Augmenter la part du nucléaire vers 50 % ?

Michel Gay



Nucléaire (Crédits memories_by_mike, licence Creative Commons BY NC ND)

Électrifier un tiers des véhicules et les trois-quarts du chauffage des bâtiments permettrait de sortir « par le haut » de la promesse politique d’aller vers 50 % de nucléaire dans le mix énergétique français. Tout en… augmentant d’un tiers la production d’électricité nucléaire.

À l’origine, « 50 % de nucléaire » dans le mix énergétique français (contre 75 % aujourd’hui) est une promesse électorale de François Hollande destinée à se concilier les voix du parti écologiste aux élections présidentielles de 2012.
Pourtant, ce chiffre totem n’a jamais été précédé du moindre argumentaire permettant d’expliquer qu’il était plus approprié que 48 %, 80 % ou… 130 % pour assurer un avenir durable à la planète. Il a pris place dès le début de la loi de transition énergétique pour la croissance verte sans aucune justification.
Or, ce pourcentage de 50 % peut être abordé de plusieurs façons avec des résultats différents, voire opposés, sur les émissions de gaz à effet de serre, le risque nucléaire, le prix de l’électricité, et l’emploi.
Une version originale « 50 % anti-carbone » peut notamment être envisagée.


La situation
En France, actuellement, sur environ 550 térawattheures (TWh = un milliard de kWh) de production totale d’électricité annuelle, le nucléaire produit environ 400 TWh (soit près de 75%). Cette proportion est restée stable depuis les années 1990.
Celle de l’hydroélectricité (12 %) a baissé car le maximum du potentiel de production des barrages a été atteint il y a plus de 20 ans, alors que la production totale a continué d’augmenter.
La faible part des énergies fossiles (moins de 10 %) ne baisse quasiment pas.
Le chauffage électrique en hiver est donc essentiellement alimenté par de l’électricité décarbonée (nucléaire et hydraulique) et émet peu de CO2.
Les exportations vers les pays voisins sont stables dans le temps et représentent environ 60 TWh par an, quantité supposée imputée sur la production nucléaire. La consommation annuelle d’électricité nucléaire en France est donc de 340 TWh (400 – 60).
Les « nouvelles ENR » (éolien et solaire) ne contribuent qu’à une faible part de la production (7%) malgré les 120 milliards d’euros de subventions déjà engagées selon la Cour des comptes.

Une version 50 % « anti-carbone »
Dans cette version, l’énergie renouvelable développée n’est plus éolienne ni solaire. Elle est créée par le meilleur rendement de l’électrification du transport et grâce au chauffage des bâtiments par la géothermie basse température (avec des pompes à chaleur).

Électrification du transport
(Tous les chiffres sont arrondis)
Le rendement d’un moteur électrique (90 %) est trois fois supérieur à celui d’un moteur thermique (30 %).
Ainsi, une voiture (essence ou diesel) qui consomme 6 litres aux 100 km (soit une énergie thermique de 60 kWh) n’a plus besoin que de 20 kWh d’électricité.
En électrifiant un tiers du parc automobile (soit 10 millions de véhicules sur 30 millions) parcourant une moyenne de 15 000 km par an, il suffirait donc de produire 30 TWh d’électricité supplémentaire (10 millions de véhicules x 150 x 20 kWh = 30 TWh). Cette quantité représente la moitié de la production annuelle d’hydroélectricité (60 TWh), ou environ la production de trois réacteurs EPR (36 TWh).
Ce transfert du pétrole vers l’électricité économiserait donc environ 90 TWh thermiques d’énergies fossiles.
La différence de 60 TWh d’énergie ainsi « créée » ou « gagnée » (90 – 30) peut être qualifiée de « renouvelable » car produite grâce au meilleur rendement de l’électricité.
Ainsi, la consommation d’électricité nucléaire en France passerait de 340 TWh à 370 TWh tandis que la production totale d’énergie passerait 550 TWh à 640 TWh (550 + 90) pour électrifier un tiers du parc de véhicules.

Électrification du chauffage par pompes à chaleur
Les pompes à chaleur ont un rendement en moyenne trois fois supérieur (selon la température extérieure). Elles peuvent se substituer aux chaudières au fioul et au gaz actuellement en service dans les logements qui disposent d’un chauffage central avec un circuit d’eau chaude.
Pour le consommateur, le coût complet d’une pompe à chaleur sur sa durée de vie est le même que celui d’un chauffage au fioul ou au gaz si le prix de l’électricité reste faible comme aujourd’hui encore.
Un kWh d’électricité consommée par une pompe à chaleur restitue donc environ 3 kWh de chaleur transférés de l’extérieur (air, sol, eau,..) dans le logement. Dans ce cas, le coefficient de performance (COP) est dit égal à 3.
La chaleur ainsi transférée, moins l’électricité consommée, figure au bilan des énergies renouvelables sous l’intitulé « pompes à chaleur » ou « géothermie basse température ».
En France, l’électricité est déjà bas carbone pour les radiateurs électriques ordinaires, mais la pompe à chaleur est un mode de chauffage encore 3 fois plus efficace par kWh électrique consommé.
Le chauffage au gaz et au fioul (incluant la production d’eau chaude) représente actuellement 400 TWh par an en France, répartis entre le chauffage résidentiel (270 TWh) et le tertiaire (130 TWh).
En remplaçant les trois quarts de cette consommation par des pompes à chaleur, il reste 300 TWh de chaleur à fournir à ces bâtiments.
En supposant un COP égal à 3, environ 100 TWh supplémentaires d’électricité sont donc à produire pour fournir cette chaleur. Ce surplus pourrait être assuré par 10 EPR supplémentaires.
La consommation d’énergie nucléaire en France passerait alors de 370 TWh à 470 TWh tandis que la production totale d’énergie produite grâce à l’électricité passerait de 640 TWh à 940 TWh.
Eurêka ! L’électricité nucléaire consommée en France représenterait alors 470 TWh sur les 940 TWh d’énergie totale produite grâce à l’électricité, soit… 50 % !
En maintenant les 60 TWh annuels d’exportation, la production d’électricité nucléaire française serait même de 530 TWh, soit près d’un tiers supérieur à la production actuelle de 400 TWh. 


Une sortie « par le haut »
Cette manière d’aborder le sujet en levant au préalable le plafond de 63,2 GW de puissance nucléaire inscrit dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte permettrait :
-d’arriver à 50 % de nucléaire en augmentant le parc d’une douzaine de réacteurs nucléaires EPR (chacun produisant 12 TWh par an),
-d’augmenter les recettes d’EDF sans augmenter le prix de l’électricité (donc d’augmenter la richesse de la France),
-de diminuer le risque nucléaire,
-de diminuer les importations de pétrole et de gaz de 390 TWh par an (ce qui permet -d’économiser une quinzaine de milliards d’euros chaque année sur la balance commerciale, et représente la création de milliers d’emplois dans l’économie nationale),
-de diminuer d’un quart les émissions de CO2 de notre pays grâce au pétrole et au gaz non consommés,
-de se passer de coûteux stockages massifs d’énergies et de renforcements du réseau,
de diminuer le prix de l’électricité et la facture des carburants routiers.

Cette version 50 % « anti-carbone » ne crée donc pas de dépenses additionnelles pour le consommateur final, contrairement à une version 50 % « antinucléaire » reposant sur toujours plus d’éoliennes et de panneaux solaires.

En effet, dans cette autre version, le citoyen devra payer plus cher son électricité et le carburant pour son véhicule, mais aussi pour son chauffage au gaz ou au fioul, car le financement de l’éolien et du solaire correspond aussi désormais à une fraction de la fiscalité sur les carburants (taxe carbone).

Si cette valeur de 50 % de part du nucléaire dans le bouquet énergétique français devait devenir un totem politique, choisir le « bon » 50 % est donc important pour l’avenir du pays :
-dans la version « antinucléaire » reposant sur des éoliennes et des panneaux solaires, une cruelle désillusion qui pourrait créer de graves désordres sociaux est certaine.
-dans la version « anti-carbone », il est possible d’envisager une « sortie par le haut » d’ici 2050, date d’application dans la loi de cette promesse électorale ubuesque.


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