Urgence climatique: oui au nucléaire français, non au charbon et au gaz allemands

Bernard Durand et Jean-Pierre Riou 


Commentaire : la vie vaut plus que leurs profits!


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Bernard Durand est géochimiste des combustibles fossiles, ex-directeur de la division géologie-géochimie de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) et ex-directeur de l’École normale supérieure de géologie. 
Jean-Pierre Riou est chroniqueur indépendant sur l’énergie. Tous deux sont membres du bureau énergie du collectif Science-technologies-actions.

Les ONG environnementales exigent toujours plus d’éolien et de photovoltaïque, et la fermeture de nos centrales nucléaires. Leur idole est l’Allemagne, qui compte maintenant plus de 100 GW d’éolien et de photovoltaïque (1) et n’aura plus de centrales nucléaires en 2022. Pour le bien du climat, de la santé et de l’argent public, il faut fermer les centrales à charbon en Allemagne, pas les centrales nucléaires en France !

 
Eolien + solaire - nucléaire = + de charbon et + de gaz
L’Allemagne a dû conserver la même puissance totale de centrales pilotables pour faire face aux périodes de forte consommation sans vent et sans soleil (2). Diminuant la puissance de son nucléaire, elle a augmenté celle de ses centrales à charbon et à gaz. La France a déjà 23 GW d’éolien et de photovoltaïque. Elle veut diminuer sa puissance de nucléaire, mais aussi fermer ses quelques centrales à charbon. Il lui faudra alors construire de nombreuses centrales à gaz à cycles combinés (CGCC).


Les émissions de CO2 de l’électricité sont bien plus faibles en France qu’en Allemagne

Depuis 1990, la production d’électricité aura au total émis environ 10 milliards de tonnes de CO2 en Allemagne contre 1,5 milliard en France (3). Cela est dû à l’usage important du charbon en Allemagne, la France ayant privilégié le nucléaire jusqu’à produire avec 75 % de son électricité.

L’Allemagne voudrait éliminer le charbon d’ici 2038. Mais la puissance fournie par l’éolien et le photovoltaïque n’étant pas garantie, l’Allemagne devra miser sur le gaz pour se passer du charbon (4). Certes, les CGCC émettent, par kWh produit, environ deux fois moins de CO2 que les centrales à charbon récentes. Cela ramènerait peu à peu les émissions allemandes, de 440 g/kWh actuellement, à 250 g environ. L’Allemagne émettrait cependant encore 7,5 milliards de tonnes de CO2, et après 2038 environ 230 millions de tonnes par an. L’Allemagne ayant peu de gaz, cette politique conduit à de fortes importations, sans garantie qu’elles seront toujours possibles.


Miser sur le « gaz vert » ?
L’Allemagne voudrait donc miser sur le « gaz vert », méthane produit par réaction d’hydrogène avec du CO2, l’hydrogène étant produit par électrolyse de l’eau. L’électricité serait fournie par ses éoliennes et ses panneaux solaires. Mais pour y parvenir, quantité d’obstacles restent à affronter, en termes de rendement comme de coût (5). Est-il sage d’accélérer le développement de sources intermittentes de production avant de savoir comment en lisser les aléas, à un coût acceptable par la collectivité ?

La France, à structure de production inchangée, produirait environ 25 millions de tonnes de CO2 par an à raison d’environ 40 g par kWh produit, soit d’ici 2038 environ 500 millions de tonnes de CO2. Elle pourrait mieux faire en remplaçant ses quelques centrales à charbon par des centrales à gaz. Mais le développement de l’éolien et du solaire photovoltaïque et la fermeture du nucléaire entraîneraient la construction de beaucoup plus de centrales à gaz, et des émissions de CO2 jusqu’à six fois plus élevées. Suivre en France l’exemple allemand est donc pour le climat une offense à l’esprit de la COP 21. Mais c’est aussi le danger d’une dépendance exagérée au gaz.


Charbon et gaz provoquent des morts que le nucléaire évite
Les centrales à charbon, à gaz ou à fuel, produisent une pollution atmosphérique dangereuse (6,7). Karecha et Hansen (8) ont calculé que le remplacement du charbon, du fuel et du gaz par du nucléaire a économisé 1,84 million de morts prématurées dans le monde de 1970 à 2010, dont 290 000 en France (et aussi évité l’émission de 64 milliards de tonnes de CO2) !
Pour la santé publique en Europe, la politique allemande de l’électricité n’est donc pas à suivre par la France.


La politique allemande a un coût élevé qui pèse sur les ménages
En Allemagne, le prix de l’électricité pour les ménages est maintenant presque le double des prix français. Aussi bas que deviennent leurs coûts de production, éolien et solaire photovoltaïque font en effet augmenter le coût global de production de l’électricité, cela pour trois raisons :

1- éolien et solaire photovoltaïque étant intermittents, leur coût d’investissement s’ajoute à celui des centrales pilotables puisque, en l’absence de solution par stockage, ils ne peuvent pas les remplacer

2- le réseau électrique doit être renforcé et développé

3- il faut subventionner les indispensables centrales pilotables, dont la rentabilité diminue fortement parce qu’une partie de leur production est remplacée par celle des centrales éoliennes et solaires.

En France, ce prix a augmenté surtout par le biais d’une taxe, la contribution au service public de l’électricité (CSPE), affectée aux deux tiers à l’éolien et au solaire en compensation de leurs surcoûts par rapport au marché. Il est alors devenu proportionnel à la puissance d’éolien et de solaire par habitant, comme en Allemagne, mais aussi partout ailleurs en Europe occidentale (9).

Mais depuis 2017, des taxes sur les carburants alimentent dans le budget de l’Etat un compte d’affectation spéciale « transition énergétique » (CASTE), dédié pour l’essentiel à subventionner l’éolien et le solaire. Leurs subventions directes sont donc payées non plus par des taxes sur l’électricité, mais par des taxes sur les carburants. En même temps, les dépenses indirectes (renforcement des réseaux, subventions aux centrales pilotables…) ont été mises à la charge des gestionnaires du réseau et d’EDF.

La CSPE n’a pas été supprimée, mais plafonnée à 27 euros/MWh TTC. Le prix de l’électricité en France va donc moins dépendre de la puissance installée d’éolien et de solaire mais, en contrepartie, il y aura augmentation du prix des carburants.

L’Allemagne aura dépensé pour l’éolien et le solaire plus de 500 milliards d’euros d’ici 2025, et probablement de l’ordre de 1 000 milliards d’euros au bout du compte (10). Voulons-nous en faire autant, avec la même absence de résultats ?


ONG environnementales, revenez sur terre !

ONG environnementales, revenez sur terre : pour le climat, pour la santé publique, exigez de l’Allemagne qu’elle ferme plus vite ses centrales à charbon, plutôt que d’exiger de la France qu’elle ruine ses citoyens et se rende dépendante du gaz importé, en développant au forceps l’éolien et le solaire inutiles, et en fermant son nucléaire.

Exigez également que l’argent ainsi gaspillé soit utilisé pour des actions efficaces de réduction des émissions de CO2 de nos secteurs les plus émetteurs, l’habitat et les transports ! C’est à cela que devrait servir une taxe carbone, et non à financer des éoliennes et des panneaux photovoltaïques qui ne réduisent pas ces émissions en France.

1 http://lemontchampot.blogspot.com/2017/03/ubu-chez-les-allemands.html

2 https://www.sauvonsleclimat.org/fr/presentation/etudes-scientifiques/1963-intermittence-et-foisonnement

3 https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/daviz/co2-emission-intensity-5#tab-googlechartid_chart_11_filters=%7B %22rowFilters %22%3A %7B %7D %3B %22columnFilters %22%3A %7B %22pre_config_ugeo %22%3A %5B %22European %20Union %20(current %20composition) %22%5D %7D %7D

4 https://allemagne-energies.com/2019/01/27/allemagne-une-sortie-du-charbon-preconisee-dici-2038/

5 https://www.sauvonsleclimat.org/fr/presentation/etudes-scientifiques/3667-le-stockage-de-lelectricite-realites-et-perspectives-2

6 https://env-health.org/IMG/pdf/dark_cloud-full_report_final.pdf

7 Markandya, A., and Wilkinson(P.), 2007 : https://www.academia.edu/12681524/Electricity generation_and_health

8 Kharecha, P.A., and J.E. Hansen, 2013: Prevented mortality and greenhouse gas emissions from historical and projected nuclear power. Environ. Sci. Technol., 47, 4889-4895, doi:10.1021/es3051197.

9 http://www.sauvonsleclimat.org/images/articles/pdf_files/etudes/Electricites%20intermittentes.pdf

10 https://www.welt.de/wirtschaft/article158668152/Energiewende-kostet-die-Buerger-520-000-000-000-Euro-erstmal.html

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