Brève histoire de l'équipement d'EDF

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par François Cordelle
Publié le 14 janvier 2018

Brève histoire de l'équipement d'EDF

EDF a été créé par le Général de Gaulle qui, dès la libération à la fin de la guerre, nationalisa un certain nombre de grands services publics, en particulier l'électricité et le gaz qui furent dotés d'un Statut commun des Entreprises Électrique et Gazière.
EDF était donc un « établissement public à caractère industriel et commercial », placé sous la tutelle du Ministre de l'Industrie, avec un conseil d'administration (composé par tiers d'administrateurs représentant : l'Etat, le monde scientifique et technique, et le personnel) et un directeur général.
Les négociations avec les établissements privés qui occupaient la place ont duré un temps important, mais l'installation de la nouvelle structure a été faite sans délais, car il y avait grande urgence, pour fournir l'électricité à tous les usagers, à construire les centrales et les 
ressources hydrauliques dont la France bénéficiait du fait de l'abondance de ses cours d'eau et l'importance de ses massifs montagneux.
La quasi-totalité de l'équipement actuel a été mis en service entre 1948 et 1988, et quelques chiffres permettront d'apprécier le travail exécuté 1:


  • Entre 1946 et 1988, dans l’ensemble des bassins versants, 18 très grands barrages ont été construit et mis en service (9 de 100 à 160 m de haut et 9 de 60 à 100m de haut), dont 9 d’entre eux retiennent un volume d'eau total de près de 5000 millions de m3, permettant des reports inter-annuels, complétés par des chaînes d'usines à leur aval.
  • Entre 1952 et 1974, le Rhin français a été équipé de 8 ensembles usine-écluse totalisant une puissance de 1,17 GW.
  • Entre1960 et 1976, l'équipement du bassin de la Durance (13 usines, à l'aval des barrages de Serre-Ponçon et de Ste-Croix) cumule une puissance totale de 1,95 GW.
La puissance hydraulique installée est alors de l'ordre de 25 GW, dont 14 GW sont programmables et garantis car issus de lacs.


Dans le même temps, l'équipement en centrales thermiques modernes de puissance croissante (120, 250 ,600, puis 700 MW), à charbon, puis au fuel, étaient mises en service, jusqu'à une puissance totale cumulée de 16 GW. A partir de 1977, date de la mise en service de Fessenheim 1, la production du parc de centrales thermiques à flamme diminua progressivement jusqu'au minimum nécessaire pour compenser les défaillances aléatoires des énergies éoliennes et solaires.

A partir de 1957, devant l'épuisement grandissant des mines françaises de charbon et le pétrole importé étant de plus en plus utilisé pour alimenter les centrales thermiques, il a été décidé d'explorer les possibilités de l'énergie nucléaire ; à cette époque, où l’on ne pouvait disposer que d'uranium naturel , seule était imaginable une filière découlant des réacteurs qu'avait mis en service le CEA, malgré les grandes difficultés de sa mise en œuvre. C'est ainsi que furent réalisées 5 unités dans la filière UNGG2, à Chinon et St.Laurent des Eaux, actuellement en cours de démantèlement.

Le temps passant et la demande d'électricité croissant toujours de 7% par an , il est apparu d'une part qu'on ne pouvait pas espérer un accroissement significatif de la production hydraulique, que d'autre part la dépendance vis à vis du pétrole deviendrait vite préoccupante, et qu'il fallait donc examiner sérieusement si, et comment, il fallait aborder un recours important à l'énergie nucléaire.
C'est ainsi que, devant les difficultés croissantes de la filière UNGG, le choix fut fait en 1969 de recourir à une filière américaine, et finalement d'opter en 1970 pour le même type de réacteur que celui de la centrale de Chooz A déjà construite en participation avec la Belgique (PWR3 de Westinghouse de 310 MW mise en service en 1967, qui donnait toute satisfaction), mais de 900 MW de puissance. Il était prévu dans un premier temps d'engager de 1971 à 1973, 2 centrales de 2 tranches chacune, à Fessenheim et au Bugey.

En 1974, à la suite de deux chocs pétroliers consécutifs, non seulement pour des raisons financières mais aussi pour ne pas trop dépendre de l'étranger, et en accord avec le gouvernement, EDF a décidé de s'affranchir au plus vite des combustibles fossiles en accélérant le rythme de la construction d'un important parc de centrales nucléaires : contrats pluriannuels de 12 tranches en 2 ans, tranches aussi identiques possible par pallier de puissance (avec adaptation aux particularités des sites pour les fondations et le mode de refroidissement des condenseurs).

Le résultat de cet effort considérable, tant d’EDF que des Industriels et des Entreprises, est résumé dans les chiffres suivants :


  • Nombre de tranches nucléaires : 34 de 900 MW, 20 de 1300 MW, 4 de 1500 MW
  • Puissance totale installée en 2000 : 63 GW
  • Production annuelle du parc : 400 TWh
  • Production totale depuis la 1ère mise en service (1977) jusqu'à 2017 : 13.000 TWh4
  • Production thermique fossile à partir de 1977 jusqu'à 1990 : réduite jusqu’à 1,3 TWh
  • Temps de fonctionnement équivalent pleine puissance compte tenu des arrêts programmés pour le rechargement en uranium et l’entretien (y compris le remplacement de matériels sujets à usure : 7000 heures par an (80%).,

Ayant rappelé l'histoire de la mise en œuvre de l'ensemble des ouvrages de production, d'interconnexion et de transport de l'électricité, je voudrais rendre hommage à tous ceux qui, par leurs qualités et leur travail, malgré les difficultés de tous ordres, technique, administrative ou financière, ont doté la France d'un ensemble performant, adapté et fiable que beaucoup nous envient.
Cet hommage s'adresse à tous, depuis les Directeurs, cadres et tous agents, qui ont su créer l'esprit d'équipe qui a animé EDF avec un succès indéniable. EDF doit en particulier beaucoup à ses trois premiers Directeurs Généraux qui ont su créer en son sein une « Direction de l' Équipement » capable de répondre à la demande croissante d'électricité :

  • Roger Gaspard, qui a lancé et développé pendant 15 années la quasi totalité des aménagements hydrauliques et des centrales thermiques à flamme.
  • André Decelle, qui a créé la première « région d'équipement nucléaire », et vécu les premiers pas de cette nouvelle technique dans la filière françaises (UNGG).
  • Marcel Boiteux, qui a pris la décision d'adopter l'utilisation l'uranium enrichi produit par le CEA à Pierrelatte pour construire des centrales de type américain, puis d'en accélérer la cadence en vue réduire le plus rapidement possible l'importation de combustibles fossiles, pendant 12 années, avant d'être nommé Président d'EDF.
Le succès de cette entreprise est sans aucun doute dû en grande partie à une organisation très centralisée dans la définition prévisionnelle des grands programmes, mais très décentralisée au niveau de l'exécution (jusqu'à 8«régions régions hydrauliques», 4«régions thermiques», 4 « régions nucléaires ») ; un service central recueillant dans le domaine de l'hydraulique toute l'expérience acquise (technique, délais, coûts analytiques) dans un document (la « note bleue ») qui permettait de chiffrer avec une bonne approximation les projets (dimensions, coûts et délais) ; ces éléments, joints aux performances des ouvrages (puissance et productibilité) permettaient de comparer les projets en vue du choix et de l'optimisation de l'échelonnement des engagements.
On peut craindre que le manque actuel de prévisions à long terme et l'éparpillement tout à fait aléatoire des projets de production d'énergies renouvelables, fait par de multiples organismes indépendamment les uns des autres sans programmation centralisée, sans estimation des dépenses à engager ni des performances et des conséquences sur la stabilité des réseaux, sans examen critique de la rentabilité, ne puisse conduire à un ensemble vraiment cohérent...La démarche est à l'opposé de celle qui avait si bien réussi dans le passé, avec tant de succès !

Espérons que dans le pays qui a connu Montaigne et Descartes, la rigueur, la logique et le pragmatisme pourront redevenir les bases de la gestion de la France pour son avenir.



1- L’aménagement du Rhône, navigation et hydroélectricité, est resté dans le domaine de la CNR, qui l’avait entrepris avec le barrage de Génissiat.
2- UNGG : filière Uranium Naturel Graphite Gaz.
3- PWR : filière Réacteurs à Eau Pessurisée.
4- S’il avait fallu produire cette énergie à partir de combustibles fossiles, cela aurait conduit à l’émission d’environ 10 milliards de tonnes de CO² ; chaque année, le parc nucléaire actuel évite l’émission de 400 millions de tonnes de CO², à comparer à la production annuelle de 29 TWh d’éolien et de solaire qui n’économisent qu’environ 30 tonnes de CO².
Cela explique pourquoi la France est parmi les pays européens émettant le moins de CO² par habitant bien qu'elle soit mal classée pour la puissance installée en éolien et solaire, ce qu’on lui reproche sans raisons. Dans le domaine de l’énergie électrique, la France a déjà réalisé la transition énergétique, entre 1971 et1990, et elle serait capable de se passer totalement de l’usage de combustibles fossiles s’il n’était pas nécessaire d’en avoir pour compenser le caractère intermittent et aléatoire des énergies éoliennes et solaires.


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