La déroute de General Electric illustre les risques d’une transition énergétique loupée

Ludovic Dupin



Ouvrier de GE travaillant sur une turbine à gaz dans l'usine de Belfort (Territoire de Belfort).@SébastienBozon/AFP

General Electric est en pleine déroute. La dépréciation d’actifs de 23 milliards d’euros dessine les prémices d’une restructuration du conglomérat et beaucoup de perte d’emplois. La cause est notamment d’avoir parié sur le gaz en rachetant la branche énergie d’Alstom, alors que le marché a fait le choix des renouvelables et du charbon.
Si le génial Thomas Edison voit ce qu’il arrive à la société qu’il a fondé en 1892, General Electric, il doit se retourner dans sa tombe. Ces dernières années, l’entreprise a souffert. Mais, en ce début octobre, c’est une véritable déroute qui s’annonce. GE a annoncé une dépréciation d’actifs de 23 milliards de dollars dans sa division énergie, l’une des plus importantes de l’histoire, et dans la foulée le licenciement de son PDG John Flannery, remplacé par Lawrence Culp.

En juin dernier, l’entreprise avait déjà été humiliée en étant exclue du Dow Jones, l’indice américain, où elle figurait depuis sa création à la fin du XIXe siècle. Si les difficultés initiales datent de la crise financière de 2008, c’est le rachat finalement très mal avisé de la branche énergie d’Alstom qui a fait plonger le conglomérat géant américain.

Le marché s’est retourné

En 2015, après une lutte contre le tandem Siemens-Mitsubishi, l’américain a acheté pour 12 milliards de dollars cette branche de l’entreprise française, spécialisée dans la fabrication de turbines. Il sera en cela bien aidé par Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, qui poussera à choisir l’offre américaine et écartera les craintes d’une grande partie des députés de voir disparaître un actif stratégique, en particulier en ce qui concerne les turbines nucléaires.
Mais depuis le marché énergétique "s’est retourné", comme l’expliquent les industriels du secteur. Au début des années 2010, les experts de l’énergie, comme l’Agence Internationale de l’énergie (l’ AIE), prévoyaient un avènement du gaz comme énergie de transition. Mais telle ne fut pas la réalité.

16 000 salariés en France
D’un côté, le charbon a beaucoup mieux résisté qu’attendu, représentant toujours - et pour encore trop longtemps - plus d’un quart de l’énergie primaire de la planète. De l’autre, la baisse des coûts des énergies renouvelables leur a permis un essor rapide. En conséquence, le marché de la construction de centrales à gaz s’est réduit comme peau de chagrin, surtout en Europe.
Les capacités de production de turbine sont aujourd’hui très surdimensionnées par rapport à la demande. Les plans de restructuration dans le secteur en témoignent. Fin 2017, l’Allemand Siemens a annoncé 7 000 suppressions de postes d’ici 2020 et a réorganisé toutes ses branches. GE, avant sa dépréciation d’actifs, avait déjà annoncé 6 000 suppressions de postes et 20 milliards de cessions.

En se débarrassant de sa branche énergie, Alstom et son ancien PDG Patrick Kron ont sans doute réalisé un bon coup. En revanche, c’est une opération perdant-perdant pour la France. Alors que le pays a perdu la main sur une entreprise stratégique pour le programme énergétique national, il doit maintenant faire face désormais à une note sociale qui va être très lourde. GE en France, c’est quatre centres d’expertise et 16 000 salariés dont 11 000 dans le seul secteur de l’énergie.

Impuissance de Bercy ?
Lors du deal sur le rachat d’Alstom, GE avait promis la création de 1 000 postes. Promesse désormais enterrée. Mais surtout, il va falloir gérer la destruction d’emplois. Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, veut mettre la pression sur le conglomérat américain. "Des engagements avaient été pris par GE, j'avais rencontré le président de General Electric il y a quelques mois et je devais le revoir au courant du mois d'octobre pour m'assurer qu'il tienne ses engagements sur la compensation des emplois non créés", assure-t-il.

Le ministre français veut recevoir rapidement le nouveau PDG de GE. Le travail de ce dernier est colossal. Il va devoir démanteler l’immense conglomérat, qui fut jusqu’à la fin des années 90 la plus puissante entreprise au monde, pour la recentrer sur les activités les plus rentables : l’aéronautique et la médecine. Dans ce contexte, il n’est pas sûr que Lawrence Culp prenne le temps de faire un crochet par Bercy.

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