Le principe de précaution va-t-il passer à la trappe?

Manon Flausch

Commentaire : le principe de précaution est déjà foulé au pied! Exemple, les ENR (éolien, photovoltaïque, biomasse, méthanisation, etc.). Ainsi, l'homme est bien un prédateur pour l'homme quand sa soif de l'or écume ses lèvres rouge vif!

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Toutes les nouvelles technologies ne sont pas bonne à prendre, souligne plus de 65 organisations de la société civile [Shutterstock]

Le « principe d’innovation » pourrait passer dans le règlement sur le programme Horizon Europe. Un concept imaginé par les lobbys pour s’affranchir des contraintes du principe de précaution.
Le trilogue sur la législation entourant le programme Horizon Europe, qui permet à l’UE d’investir dans la recherche et l’innovation, se terminera le 14 mars. Plus de 65 organisations de la société civile, comme Global Health Advocates (GHA), l’Observatoire de l’Europe industrielle ou Greenpeace, tentent in extremis de convaincre les États de sauver le principe de précaution, menacé par un nouveau concept : le principe d’innovation. 


Principe d’innovation, kézako ? Cette notion est promue par des groupes de lobbies industriels, comme le European Risk Forum (ERF), pour s’assurer que « chaque fois que des décisions politiques ou réglementaires sont à l’étude, l’impact sur l’innovation devrait être évalué et pris en compte ». Elle n’est pas protégée par les traités européens et ne figure dans aucun texte de loi.
Selon les associations de la société civile, il s’agit surtout d’un instrument qui leur permettra d’éviter de se conformer au principe de précaution. « Soyons clairs, le principe dit ‘d’innovation’ n’a rien à voir avec l’innovation », insiste Jill McArdle, de GHA.
« Ce concept apparemment innocent et positif, est en fait un outil utilisé par les entreprises et les intérêts privés pour détourner le financement de la recherche là où il est vraiment nécessaire vers ce que l’industrie considère comme rentable », renchérit Lynn Boylan, eurodéputée GUE/NGL membre de la commission ENVI. « En l’appelant ‘principe’, on donne l’impression que le concept a une base juridique quelconque, mais en réalité il n’a pas de fondement juridique en droit communautaire et est en totale contradiction avec le principe de précaution. »
Au niveau institutionnel, le principe apparait pour la première fois dans des documents de travail de la DG Recherche en décembre 2015, en référence à une position de Business Europe, ERF et ERT, indique GHA. Il est ensuite adopté par la présidence néerlandaise dans les conclusions d’un Conseil sur la compétitivité en 2016. Quelques années plus tard, il se retrouve donc dans la proposition de règlement « Horizon Europe 2021-2027 », qui établit le programme de recherche et d’innovation de l’UE.
Les institutions sont en ce moment en train de finaliser leurs négociations, et le trilogue sur ce règlement devrait aboutir le 14 mars. À ce jour, malgré le soutien de 40 % du Parlement, la situation ne permet pas d’être très optimiste. Seule l’Allemagne a réagi, en proposant d’ajouter un objectif spécifique pour le principe de précaution au programme-cadre entourant Horizon Europe.



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Innovation contre précaution
Le principe de précaution est pour sa part inscrit dans les traités. Son but est de protéger la santé humaine ou l’environnement lorsqu’il n’existe pas de preuves suffisantes ou certaines de la dangerosité d’un produit, en l’interdisant ou en limitant son utilisation. Ce principe n’est cependant nulle part défini très précisément, et le degré d’incertitude qui devrait enclencher sa mise en œuvre est variable. Il n’en est pas moins d’une importante capitale, puisqu’il aurait permis d’éviter l’utilisation d’amiante, par exemple, s’il avait déjà été en place. C’est aussi lui qui a permis d’interdire l’utilisation de bisphénol A pour la fabrication des biberons, ou encore de restreindre l’utilisation des pesticides tueurs d’abeilles, les néonicotinoïdes.
Ce principe peut entraver la mise sur le marché de certains produits. Un frein auquel répond la notion de principe d’innovation. Si les défenseurs de ce dernier assurent que les deux sont compatibles, la collision avec le principe de précaution semble pourtant inévitable. « Définir plus précisément l’objectif du principe d’innovation n’a pas de sens, puisqu’il entrera de toute façon en conflit avec le principe de précaution, qui devra prendre le dessus puisqu’il est inscrit dans les traités », explique-t-elle. « Il faut donc purement et simplement le supprimer de la proposition de règlement. »
Les associations soulignent également que les innovations qui ne présentent pas de risque pour les citoyens ou l’environnement sont soutenues et promues par l’UE de manière spécifique. Le garde-fou du principe de précaution n’entre en action que quand il y a un risque et n’empêche donc pas l’industrie de mener ses recherches et de sortir de nouveau produit, soulignent-elles.

Dérégulation
Les signataires de l’appel de la société civile sont variés : des défenseurs de l’environnement aux organisations de lutte contre le cancer ou d’accompagnement des personnes épileptiques, toutes ont à cœur d’empêcher la possible apparition sur le marché de produits dangereux.
Selon l’ ERF lui-même, le principe d’innovation permettrait de rendre la législation REACH, qui régit les produits chimiques, plus « business-friendly », moins contraignante pour les entreprises. Les associations ne voient de là qu’un pas vers l’autorisation de substances potentiellement catastrophiques pour la santé et l’environnement.
Selon les documents récoltés par l’Observatoire de l’Europe industrielle, les grandes entreprises seraient particulièrement intéressées par le principe d’innovation dans des secteurs tels que les pesticides, les nouveaux aliments ou les nanotechnologies.
Pour l’eurodéputé vert Jakop Dalunde, outre les dangers environnementaux, le principe d’innovation « pourrait même avoir un impact négatif sur l’industrie, en créant de l’incertitude quant à l’application des principes juridiques existants ».
L’eurodéputée Lynn Boylan dénonce une tentative de nivellement vers le bas. Elle appelle donc le gouvernement irlandais à « abolir ce principe ridicule ».
« L’UE est suffisamment dans les griffes des lobbies d’entreprises sans cela, avec beaucoup trop de confort pour les entreprises, qui dictent la politique de l’UE. L’aliénation des citoyens vis-à-vis de l’UE ne fera que s’accentuer à mesure que l’industrie tentera de s’immiscer dans le processus législatif de l’UE. Il appartient maintenant au gouvernement irlandais et aux autres États membres de retirer ce principe du programme de recherche, faute de quoi ils auront beaucoup de comptes à rendre lors des prochaines élections », juge-t-elle.


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