Sébastien Lecornu : « Des contrats de transition écologique pour faire du sur-mesure »

Par Arnaud Garrigues Olivier Descamps

Commentaire : l'industrialisation de nos territoires ruraux est en marche forcée. Les exploitants agricoles, ex paysans, sont les premiers de cordée : éoliennes, méthanisation, solaire, etc. Demain, leur métier ne sera plus de nourrir la France ou si peu, mais industriels! M. Lecornu pire que Mme Royal!
Notre combat ne fait que commencer.

"Pardonne tes ennemis mais n'oublie jamais leur nom"
John F.Kennedy (1917-1963)
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secrétaire d'état à la transition écologique.  Patricia marais 
 
Ce jeudi 11 janvier, le premier contrat de transition écologique va être signé à Arras. A travers ce nouveau dispositif, c'est une nouvelle forme de relation que l'Etat va expérimenter avec les collectivités. Sébastien Lecornu, secrétaire d’ Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, en dresse les grandes lignes : impliquer les acteurs locaux afin d’élaborer un projet commun, puis de s’engager sur des objectifs. Il revient également sur les autres rendez-vous à venir, concernant les compétences eau et la loi Notre, l'éolien, la biomasse et le photovoltaïque.

Chiffres-clés
BIO EXPRESS
2014-2015 : Maire de Vernon (Eure).
2015-2017 : Président du conseil départemental de l'Eure.
Juin 2017 : Secrétaire d’ Etat auprès du ministre d’ Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire.

Au cours de l’année, près d’une quinzaine de sites devraient expérimenter les contrats de transition écologique (CTE). Cette nouvelle démarche sera testée aussi bien en milieu urbain que rural, en montagne comme sur le littoral ou en outre-mer. Les conclusions de ces premières expériences permettront ensuite d’ajuster leur cadre afin de l’étendre à une plus grande échelle. Dans cette interview exclusive accordée à « La Gazette », Sébastien Lecornu, secrétaire d’ Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire nous dévoile le cadre de ces contrats et le nom des premiers territoires signataires.

Pouvez-vous nous expliquer la doctrine retenue pour les contrats de transition écologique ?

C’est une démarche nouvelle qui repose sur un contrat. Elle est donc fondée sur un échange de droits et de devoirs entre l’Etat et les territoires. On se met d’accord sur un certain nombre d’actions, avec des objectifs à atteindre et des résultats quantifiables : tant de mètres carrés rénovés, des tonnes de gaz carbonique (CO2) évitées… Cette manière d’agir doit permettre de démontrer que les mutations nécessaires peuvent devenir source d’opportunités, d’emplois et d’activités durables pour un territoire.
Une chose est sûre : la logique des villes n’est pas celle de la montagne, du littoral ou de l’outre-mer. Nous devons donc sortir du raisonnement du « prêt-à-porter » et proposer du « sur-mesure ». Concrètement, cela implique d’abandonner la pratique des appels à projets. S’ils ont été très utiles, il faut maintenant aller plus loin. Il s’agit désormais d’écouter les projets des territoires et de faire de la co-construction. Ces contrats seront tous uniques, avec un fil conducteur que l’on retrouvera partout : la transition énergétique, ainsi que la protection de la biodiversité.
La logique des villes n’est pas celle de la montagne, du littoral ou de l’outre-mer. Nous devons donc sortir du raisonnement du « prêt-à-porter » et proposer du « sur-mesure »
A quelle maille territoriale seront-ils réalisés ?

Ce sera autant que possible celle de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). C’est l’entité la plus proche du territoire, qui peut être maître d’ouvrage en propre de certains projets, avec déjà de nombreux documents pour ce faire (Scot, PCAET, etc.). Sa taille est suffisante pour porter des investissements et être source de commande publique locale. Il y aura toujours une logique de souplesse et de liberté. Départements et régions seront donc invités à cosigner ces contrats, pour participer en ingénierie ou en financement dans le cadre de leurs compétences respectives.
Et au-delà des collectivités ?
Signer en 2018 un contrat sans prévoir de volet économique et social serait dépassé. Nous allons donc travailler avec les entreprises, les chambres consulaires, mais aussi les fédérations professionnelles, le monde syndical et les acteurs de la formation professionnelle. La transition écologique passe aussi par là. Elle sera porteuse d’emplois durables. D’ailleurs, cette dimension économique et sociale sera particulièrement prégnante dès lors qu’il y a un fort enjeu de reconversion de territoires, à commencer par ceux où sont situées les centrales à charbon.

Si les territoires s’engagent sur des résultats, que leur apportera l’Etat ?
Il faut sortir de la démarche qui oblige la collectivité à demander, ici, des subventions à l’Agence française de la biodiversité, là, une dotation de soutien à l’investissement public local auprès du préfet. Lorsqu’il existe un projet local, c’est à nous, Etat, dans le cadre de ces contrats, de savoir quels sont les crédits à mobiliser pour l’alimenter financièrement : c’est la logique de guichet unique qui prévaudra. Il faut par ailleurs sortir de la pratique de coup par coup. Les collectivités doivent pouvoir mobiliser les financements publics de façon pluriannuelle car elles ont besoin de visibilité. J’aimerais qu’on aille vers des contrats de trois ou quatre ans au moins. Et quand c’est signé, c’est signé. Les engagements tiendront dans la durée.

Lorsqu’il existe un projet local, c’est à nous, Etat, dans le cadre de ces contrats, de savoir quels sont les crédits à mobiliser pour l’alimenter financièrement : c’est la logique de guichet unique qui prévaudra.
Sur ce point, certaines collectivités sont inquiètes à propos du maintien des financements aux TEPCV (territoires à énergie positive pour la croissance verte). Que leur répondez-vous ?

Je comprends les inquiétudes, mais pas les gesticulations. Avec Nicolas Hulot (le ministre de la Transition écologique et solidaire, ndlr), nous avons dit que la parole de l’Etat serait tenue et elle le sera. Il faut en finir avec la question de ce financement. Quand nous sommes arrivés, nous avons constaté un écart de près de 350 millions d’euros entre les engagements de Mme Royal (ministre de l’Ecologie dans le précédent gouvernement, ndlr) – 750 millions –, et les crédits destinés à les financer, 400 millions. Nous avons donc dû éponger le déficit prévisionnel de 2018 avec une enveloppe supplémentaire de 75 millions et nous continuerons à rechercher les crédits nécessaires pour financer, les années suivantes, les besoins des projets qui font la preuve de leur démarrage effectif et de leur viabilité.
Je le rappelle, pour bénéficier des financements, les collectivités doivent avoir fait délibérer leur conseil et avoir commencé les travaux avant le 31 décembre 2017, comme le prévoient les conventions signées. L’Etat sera bienveillant pour juger les situations. Ainsi, un bon de commande ou des travaux en régie par l’employé municipal suffiront à déclarer des travaux commencés. Et si les collectivités ont signé une convention avant d’avoir fait délibérer leur conseil – parce que la ministre avait organisé la cérémonie de signature avant la réunion du conseil –, celle-ci sera considérée comme valable si la situation a été régularisée rapidement. Les dépenses inscrites dans les conventions pour l’année 2018 seront donc financées.
Je le rappelle, pour bénéficier des financements (dans le cadre de leur TEPCV, NDLR), les collectivités doivent avoir fait délibérer leur conseil et avoir commencé les travaux avant le 31 décembre 2017, comme le prévoient les conventions signées.

Revenons aux CTE. De quels moyens disposeront-ils ?
Au ministère, une équipe sera constituée à mes côtés avec un ingénieur et un membre du corps préfectoral. Son rôle sera de former avec les administrations locales de l’Etat une équipe commune qui accompagne la construction des contrats. La démarche pourra être interministérielle avec des dimensions industrielles, d’emploi ou de travail. Le préfet jouera son rôle de relais. L’équipe centrale construira les solutions inédites quand il faut aller vers de l’expérimentation, qu’elle soit technologique, organisationnelle ou normative.

Des moyens financiers sont-ils prévus pour les territoires, qui réclament notamment une part de la contribution climat-énergie ?

C’est une question ouverte pour l’année prochaine. La décision ne doit pas être prise dans la précipitation et doit être associée à quelques conditions, comme des obligations de résultats et pas seulement de moyens. Le climat ne doit pas être simplement un prétexte pour essayer d’augmenter sa dotation globale de fonctionnement. Mais l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique efficace de transition énergétique nécessitent une ingénierie et une animation particulières, notamment afin de mobiliser tous les acteurs économiques, y compris les ménages, et d’évaluer les résultats obtenus. Cela nécessite quelques moyens supplémentaires, à ne pas confondre avec les investissements dans les projets eux-mêmes, pour lesquels l’Etat apporte déjà des financements (fonds « chaleur », soutien à l’électricité renouvelable…).

Quelles sont les cibles prioritaires du dispositif des CTE ?
Nous allons les lancer progressivement, d’abord sur trois ou quatre territoires, et j’ai tenu à ce qu’ils soient assez différents. Je pense à un territoire rural : ce sera la Corrèze qui mène de front des projets porteurs en matière d’énergies renouvelables et de circuits courts. Le monde agricole y est bien connecté aux collectivités. Comme nous voulons innover, nous allons nous appuyer sur un assemblage de plusieurs EPCI avec le conseil départemental tenant lieu de pilote, car, historiquement, c’est lui qui porte la dynamique.
Le deuxième territoire sera celui de la communauté urbaine d’Arras. Il est intéressant car il porte les stigmates et les blessures de la deuxième révolution industrielle, reposant sur les énergies fossiles. Il existe une vraie volonté d’être un territoire-pilote en matière de transition énergétique dans le cadre de la dynamique régionale « rev3 » (troisième révolution industrielle, ndlr). Nous allons d’ailleurs travailler avec le vice-président de la région des Hauts-de-France. Dans ces premiers territoires, nous n’oublierons pas l’outre-mer. Ils seront annoncés prochainement…

Il n’y a donc pas pour le moment de territoire concerné par la fermeture d’une centrale à charbon ou d’une installation nucléaire, comme Fessenheim ?
Ces territoires seront évidemment concernés. Avec Fessenheim, on déborde des contrats de transition, ne serait-ce que par l’ampleur de l’enjeu ! Surtout, je ne veux pas que l’on donne l’impression que les contrats sont là uniquement pour compenser la fermeture de sites. Nous ne travaillons pas dans une logique de revitalisation, mais de transition. Pour ce qui est des centrales à charbon. Les territoires sont évidemment ciblés par ces contrats et nous commencerons prochainement les discussions localement. Toutefois, j’attends pour cela les conclusions de la mission d’inspection que les ministères de la Transition écologique et solidaire, de l’Economie et des finances, et du Travail ont lancée.
Surtout, je ne veux pas que l’on donne l’impression que les contrats sont là uniquement pour compenser la fermeture de sites. Nous ne travaillons pas dans une logique de revitalisation, mais de transition.

Quel est votre calendrier pour signer ces contrats ?
Les premiers seront signés au premier semestre. Mais nous allons apprendre tout en marchant. Là où il y a une volonté locale, pluridisciplinaire, « pluriacteur », cela ira vite. Là où plus de temps sera nécessaire, nous le prendrons. Nous avons besoin de tester notre capacité collective à être innovant. Si ça fonctionne bien, nous monterons de quatre à quinze ou vingt territoires dès 2018. Cela donnera une vue suffisamment panoramique pour se poser des questions sur la démultiplication du modèle.

En allant jusqu’à la généralisation ?

Pas sûr. On ne s’interdit rien. Mais il n’est pas certain que la généralisation soit compatible avec le « sur-mesure ». Il n’y aura pas d’obligation puisqu’un contrat se signe toujours sur la base du volontariat.

Les CTE seront-ils réservés aux collectivités qui ont terminé leur plan climat-air-énergie territorial ?
Ce ne doit pas être un préalable, mais c’est souhaitable. Tout simplement parce que ça veut dire qu’il existe déjà une réflexion territoriale, un diagnostic et des projets. Mais on ne va pas commencer à être rigide alors qu’on promeut la liberté et la souplesse. Nous n’allons pas non plus punir les territoires qui ont eu à gérer une fusion d’EPCI et qui n’ont pas réussi en même temps à réaliser ce document ou à fusionner les plans existants.

Concernant maintenant l’assouplissement du transfert des compétences eau et assainissement prévu par la loi Notre : quand est-ce qu’est programmée la proposition de loi correspondante ?
Le Président de la République a dit au Congrès des maires (le 23 novembre 2017, NDLR) qu’il donnera une souplesse sur le transfert des compétences eau et assainissement dans les communautés de communes : il sera possible d’y déroger dans certaines circonstances jusqu’en 2026 sur la base d’une minorité de blocage. Le débat sur la proposition de loi s’ouvrira à l’Assemblée Nationale fin janvier ; elle devrait s’appuyer sur les conclusions du groupe de travail initié par Jacqueline Gourault en novembre.
Le vrai problème, c’est l’état de fuites généralisées et de sous-investissement. Le Président de la République a annoncé des Assises de l’eau dont l’objectif sera de relancer les investissements. Elles seront organisées par le ministère de la Transition écologique et solidaire au premier semestre 2018. Les travaux porteront notamment sur le montage des projets, en développant l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour les collectivités rurales et en retravaillant sur le regroupement intercommunal quand il permet d’augmenter la capacité de faire. Ces réflexions sont aussi liées au projet du gouvernement de création d’une agence nationale de la cohésion des territoires. Un deuxième axe de travail sera le financement en impliquant les agences de l’eau, la Caisse des dépôts, les financeurs privés…

Vous avez lancé un groupe de travail sur l’éolien. Quels en sont les conclusions ou les principaux axes de travail ? Prévoyez-vous également de faire passer ces évolutions par une proposition de loi ?
L’éolien terrestre a vu ses coûts baisser sérieusement ces dernières années et sa performance augmenter. Il y a des filières industrielles françaises et européennes performantes et de très nombreux emplois à la clef. Le gouvernement fait le choix de développer toutes les formes d’énergies renouvelables (1) et nous avons commencé un travail très concret de simplification administrative pour les projets éoliens. En 2016, 1,5 GW d’éolien a été raccordé au réseau, soit la capacité d’une tranche nucléaire. Nous devons accélérer pour atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Le groupe de travail lancé en octobre rendra ses conclusions le 18 janvier. Il se penche aussi sur la question de la juste répartition de la fiscalité associée aux projets éoliens terrestres : ma volonté est que le maire qui signe ensuite les autorisations d’urbanisme soit intéressé pour sa commune par une part de fiscalité dans le projet. Les associations d’élus échangent sur ce sujet pour trouver la répartition de l’IFER (Imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux) la plus adéquate. Des mesures d’ordre législatif et réglementaire pourront être annoncées lors de la conclusion de ce groupe de travail.

Des groupes de travail vont être lancés sur le photovoltaïque et la méthanisation. Quel est le calendrier prévu et les axes de travail ?

Le groupe de travail sur la méthanisation est prioritaire car nous voulons démontrer que ces projets sont une chance pour la cohésion des territoires : ils stabilisent le revenu agricole, créent de l’emploi et permettent de verdir une partie du gaz que nous consommons jusque dans les villes. Nous rendrons donc les conclusions du groupe d’ici au Salon de l’agriculture (organisé du 24 février au 4 mars 2018, NDLR).
Le groupe de travail photovoltaïque travaillera sur le premier trimestre. Sur ces deux volets, comme sur l’éolien, nous souhaitons libérer le développement des énergies renouvelables afin que la programmation pluriannuelle de l’énergie que nous préparons cette année soit la plus sincère et la plus crédible possible.

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