L’électricité renouvelable intermittente : le contre-exemple allemand

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Bernard LEROUGE (52)
01/2018



La nécessité de développer les énergies « renouvelables » fait l’unanimité dans les partis politiques et les médias. Les renouvelables intermittentes (éolien, solaire) font rêver. Mais, avant de trop rêver, ouvrons les yeux sur la situation de l’Allemagne, souvent présentée comme un modèle de vertu écologique et qui a suivi en éclaireur la voie que l’on nous prône de toutes parts.


Le lignite, un mauvais charbon aux émissions polluantes, est la source principale
de l’électricité allemande. © JEFS-FOTOGALERIE.DE / FOTOLIA.COM


Chacun sait l’engouement des médias et de beaucoup d’hommes politiques pour la production d’électricité à l’aide de capteurs solaires (dont le prix a, de fait, fortement baissé depuis dix ans) et d’éoliennes. Ces énergies sont par nature intermittentes et leur utilisation à grande échelle pose question dans la mesure où le stockage de l’électricité à grande échelle est loin d’être assuré.

Ne peut-on craindre des black-out dévastateurs, comme le montre Hervé Machenaud (68) dans son livre La France dans le noir. Les méfaits de l’idéologie en politique énergétique (éditions Manitoba. Les belles lettres) ? Or, ces énergies ont été mises en oeuvre à grande échelle par notre voisin allemand dont on vante, à tort ou à raison, les vertus « écologiques ». Il est donc tentant d’analyser ses résultats avant de vouloir l’imiter les yeux fermés. C’est ce que nous allons faire.

Les renouvelables dans la production française
L’hydraulique est de loin l’énergie renouvelable la plus intéressante, par son amplitude d’abord, par ses qualités propres ensuite, car sa production sans à-coups est même en partie modulable grâce à des actions délibérées sur les barrages construits dans nos montagnes. Ces installations intéressent au premier chef les distributeurs d’électricité qui sont tenus d’accepter les productions cycliques du solaire et celles, plus erratiques, de l’éolien et doivent répondre à une demande fluctuante. Mais le débit de nos rivières dépend de la pluviosité et il est difficile d’envisager de nouveaux barrages, compte tenu des résistances locales. N’étant pas intermittente comme les autres renouvelables, l’énergie hydraulique de montagne joue un rôle essentiel dans l’équilibre de l’offre et de la demande d’électricité, car il n’est guère d’autre moyen prouvé de « stocker » cette dernière en grande quantité à un coût acceptable.

En Allemagne, un résultat désolant...
Les accidents de Tchernobyl puis de Fukushima ont beaucoup marqué les esprits en Allemagne, et le nucléaire y a fait l’objet d’enjeux politiques importants. En conséquence, les études en cours depuis 1990 avec la France sur l’EPR ont été stoppées et huit réacteurs ont été progressivement arrêtés (sans compter ceux hérités de la RDA, jugés immédiatement non conformes aux normes occidentales).

Les renouvelables : 20¨% du mix électrique français
En 2016, la France a produit 531,3 TWh (notre consommation est un peu inférieure du fait d’un solde exportateur appréciable). Le nucléaire en représentait 72 % et le thermique fossile près de 9 %. La part de toutes les énergies renouvelables s’établit à 19 % et atteindra probablement 20 % en 2017. L’abondant charbon reste accepté, mais c’est officiellement en tant que relai avant l’essor des énergies renouvelables, essentiellement vent et soleil, pour lesquelles ont été consentis des efforts considérables d’investissement : 200 milliards d’euros fin 2017, en comprenant les frais de renforcement nécessaire du réseau électrique, opération qui n’est encore qu’ébauchée. Le chiffre de 500 milliards en 2025 est parfois articulé. Or le résultat brut est désolant : l’éolien et le solaire fournissent certes 20,1 % de l’électricité allemande (contre 5,1 % en France), mais l’Allemagne produit aujourd’hui dix fois plus de gaz à effet de serre par kilowatt-heure que la France et se place désormais au 29e rang (en recul de 7 places) d’un tableau établi chaque année par Germanwatch et climate.actions.network  (la France s’y hisse de la 4e à la 1re place… grâce aussi au succès politique de la COP 21). Car c’est le lignite, un mauvais charbon aux émissions polluantes, qui y est la source principale de son électricité. Le secteur électrique n’est pas seul à blâmer : le total des émissions relatives à l’énergie en Allemagne a augmenté de 0,7 % de 2014 à 2015 et de 0,9 % de 2015 à 2016. Et l’on sait déjà que l’objectif promis dans le cadre européen de 18 % d’énergies renouvelables en 2020 ne pourra être atteint, car il n’est passé que de 14,5 à 14,6 % de 2015 à 2016. Le fameux Energiewende (tournant énergétique) est donc un échec, que reconnaissent maints organismes économiques allemands consternés.

Gratuites, les énergies renouvelables?
Le prix de son électricité pour les particuliers est deux fois plus élevé qu’en France (il est vrai que l’industrie allemande bénéficie de tarifs inférieurs, au détriment du public). Les énergies renouvelables, cause principale de notre CSPE (contribution au service public de l’électricité : 8 Mds € en 2017) et de son équivalent outre-Rhin (EEG-Umlage : pratiquement le triple !), font s’envoler les factures.


Comparaison des évolutions de la puissance éolienne en Europe et en France heure par heure.

On s’imagine à tort qu’il y a toujours du vent quelque part en Europe. La figure ci-dessous montre bien, pour un mois d’hiver de 2013, que les régimes des vents ne diffèrent guère d’une région à une autre de notre continent et comme seraient élevés les risques de black-out européen si on se fiait trop aux éoliennes. Le problème clé des renouvelables intermittentes est le stockage de leurs excédents. Aux pointes de production, l’électricité est bradée sur le réseau international, au point que son prix puisse parfois être négatif, ce qui déstabilise le marché. On peut imaginer produire alors de l’hydrogène par électrolyse, hydrogène qui pourrait être réinjecté dans un réseau en temps opportun, mais il s’agit là d’une spéculation encore hasardeuse. En attendant, les grands distributeurs de courant allemands et français, sommés d’assurer la continuité de fourniture, se trouvent en difficulté financière car ils doivent maintenir constamment en état de fonctionnement leurs installations de secours, avec le personnel associé, sans en retirer tout le bénéfice possible.

Moins de nucléaire, plus de carbone
Si l’on acceptait de se passer de courant quand il n’y a ni vent ni soleil, on pourrait définir un prix d’électricité purement éolien ou purement solaire, mais nos sociétés exigent une continuité de fourniture dont il faut bien payer le prix. “ Cessons de rêver ! ”En se dégageant peu à peu de sa production nucléaire, l’Allemagne s’est trouvée dépendre d’un charbon dont elle ne réussit pas à se passer. Que fera-t- elle pour diminuer ses émissions et tenir ses engagements ? Importer du gaz russe, au meilleur rendement ? Enfouir dans son sous-sol le CO2 qu’elle produit ? Réduire suffisamment sa demande d’électricité ? Il sera passionnant d’observer ses choix et leurs conséquences. De notre côté, conservons précieusement le capital nucléaire dont nous avons hérité, soyons vigilant sur sa sécurité et… protégeons aussi nos populations des spéculateurs qui arpentent notre sol à la recherche de sites d’implantations d’éoliennes, génératrices de multiples nuisances locales, dont le coût d’investissement se traduit pour moitié par des importations de matériel étranger aggravant notre déficit commercial, et dont on constate depuis six ans leur inefficacité à réduire nos émissions de CO2. Ce qui ne nous dispense pas de mettre à profit le progrès scientifique et technique et de suivre ce qui se passe dans le monde. Mais cessons de rêver.

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