Le nucléaire chinois accélère en 2018

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En 2018, la Chine va accélérer son programme électro-nucléaire. L’un des événements attendus en sera la connexion au réseau du premier EPR opérationnel, Taishan-1, conçu par Areva. Pourtant, sa construction a démarré en novembre 2009, deux ans… après celle de l’ EPR de Flamanville. Au delà de l’émergence de ce qui sera bientôt le plus important parc de réacteurs nucléaires, la Chine vise le très long terme. Avec une stratégie inspirée du modèle français : combustible usé retraité, usage du MOX (mélangeant plutonium et uranium appauvri), et développement de réacteurs dits « rapides » dans la perspective, lointaine, d’une raréfaction de l’uranium naturel. Le point sur cet acteur qui va bientôt dominer l’énergie nucléaire planétaire dans tous les segments de cette industrie.

Un parc de production construit à grande vitesse
► La taille de la Chine – qui produit près du quart de l’électricité mondiale – explique à elle seule des chiffres montrant qu’elle va rapidement disposer du plus grand nombre de réacteurs en activité pour un seul pays. Aux 38 réacteurs en exploitation, vont s’ajouter en quelques années les 19 en construction. Soit 57, un de moins que les 58 d’EDF pour 63 GW de puissance installée. Mais le gouvernement chinois a déjà décidé d’aller nettement plus loin. Il vise entre 120 et 130 GW de puissance installée en 2030. Un scénario qui suppose toutefois que la Chine lance la construction de réacteurs en bords de rivières, alors qu’ils sont actuellement tous en bord de mer. Cette évolution devrait se poursuivre après 2030. En effet, même les 130 GW espérés en 2030 ne correspondrait encore qu’à 6 ou 7% de la production électrique du pays (contre un peu moins de 4% aujourd’hui).
La marge de progression sera donc encore importante dans l’objectif de décarboner une électricité actuellement produite avec du charbon pour près de 70% – provoquant une pollution urbaine désastreuse et une contribution majeure au changement climatique. A la moitié du siècle, la Chine pourrait donc exploiter au moins 100 réacteurs nucléaires… voire plus si elle souhaite obtenir une électricité massivement décarbonée. Et alimenter un parc de voitures électriques en croissance rapide pour diminuer la pollution urbaine et l’importation de pétrole.

Des technologies made in China
►Ce parc de réacteurs sera… chinois. Pour se doter rapidement des technologies nucléaires, la Chine a fait son marché partout. EDF et Areva (ex-Framatome) ont pris une part importante dans cet essor – au point que le système nucléaire chinois est truffé de francophones et que des hauts cadres d’EDF et Chinois suivent des formations communes. Ainsi les deux EPR de Taishan sont la propriété d’une co-entreprise entre le chinois CGNPC (70 %) et EDF (30 %). Mais les Français sont loin d’être les seuls. Filière à eau lourde canadienne (Candu), réacteurs de conception US (AP-1000 de Westinghouse), réacteurs russes (les VVER)… la puissance financière de la Chine lui a permis de tout tester. Et surtout de « siniser » tout cela, un peu comme EDF avec les réacteurs à eau pressurisée construits en France, dont la technologie est d’origine Westinghouse.

Cette « sinisation » s’opère à grande vitesse. Les contrats passés avec les constructeurs étrangers organisent le transfert de technologies et débouchent sur la fabrication en Chine de la plupart de composants au terme du processus sur quelques réacteurs.


L’ EPR Taishan-1

Cette vitesse d’acquisition par les ingénieurs et industriels chinois se lit dans l’origine des composants lourds (cuve du réacteur, générateurs de vapeur) des deux EPR de Taishan. Alors que le premier va utiliser des éléments fabriqués au Japon et en France pour ou par Areva, le second sera équipé « made in China ». Pour les deux réacteurs Hualong-1 en construction à Fuking, des réacteurs dit de « génération 3 » comme l’ EPR, la majorité des composants lourds sont fabriqués en Chine. Plus significatif : le projet de construire deux réacteurs Hualong… en Grande-Bretagne indique la rapidité avec laquelle la Chine passe d’importateur à exportateur de cette technologie.

Autonomie et retraitement

► Viser un tel parc de production nucléaire suppose de se garantir l’approvisionnement en combustible et de décider de la gestion du combustible usé. Jusqu’à présent, la Chine a visé son autonomie sur la partie « amont » du cycle du combustible : mines d’uranium, enrichissement en isotope fissile, fabrication des combustibles nucléaires. Même si elle s’est aussi approvisionnée en combustible auprès d’Areva qui assurera au moins 15 ans de combustible pour les EPR de Taishan. Mais elle vise désormais une gestion intégrée de « l’aval », dans une vision de long terme. La décision stratégique a été prise : à l’inverse des Etats-Unis, la Chine va adopter le modèle français : les combustibles usés seront retraités, l’uranium et le plutonium récupérés pour fabriquer de nouveaux combustibles dits MOX et les produits de fissions seront vitrifiés, comme à la Hague, dans la perspective d’un enfouissement géologique.

La Chine a testé ses capacités sur ces technologies, avec un prototype de taille réduite pour le retraitement… qui n’aurait pas donné satisfaction. Sans vraiment surprendre les ingénieurs et chimistes du CEA et d’Areva. Si l’on se souvient de l’échec japonais pour la vitrification des déchets, manifestement, seules les équipes du CEA et d’Areva maîtrisent toute la chaîne du retraitement et de la vitrification des déchets ultimes. Pour passer à la taille industrielle compatible avec son futur parc de réacteurs, la Chine négocie avec Areva le transfert des deux technologies. Le retraitement par une usine similaire à l’UP3 de La Hague, d’une capacité de 800 tonnes de combustibles par an. Et une usine similaire à l’établissement Melox de Marcoule pour la fabrication de combustible MOX (à partir de l’uranium appauvri et du plutonium issu des combustibles retraités). L’accord de principe est déjà acté, la négociation porte sur le calendrier, le détail technique… et le prix. La négociation pourrait se conclure en 2018 pour une réalisation vers 2030, même si ce calendrier peut glisser.

La recherche sur les « rapides »
► L’option nucléaire chinoise comporte une vision de très long terme, qui passe par la maîtrise d’une technologie différente du parc actuel de production : celle des réacteurs dits « rapides ». Dans ces réacteurs, on ne cherche pas à ralentir la course des neutrons émis par les noyaux fissiles du combustible constitué à 20% de plutonium-239 et 80% d’uranium naturel. Ces neutrons peuvent être capturés par les noyaux d’uranium-238 (99,7% de l’uranium naturel) qui se transforment alors en plutonium-239, dont la fission dégage de nouveaux neutrons permettant la poursuite de la réaction en chaîne. Ainsi, les « rapides » font disparaître la limitation des ressources (1) minérales pour plusieurs siècles en multipliant par au moins 50 le volume d’électricité produite à partir d’une même quantité d’uranium naturel relativement aux réacteurs « lents ». Un élément de réflexion important pour les Chinois qui ne produisent sur leur sol que le tiers de l’uranium qu’ils utilisent, un autre tiers provenant de mines à l’étranger mais opérées par des industriels chinois, le dernier tiers étant acheté sur le marché mondial.



La Chine a mis en service en 2011 un petit réacteur rapide expérimental, de 20 MW, construit avec l’aide de la Russie. Mais, elle vient surtout, fin décembre 2017, de couler le « premier béton » d’un réacteur rapide de 600 MW à Xiapu, dans la province de Fujian (photo ci-contre). Ce réacteur de conception chinoise utilise le sodium comme fluide caloporteur, pour refroidir le coeur et en extraire la chaleur, similaire de ce point de vue aux réacteurs rapides Phénix et Superphénix qui ont fonctionné à Marcoule et Creys-Malville. Cette filière fait partie des pistes privilégiées par la coopération internationale sur les réacteurs du futur, dont le déploiement industriel n’est pas envisagé avant 2050. Toutefois, la feuille de route chinoise prévoit un réacteur rapide plus puissant, de 1000 MW, qui pourrait être construit dans les années 2030.

► La Chine ne se limite pas aux réacteurs rapides, mais teste également d’autres technologies pour le futur. En décembre 2017, la deuxième des deux cuves du réacteur de démonstration Shandong Shidaowan (baie de Shidao, province de Shandong) a reçu son couvercle. Ce réacteur dit HTR fonctionne à très haute température (750°C), utilise un combustible à l’uranium enrichi à près de 9% en uranium-235 (contre environ 4% dans les réacteurs à eau pressurisés standards) sous forme de petites billes placées à l’intérieur de billes de graphite et est refroidi à l’hélium. Il devrait entrer en service en 2018. Cette technologie présente plusieurs avantages en termes de sûreté et pour disposer de réacteurs de puissance moyenne.

(1) C’est le même objectif – s’affranchir de toute limitation des ressources – qui guide la R&D du CEA sur ce sujet, avec le projet de réacteur Astrid : le seul stock d’uranium appauvri conservé en France (300 000 tonnes) suffirait pour produire l’électricité du pays durant plus de mille ans. Le second avantage possible d’un tel réacteur est que les neutrons rapides cassent les noyaux des actinides mineurs en noyaux dont la période radioactive est beaucoup plus courte, diminuant drastiquement la durée de la nocivité des déchets nucléaires.

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