Ce 12 novembre, le gouvernement a annoncé son troisième « Plan National Santé Environnement ».
Par Jean-Pierre Riou
Le gouvernement vient d’initier le troisième « Plan National Santé Environnement 2015/2019 » (PNSE) annoncé en conseil des ministres ce 12 novembre. Première nommée de ses mesures phares, la lutte contre le bruit. Dans sa présentation de ce plan, Ségolène Royal considère que « le bruit est le 2ème facteur environnemental de dommages sanitaires : troubles auditifs, pertes de sommeil, anxiété, risques cardiaques, stress dangereux pour les femmes enceintes, déconcentration scolaire des enfants, irritabilité et agressivité. 86% des Français déclarent être gênés par le bruit (de la circulation, du voisinage ».
Au cœur de la loi sur la transition écologique, comment ne pas souligner le lien entre cette juste préoccupation et l’implantation programmée de milliers d’éoliennes, dont la moins bruyante d’entre elles produit 104 décibels (dBA). Sa problématique sanitaire étant la distance réglementaire d’éloignement des maisons.
Au cœur de la loi sur la transition écologique, comment ne pas souligner le lien entre cette juste préoccupation et l’implantation programmée de milliers d’éoliennes, dont la moins bruyante d’entre elles produit 104 décibels (dBA). Sa problématique sanitaire étant la distance réglementaire d’éloignement des maisons.
Pour la raison que l’on devine, l’Académie de Médecine s’était prononcée, en mars 2006 pour une distance de précaution minimum de 1500m. L’AFSSET, chargée de juger la pertinence d’une telle mesure ne l’avait pas retenue, soulignant, entre autres, que « Les avantages de la mise en œuvre d’une telle mesure (1500m) d’application simple doivent être mis en balance avec le frein au développement qu’elle constitue ». (p 91)
Ce rapport commence, cependant par un aveu :
« En vue de poursuivre l’approfondissement des connaissances dans le domaine de l’évaluation de la gêne(7) due aux bruits, il convient de définir si les critères retenus dans la réglementation sont adaptés aux propriétés spectrales du bruit des éoliennes, notamment dans le domaine des infrasons ».
7. Sensation de désagrément, de déplaisir provoqué par un facteur d’environnement dont l’individu ou le groupe connaît ou imagine le pouvoir d’affecter sa santé (définition OMS) ».
Cette précision devant être rappelée, puisque l’avis dont elle est extraite a disparu du rapport AFSSET figurant sur le site du ministère.
Il faut savoir que, depuis longtemps, la gêne due au bruit des éoliennes et les effets sanitaires dus à ce bruit sont décrits dans de nombreux rapports tel celui des médecins de famille canadiens de mai 2013 dont l’introduction est explicite : « Les médecins de famille canadiens peuvent s’attendre à voir un nombre accru de patients ruraux qui se plaignent d’effets indésirables causés par des éoliennes industrielles (EI). Les personnes qui vivent ou travaillent à proximité des EI ont éprouvé des symptômes, y compris une moins bonne qualité de vie, de l’inconfort, du stress, des troubles du sommeil, des maux de tête, de l’anxiété, de la dépression et une dysfonction cognitive. Certaines ont aussi ressenti de la colère, de la détresse ou un sentiment d’injustice. Parmi les causes suggérées, on peut mentionner une combinaison de bruits provenant des éoliennes, d’infrasons, d’électricité sale, de courant tellurique et d’effet stroboscopique 1. Les médecins de famille devraient être conscients que les patients qui signalent des effets indésirables des EI peuvent éprouver des symptômes qui sont intenses et envahissants et pourraient se sentir encore plus victimisés si leurs professionnels de la santé ne les comprennent pas. »
C’est dans ce contexte que la Royal Society of medicine vient de publier, le mois dernier, les critères de diagnostic du « syndrome éolien » dans un rayon de 10 km d’éoliennes en fonctionnement. Ce même mois, Santé Canada rendait publics les résultats d’une vaste étude sur l’impact sanitaire des éoliennes. Les conclusions de cette étude paraitront, après révision par la communauté scientifique courant 2015. Cependant, David Michaud, principal chercheur et gestionnaire du projet, rendait compte le lendemain de la méthodologie retenue pour l’étude, ainsi que d’une rapide analyse des résultats en question. Si le lien direct ne semble pas pouvoir être démontré entre la présence d’éoliennes et les symptômes, la traduction de son analyse reste édifiante :
« Une relation statistiquement significative exposition/réponse a été observée entre l’augmentation du bruit des éoliennes et la sensation de nuisance. Cette relation est liée à la gêne provoquée par le bruit, aux vibrations, au clignotement des flashs lumineux, aux ombres portées et à l’impact visuel des machines. Dans tous les cas, cette gêne augmente avec le degré d’exposition au bruit…
Les nuisances sonores éoliennes ont été jugées statistiquement associées à plusieurs effets sur la santé auto-déclarés, y compris, mais sans s’y limiter, la pression artérielle, les migraines, acouphènes, vertiges, les résultats du PSQI 1 et le stress perçu.
Les nuisances sonores éoliennes ont été jugées statistiquement liées à la concentration de cortisol dans les cheveux 2, la tension systolique et la pression artérielle diastolique.
Bien que Santé Canada n’a aucun moyen de savoir si ces conditions aient pu être antérieures, et / ou sont peut-être aggravés par l’exposition aux éoliennes, les résultats confirment un lien potentiel entre l’exposition prolongée à une gêne importante et la santé. »
Conscient de cette réalité, le ministère de la santé finlandais demandait, en juin dernier, une distance de 2 km d’éloignement. Et concluait son rapport en ces termes : « Les acteurs du développement de l’énergie éolienne devraient comprendre qu’aucun objectif économique ou politique ne doit prévaloir sur le bien-être et la santé des individus ».
En France, les éoliennes sont autorisées à ne plus respecter le code de santé public, depuis l’arrêté du 26 août 2011 qui leur permet de porter le bruit ambiant à 35 dBA, au lieu de 30 dBA dans le code de santé publique, sans que l’infraction puisse être constituée. Ce même arrêté autorise également leur implantation à 500m des maisons malgré l’avis de l’Académie de Médecine. De nombreuses études reconnues par la communauté scientifique ( peer reviewed ) comme celles de Janssen et Vos, (sept 2011) ou de Pedersen (juin 2009) indiquent clairement que l’ impact des éoliennes sur les riverains est bien supérieur à celui de la plupart des autres sources sonores, à dose égale de bruit. Cet impact est expliqué par le caractère incontrôlable, quasi permanent, nocturne et la combinaison avec l’intrusion visuelle quotidienne des éoliennes qui renforcent la perception négative, fondamentale dans ce domaine. Des élus, notamment parmi ceux d’EELV, ont posé au gouvernement cette question de l’insuffisance de la distance actuellement retenue. Cette préoccupation les honore.
Une « mesure optique » qualifie, par dérision, une mesure qui se voit, ne coûte pas cher et veut, cependant, se prétendre ambitieuse. Elle s’accompagne en général de « mesures concrètes » comme la publication de cartes des points noirs, de guides, d’observatoires divers et de sites dédiés.
Le « Plan National Santé Environnement 2015-2019 » saura-t-il prendre en compte le scandale sanitaire d’un développement éolien attiré près des maisons par les ressources financières que certains en perçoivent ? Ou restera-t-il, sur ce point, une « mesure optique » ?
PSQI ou Pittsburgh Sleep Quality Index est un questionnaire fréquemment utilisé pour obtenir une mesure validée des troubles du sommeil autodéclarés. Il fournit une cote se situant entre 0 et 21 et une cote globale de plus de 5 indique un sommeil de mauvaise qualité. ↩
Le cortisol est un biomarqueur du stress bien établi dont la concentration est habituellement mesurée dans le sang ou la salive. Toutefois, les concentrations sanguines ou salivaires font état de fluctuations récentes du cortisol et sont influencées par de nombreuses variables, dont le moment de la journée, les aliments consommés, la position du corps, les moments de stress de courte durée, etc., qui sont très difficiles à contrôler dans le cadre d’une étude épidémiologique. La mesure de la concentration de cortisol dans des échantillons de cheveux permet d’éliminer en grande partie ces difficultés, car le cortisol s’introduit dans les cheveux à mesure qu’ils poussent. Le taux moyen de pousse des cheveux étant de 1 cm par mois, la mesure du cortisol dans les cheveux permet d’examiner l’exposition à des agents stressants au cours des mois précédents. Cette méthode est donc particulièrement utile pour évaluer les effets possibles d’une exposition de longue durée au bruit des éoliennes sur l’un des principaux biomarqueurs du stress. ↩
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