (version V3.3)
S’appuyant sur les ACV, le GIEC identifie trois sources d’énergie bas carbone : les énergies renouvelables, l’énergie nucléaire, et les énergies fossiles équipées de capture et séquestration de carbone.
En ce qui concerne la production d’électricité, le GIEC a réalisé une synthèse des études disponibles, qui constitue ainsi aujourd’hui une référence au niveau mondial.
Le bilan médian Gaz à Effet de Serre du kWh nucléaire est comparable à celui du kWh éolien, inférieur à celui du kWh photovoltaïque, et très inférieur à celui du kWh gaz et du kWh charbon.
Au total, des travaux scientifiques solides, documentés et non réfutés à ce jour prouvent l’excellent bilan environnemental du nucléaire français (moins de 10g CO2/kWh), qui produit de l’électricité avec un des meilleurs bilans au monde. Ce bilan reste actuellement meilleur que celui du solaire ou de l’éolien, même si ces énergies progressent régulièrement.
Imaginons cependant que le climat ne soit pas la première préoccupation environnementale des Français - ce qui n’est pas le cas, comme le montre une enquête IFOP pour l’association WWF. Greenpeace pourrait-il alors avoir raison d’exclure l’énergie nucléaire ? 

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Une énergie favorable à la biodiversité
La faible emprise au sol du nucléaire est considérée comme un facteur clef pour préserver la biodiversité. En effet, d’après l’AIEA[2] , les centrales nucléaires sont, avec les centrales à gaz et les centrales hydro-électriques, les énergies qui produisent le plus d’énergie par m2 sur l’ensemble de leur cycle de vie. De fait, l’Agence internationale de l’énergie renouvelable (Irena) calcule qu’il faut 0,1 m2 pour produire un MWh avec le nucléaire, contre 1 pour l’éolien et 10 pour le solaire photovoltaïque. Une faible emprise au sol qui permet de prévenir la bétonisation des territoires et de préserver des espaces pour les laisser à la nature ou à des activités agricoles.
 
Un atout contre la pollution de l’air

Les Nations unies estiment que 6,5 millions de personnes meurent chaque année dans le monde, et 48 000 en France, en raison de la pollution de l’air liée aux activités humaines. Davantage que des maladies comme le sida et la tuberculose et les accidents de la route cumulés. La production et la consommation d’énergie, charbon en tête, en sont les principaux responsables, avec 85 % des particules fines et de la quasi-totalité des oxydes de soufre et d’azote. Le charbon est le premier responsable. Dans ce contexte, l’énergie nucléaire est un véritable atout. A la différence des énergies fossiles, il n’émet dans l’atmosphère ni particules fines, ni SOx, ni NOx.

La question des ressources, autre absente de l’équation de Greenpeace

Dans son rapport The Growing Role of Minerals and Metals for A Low-Carbon Future, la Banque mondiale souligne que les énergies renouvelables nécessitent « significativement plus » de minerais et métaux que les systèmes d'alimentation en énergie traditionnels. Pour le stockage (une des options importantes pour palier la variabilité des ENR), les besoins en métaux pourraient être multipliés par plus de 1 000 % si les pays prennent les mesures nécessaires pour maintenir les températures à ou en deçà de 2° C.
Par ailleurs, une note du Comité des métaux stratégiques (Comes) confirme que « les besoins en matières premières pour construire les infrastructures de production d’ ENR sont sensiblement plus élevés par kWh produit que ceux des installations actuelles de production d’électricité à partir d’énergies fossiles ou nucléaire ».
A défaut de méthodologie, une clef de compréhension du classement de Greenpeace doit peut-être être trouvée dans les liens historiques l’unissant avec l’un des fournisseurs qu’elle met en avant. Un lien rappelé par un internaute attentif :
Dès lors que Greenpeace est un des fondateurs d' Enercoop, classée dans son top 3 des meilleurs fournisseurs verts, son évaluation ressemble plutôt à de la publicité comparative... pic.twitter.com/zLLYk7nHpU — Ça Suffit ! (@CaSuffitBru) 1 octobre 2018


1.Assessment of the environmental footprint of nuclear energy system. Comparison between closed and open fuel cycles. (2014, C. Poinssot)
2.Nuclear power and sustainable development, AIEA (2016)

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