L’énergie du vent : il ne faut pas se tromper

par Loïk Le Floch-Prigent
Publié le 05.01.2018



Lors de chacun de mes déplacements-conférences, après plus d’une heure passée à expliquer comment notre industrie va se sauver du marasme dans laquelle l’ont plongée quelques dirigeants incompétents et des politiciens irresponsables, la première question qui m’est posée porte sur les éoliennes ! Les sondages ont beau dire que les Français adorent leurs éoliennes, moi je constate l’inverse, et ma réponse à la question qui tient compte des localités dans lesquelles j’interviens déclenche beaucoup d’applaudissements auxquels je ne m’attendais pas toujours.
Pour un breton de la mer, le fait de rechercher son énergie dans les éléments dont nous sommes pourvus, vents, courants, marées, houle, vagues, est porteur d’avenir, et nous avons porté haut la notoriété de nos écoles de voile avec des exploits sans cesse renouvelés. Ceci ne vaut pas cependant déni de réalité et ne conduit pas à une religion du vent.

Un peu d’histoire
Alors que dans les années 70 avec le choc pétrolier nous avions examiné toutes les alternatives pour notre politique énergétique, c’est le solaire qui avait été jugé le plus prometteur, et c’est donc un « Commissariat à l’ Energie Solaire » qui avait été créé ainsi qu’une Agence pour les Économies d’ Energie !
Pendant le même temps, confrontés au même problème, les pays du nord de l’Europe, en particulier Danemark et Suède, avaient opté pour une étude intensive de l’énergie du vent. Notre géographie expliquait pleinement cette différence, de même que pour l’Allemagne du Nord, plus exposée au vent qu’au soleil. Assis sur notre développement nucléaire conduisant à une électricité bon marché et excédentaire, nous avions décidé de favoriser le chauffage électrique en association avec un isolement renforcé des habitations.

L’hydraulique française, également très investie, permettait de compléter notre consommation avec pour la pointe quelques centrales charbon et fioul tandis que nous n’avions aucun enthousiasme pour le gaz contrairement aux Italiens par exemple.
Les alternatives à ce mix électrique assumé politiquement ne pouvaient trouver leur place que dans une incitation des pouvoirs publics et c’est ainsi que notre vent et notre soleil ont fini par connaitre des investissements de production électrique. C’est cependant l’énergie du soleil qui a connu la priorité des scientifiques tandis que les industriels n’avaient aucun gout pour innover dans un secteur très compétitif où les matériels classiques venaient tout naturellement des pays à bas coût de main d’œuvre.

L’industrie française dans son ensemble, et à quelques exceptions près, est donc restée très nucléaire, hydraulique et fossile. En ce qui concerne l’éolien, les Danois ont dominé les fabrications dans les années 1970 suivis par les Allemands et les Britanniques, et nos pionniers français se mettaient à investir dans les pays tiers où les caractéristiques géographiques et techniques pouvaient justifier de telles installations.

C’est l’Europe de l’ Energie et le « Grenelle de l’Environnement » qui vont venir bousculer ce bel équilibre
Les anti-nucléaires gagnent en Allemagne, et l’ensemble des pays Européens se mettent d’accord sur un recours aux énergies renouvelables plus important. La justification de cette position est tirée des exigences climatiques et donc le bas carbone, mais la directive inclut les pays à électricité nucléaire alors que ceux-ci sont déjà à bas carbone. Notre pays est « nucléaire électrique » à 75% , il subit donc une règle qui est faite essentiellement pour les pays à forte électricité fossile, en particulier charbon.

Cette nouvelle politique pénalise immédiatement notre compétitivité et notre industrie en augmentant nos importations de matériel dans l’éolien et le solaire. 95% des investissements de l’éolien qui intègre désormais nos campagnes viennent d’Allemagne, du Danemark, d’Inde ou de Chine, tandis que deux tiers des exploitants viennent aussi d’ailleurs. Sur vingt ans les réalisations seront largement subventionnées devant atteindre 40 milliards d’Euro sur la période .
Compte tenu des difficultés financières du pays et des déserts industriels créés dans beaucoup de nos territoires, il fallait se poser deux questions , celle de la pertinence du recours à l’énergie éolienne, et si la réponse était oui à la première question comment redresser la situation industrielle induite par cette orientation.
On a répondu oui à la première question sans vraiment peser le pour et le contre, c’était une nouvelle religion …qui dure encore. Et à la seconde on a décidé d’être les meilleurs, les plus grands, en subventionnant deux entreprises, Alstom et Areva pour irriguer le pays, en particulier son littoral de matériels géants haut de gamme.

Je pense que l’on a le droit, encore, de réfléchir à la première question, d’autant que les réponses apportées à la seconde se sont soldées par des échecs retentissants qui risquent encore de nous coûter fort cher. (Alstom racheté par General Electric et éoliennes Areva reprises par Siemens).

Quelle pertinence éolienne pour la France ?
Il est intéressant de bien comprendre ce qui s’est passé au Danemark, pays pionnier. Ses caractéristiques géographiques, vents forts, réguliers et prévisibles, ses iles nombreuses et son réseau électrique sont bien adaptées à cet apport d’énergie intermittente qui n’excède cependant pas 15% de la puissance installée.

C’est tout le contraire dans la France hexagonale et les installations actuelles sont essentiellement des investissements financiers rentables grâce aux règles édictées pour les favoriser. La dégradation du paysage et le bruit ont beaucoup irrité la population qui résiste désormais aux implantations nouvelles. La solution préconisée alors a été d’aller en mer où ni les oiseaux ni les poissons ne militent dans les associations de défense. Les appels d’offres qui ont commencé en 2005, 2012…n’ont encore donné lieu à aucune réalisation, malgré des prix acceptés 5 à 6 fois ceux du marché !
Des résistances existent partout tandis que les chiffres ne plaident guère en la faveur de ces solutions. Notre réseau est par ailleurs mal adapté tandis que des installations assurant la régularité de l’approvisionnement sont aussi à inclure dans les coûts réels. Je maintiens par ailleurs que les installations fixées au sol par 42 mètres de fonds dans la Baie de Saint-Brieuc sont une absurdité d’autant que nous sommes là en vents tournants et sur le terrain des coquilles Saint-Jacques, la moitié de la production française !

Pour l’industrialisation à caractère national de ces outils dont la plupart, compte tenu des retards accumulés, sont dépassés, c’est encore pire, subventionner l’industrie allemande, danoise, indienne ou chinoise ne m’apparait pas indispensable tandis que le sauvetage de l’hydraulique française est encore possible et que c’est, aussi, de l’énergie renouvelable dont il est question.
Les innovations dans l’énergie du vent vont vraisemblablement être de deux cotés, les axes verticaux pour les éoliennes comme je l’ai déjà suggéré et les installations flottantes plutôt que reposant sur des fondations nécessitant forages et béton dans la mer littorale .
Pour un grand nombre de contrées les installations éoliennes sont « mature » et conduisent à investissements quelquefois sans subventions comme on vient de le voir en Allemagne et en Grande Bretagne.

Si…
Si notre pays veut servir d’exemple en technique et en rentabilité dans ce domaine c’est raté, pour des raisons historiques, géographiques, industrielles et techniques. Si des initiatives nouvelles doivent être prises ce ne peut être qu’après un réexamen profond de la politique pour aller vers l’efficacité, meilleurs rendements pour un minimum d’argent dépensé et participation du secteur à la réindustrialisation du pays .

Si l’objectif est la neutralité carbone, maintenons notre outil électro nucléaire.

Si l’objectif est un pourcentage d’énergies renouvelables dans le mix énergétique, insistons sur le solaire, sur le remplacement du matériel existant éolien par des instruments plus performants, sur les initiatives locales d’auto consommation, déchets ligneux, méthanisation, solaire, petit éolien…

Si l’objectif est de diminuer la part du nucléaire dans le mix, il faudra, comme en Allemagne recarboner avec les centrales utilisant le gaz pour éviter les coupures quand vent et soleil répondront absents

Si l’objectif est de réaliser coûte que coûte des éoliennes en mer, le mieux serait d’attendre d’avoir mis au point les dispositifs flottants.

Si l’objectif est de mettre à mal l’économie du pays et son industrie, accélérer les programmes actuels d’éoliennes en mer est une partie de la solution, mais laissez, de grâce notre baie de Saint-Brieuc à l’écart, le paysage et les Saint-Jacques ne méritent pas ça.

php

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

L’ AGONIE D’ UNE ARMÉE, METZ – I870, JOURNAL DE GUERRE D’UN PORTE-ÉTENDARD DE L’ ARMÉE DU RHIN, ÉPISODE XXX

  Précédemment     Non, Bazaine n'agit point ainsi; il avait hâte d'en finir, et, le premier de tous, le 29 octobre, a-t-on affirmé,...