Eoliennes entre Yeu et Noirmoutier : y-a-t-il eu corruption ?


Depuis de nombreuses années, la corruption et les prises illégales d’intérêt dans l’éolien terrestre sont dénoncées par les écologistes protecteurs de l’environnement et des paysages.

En 2014, le Service Central de Prévention de la corruption (SCPC) du Ministère de la Justice, remplacé aujourd’hui par l’Agence Française Anticorruption (AFA), avait alerté dans son rapport d’activité sur l’essor très important des prises illégales d’intérêt dans l’éolien. Un grand nombre de condamnations d’élus sont, d’ailleurs, aujourd’hui recensées. Puisque l’éolien terrestre fait l’objet d’une acceptabilité sociale très faible, le plus simple pour les porteurs de projet éolien est de proposer aux élus d’installer les éoliennes dans leur village sur leurs terres ou celles de leur famille.
A cet égard, on retiendra que ce scandale n’en finit pas de se développer. Le Tribunal correctionnel d’Arras vient de condamner le 28 novembre 2017 un maire, ayant mis des éoliennes sur ses terres, à 50.000 euros d’amende et le procureur de la République près le Tribunal Correctionnel de Laon vient de demander l’inéligibilité et la saisie des 130.400 euros déjà touchés par un élu d’un village qui avait installé les éoliennes sur ses terres.
L’éolien côtier ne connait pas le même mode d’absence de probité, voire de corruption. En effet, l’implantation des éoliennes étant réalisée dans les eaux territoriales, il n’y a pas d’élus concernés à titre personnel sur ses propres terres. Il est donc beaucoup plus difficile de dévoiler et de découvrir des faits potentiels d’atteinte à la probité, de favoritisme ou de corruption.
Cependant, en mai 2015, c’est Médiapart qui dévoile avoir découvert une potentielle première affaire de corruption dans l’éolien côtier dans le cadre du projet de centrale éolienne au large du Tréport porté par GDF-SUEZ, aujourd’hui ENGIE. Selon des documents réunis par Médiapart, GDF Suez (désormais baptisé Engie) aurait versé de copieux honoraires à un mandataire judiciaire pour obtenir son vote, lors d'un conseil d'administration décisif, dans le but de répondre au second appel d'offres de l'État sur l'éolien offshore. Selon le site d’investigation, une information judiciaire pour corruption active et abus de biens sociaux a été ouverte par le parquet de Montpellier. C’est dans ce contexte, pour le moins incroyable, que les défenseurs des Iles d’ Yeu et Noirmoutier, qui luttent contre l’implantation de 62 aérogénérateurs entre les deux iles, ont fait une découverte pour le moins saisissante.
En effet, ce projet de centrale éolienne constitue le projet jumeau de celui du Tréport et est également porté par un consortium intitulé EMYN, dont ENGIE est un actionnaire prédominant. Alors qu’en mai 2017, le consortium industriel a déposé auprès de la Préfecture de Vendée les demandes d’autorisation d’occupation du domaine public maritime, le préfet de Vendée annonce en novembre 2017 qu’il sera organisé aux mois d’avril et mai 2018 une enquête publique concernant ce projet pour recueillir l’avis des habitants.
Dans le cadre de cette enquête publique, la commune de Noirmoutier en l’Ile a été amenée, par une délibération du conseil municipal, à donner un avis sur ce projet. Lors du conseil municipal du 19 décembre 2017, ce dernier a clairement donné un avis favorable au projet au titre de la demande d’occupation du domaine public maritime présenté par le consortium porté par ENGIE. Là où le dossier devient pour le moins inquiétant c’est que quelques semaines auparavant, lors du conseil municipal du 12 septembre 2017, en pleine période d’étude du dossier par la préfecture et alors que le projet de parc éolien est au cœur de l’actualité, la commune de Noirmoutier a accepté de recevoir une somme de 2 000 euros au titre d’un partenariat lié à un festival de musique entre la commune de Noirmoutier et la société porteuse du projet éolien. Dans la délibération, il est mentionné que ce partenariat a été sollicité par la commune et que la société EMYN pouvait être présente sur les outils de communication.
Lors de ce conseil municipal de septembre 2017, alors qu’un élu d’opposition s’étonnait d’une telle pratique estimant : « que ce n’était pas une manière respectueuse de procéder, d’autant plus que le sujet des éoliennes étaient un sujet sensible », le maire de Noirmoutier en Ile, Monsieur Noël Faucher, par ailleurs docteur en droit, devait lui répondre ; « Il n’y a pas lieu de se draper dans sa dignité pour des choses si peu importante » (sic). Il est particulièrement choquant qu’une commune ose s’associer financièrement avec un promoteur éolien à l’égard duquel il devra, presque que concomitamment, donner un avis important et déterminant dans le cadre d’une enquête publique.
Alors que cette pratique est pour le moins extrêmement choquante, dans ce cadre, et à ce stade de la procédure, selon nos informations le collectif « Touche pas Nos iles » a décidé de déposer plainte auprès du procureur de la République contre X pour des faits potentiels de corruption active ou passive, ou trafic d’influence, et a demandé l’ouverture d’une enquête préliminaire afin d’enquêter sur les liens qui pourraient exister dans ce contexte entre certains élus et le promoteur éolien et les raisons qui ont amené les élus de Noirmoutier à accepter un tel partenariat à un tel moment de la procédure d’instruction du dossier. Est-ce l’arbre qui cache la forêt ?
Dans ce contexte, comment la mairie de Noirmoutier aujourd’hui contesté par les habitants de l’Ile qui refusent ce projet, pourra -t-elle être objective dans la mesure où elle reçoit des subsides du promoteur éolien ? C’est l’ensemble de l’enquête publique sur Noirmoutier qui, nous semble-t-il, est remise en cause par une telle pratique. Compte tenu de la gravité des faits dans un tel contexte, le préfet de Vendée a également été saisi de l’affaire ainsi que l’Agence Française Anticorruption.

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