FLORA CHAUVEAU (REPORTERRE)
samedi 1er novembre 2014
Le cimetière écologique de Souché, à Niort, est écologique. Ici, pas de lourde pierre tombale en granit ni de fleurs en plastique. C’est un coin de nature où tout a été pensé pour préserver l’environnement dans le plus grand respect du défunt.
Niort (Deux-Sèvres), reportage
Le vent berce les branches des arbres et fait frémir les hautes herbes. Des oiseaux volettent au-dessus de ce que l’on pourrait confondre avec un parc. Mais cette parcelle de verdure est tout autre chose : lieu de recueillement et de deuil, c’est un cimetière qui a été installé là par la mairie de Niort.
Le quartier résidentiel de Souché accueille en effet depuis quelques mois le premier cimetière écologique de France, qui a été inauguré en février dernier. Un endroit où le respect des défunts s’accorde avec le respect de l’environnement.
- La plaque qui accueille les visiteurs dans le cimetière de Souché : "Pour faire un jardin, il faut un morceau de terre et l’éternité." Gilles Clément -
Pas de pierre tombale
Contrairement à ses voisins du nord de l’Europe, la France n’accueille aucun cimetière de ce genre. Parfois, des efforts sont fournis pour rendre le lieu plus agréable : plantation de haies, de quelques arbres, d’une pelouse. Mais le cimetière de Souché va plus loin. Ici, pas d’imposantes pierres tombales en granit, dont les gisements se situent à plusieurs milliers de kilomètres (en Asie, le plus souvent) et qui seront difficilement réutilisables à la fin de la concession, trente ou quarante ans plus tard.
Non, ici, le nom du défunt est inscrit sur un petit pupitre carré de trente centimètres fait de calcaire, la pierre locale. Pas non plus de plaques envahissantes, mais un arbuste et des fleurs, naturelles bien sûr. Pas de caveau en béton, les cercueils sont posés directement en terre. « Nous allons encore plus loin, explique Dominique Bodin, conservateur des cimetières à la ville de Niort et initiateur du projet. Nous essayons de sensibiliser les personnes qui désirent reposer ici. Nous conseillons d’habiller les défunts de fibres naturelles, comme le lin ou le coton. Nous demandons aussi de limiter les soins de thanatopraxie, qui sont souvent constitués de produits chimiques. »
- Ève Marie Ferrer et Dominique Bodin, initiateurs et concepteurs du cimetière -
L’industrie est entrée dans le cimetière
L’histoire de ce cimetière, c’est le fruit des années de travail de Dominique Bodin, un homme qui a vu évoluer ce lieu si particulier qu’est le cimetière.« Dans les années cinquante-soixante, j’ai constaté que l’industrie est entrée dans le cimetière : les pierres tombales ont été posées de façon uniforme, en série. »
Par ailleurs, alors qu’auparavant les concessions étaient perpétuelles, elles deviennent temporaires : on les achète pour trente ou quarante ans. « Lorsqu’on va arriver à la fin de ces années, que va-t-on faire de tous ces matériaux ? »L’homme s’interroge aussi sur la multiplication des columbariums, ces monuments dans lesquels reposent les cendres des défunts incinérés : alors qu’en 1980 un faible pourcentage de la population choisissait la crémation, ils sont 40 % aujourd’hui.
Enfin, Dominique Bodin voit arriver à grand pas l’échéance de 2020, date à laquelle les pesticides seront interdits dans les lieux publics : « Les cimetières classiques nécessitent une énorme quantité de pesticides. Comment va-t-on faire quand on ne pourra plus les utiliser ? » La solution : passer du cimetière minéral au cimetière végétal.
Carte blanche
Il y a un peu plus de trois ans, Dominique Bodin convainc sans trop de peine Ève Marie Ferrer de travailler avec lui sur ce projet. Elle travaille sur les projets d’aménagement de la ville. Ensemble, ils proposent leur idée aux élus de l’époque. Ces derniers sont emballés. Niort est une ville engagée dans la protection de l’environnement.
- Le passage entre le cimetière classique et le cimetière naturel se fait par une barrière en bois -
Ils leur donnent carte blanche, ainsi qu’un budget de 50 000 euros. « Ce n’était pas beaucoup, mais ça nous a ouvert beaucoup de portes, explique Ève Marie Ferrer. Nous avons mené le projet sans faire appel à une société privée. Nous avons essayé d’utiliser un maximum de choses issues du recyclage. »
Ainsi, les bancs sont des morceaux de pierre récupérés, comme cette meule au centre de l’espace de dispersion des cendres. Les arbustes qui ont été plantés ont été récupérés dans les friches communales.
« Apporter des éléments de vie dans le cimetière »
Ils trouvent ensuite l’endroit parfait : une ancienne carrière de calcaire, devenue friche, juste à côté du cimetière de Souché. « Nous n’avons pas voulu dénaturer le lieu, raconte Dominique Bodin. Nous avons conservé les arbres présents et construit l’espace autour. »
Les clôtures sont faites de bois, les murets de pierre sèche. Des espaces de prairies sont conservés pour abriter les insectes et les petits mammifères qui vivent ici. « Nous avons souhaité amener des éléments de vie dans ce lieu. »
- Au centre, l’espace de dispersion des cendres. Le banc circulaire est une ancienne meule, surmonté d’un ancien poteau de feu de signalisation -
On s’y recueille autrement que dans les cimetières traditionnels. Ève Marie raconte : « J’ai rencontré deux femmes qui étaient allées rendre hommage à leurs défunts dans le cimetière normal puis qui sont venues s’asseoir sur un banc du cimetière naturel pour se reposer. »
Il parait même que les personnes qui fréquentent ce lieu ont une mine moins triste. « C’est agréable de pouvoir y croiser un écureuil ou une mésange. » Mais le concept ne plaît pas à tout le monde. « Pour certains, c’est sale et mal entretenu car la végétation pousse comme elle l’entend. »
Pourtant, les cimetières naturels pourraient être la solution pour l’avenir. Un enterrement y est moins cher qu’ailleurs : pas de caveau, pas de pierre tombale à payer, etc. Mais les nombreuses entreprises funéraires ne laisseront sûrement pas ce marché leur glisser des mains.
Source et photos : Flora Chauveau pour Reporterre http://www.reporterre.net/
nmnj
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