La facture énergétique de la tech flambe

Sebastien Dumoulin



Les data centers représentent un cinquième de la facture énergétique de la tech. L'explosion du trafic de données y surpasse les gains d'efficacité énergétique. - Jason Alden/Bloomberg

La tech produit déjà plus de gaz à effet de serre que le transport aérien civil. La consommation énergétique du numérique progresse de 9 % par an. Un rapport préconise de la limiter à 1,5 %.
La planète brûle et nous regardons nos smartphones. C'est en quelque sorte le constat désolé d'un panel de scientifiques du CNRS, de l'Inria, etc. réunis au sein du think tank The Shift Project.




Dans leur rapport intitulé « Pour une sobriété numérique », ils mesurent la consommation énergétique de nos ordinateurs, smartphones, box Internet... et des infrastructures qui leur permettent de fonctionner (réseaux fixes et mobiles, data centers). Et le tableau est alarmant.
Alors que la consommation mondiale d'énergie progresse de 1,5 % par an, celle du numérique suit une tout autre trajectoire : + 9 % ces dernières années. En suivant cette pente, la facture énergétique pourrait quasiment doubler à l'horizon 2025.

Quatre milliards de smartphones
La première raison de cette explosion est la multiplication des terminaux. Le parc de smartphones a plus que doublé ces cinq dernières années pour dépasser les 4 milliards d'unités. Dans les pays en développement, la population s'équipe. Dans les économies avancées, les gens changent de téléphone tous les deux ans, voire moins.

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Et de nouveaux périphériques arrivent constamment sur le marché : montres connectées, enceintes intelligentes... Selon une étude GSMA de 2015, un foyer de quatre personnes dans un pays développé disposera de 50 gadgets connectés (caméras, alarmes, thermostats, ampoules...) en moyenne dans cinq ans.

Voracité des data centers
Les consommateurs, même l’œil rivé sur leur propre facture d'électricité, ne voient pas l'étendue des dégâts. A chaque utilisation d'un gadget connecté, c'est du trafic pour le réseau et des opérations dans les data centers. De quoi multiplier la facture énergétique par presque trois.
Certes, les géants du secteur rivalisent d'inventivité pour faire baisser la consommation de leurs fermes de serveurs. Microsoft en a même immergé un dans les eaux écossaises pour optimiser le refroidissement des armoires informatiques. Mais cela ne suffit pas à compenser l'augmentation du volume d'informations à traiter : +35 % par an.

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Et même une fois ces coûts du transport et du traitement de l'information intégrés, cela ne représente toujours que la moitié de l'impact final. Car 45 % de l'empreinte énergétique du numérique est lié à la phase de production. « La 'dématérialisation' est une expression délétère, fustige Jean-Marc Jancovici, le président de The Shift Project. Les utilisateurs d'ordinateurs oublient qu'il a fallu les fabriquer. Et lorsque l'on téléphone, personne ne pense qu'il a fallu auparavant envoyer une fusée Ariane dans l'espace et poser des câbles au fond des océans. »

Empreinte carbone démultipliée
La folle croissance des usages numériques joue un rôle de plus en plus fort dans le dérèglement climatique, selon les scientifiques. Toujours plus de données, sur toujours plus de terminaux, toujours plus gourmands. L'empreinte carbone d'un iPhone X est ainsi plus de trois fois celle d'un i Phone 4.
Et alors que le secteur ne représentait que 2,5 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales il y a cinq ans, il pèse désormais 3,7 % - davantage que le transport aérien civil. Et menace d'approcher les 8 % en 2025 - l'équivalent des émissions actuelles des véhicules légers (auto, moto...).

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Pour éviter une fuite en avant, les auteurs du rapport invitent à la modération. Leur trajectoire « sobre » limite à 1,5 % par an la hausse de la consommation du secteur. « Il ne s'agit en aucun cas de museler la transition numérique », plaident-ils. Dans leur scénario, la croissance du trafic reste très élevée (+17 % dans les data centers, +25 % sur les réseaux mobiles) et les achats de terminaux soutenus (1,5 milliard de smartphones vendus en 2025, soit le niveau de 2017).
« Cela reste une sobriété relative », souligne Jean-Marc Jancovici, qui ne peut s'empêcher d'aller un cran plus loin. « Compte tenu du prix à payer sur l'environnement, doit-on encourager l'explosion du trafic ? A-t-on vraiment besoin de la 5G ? La question est légitime. »

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