Fessenheim : acharnement politico-médiapartique

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Gérard Petit

Fessenheim, deux réacteurs parmi les 58 que compte la flotte nucléaire nationale, certes les plus anciens, mais de quelques mois seulement, certes frontaliers, mais ils ne sont pas les seuls, alors pourquoi cet extraordinaire focus qui dure depuis cinq ans alors qu’aucun autre déterminant ne les désigne :

– pas la sûreté de conception, reconnue par l’ ASN, conforme aux canons les plus actuels, en particulier les normes post Fukushima,
– pas la sûreté d’exploitation classée dans le quartile supérieur dans les derniers exercices, toujours selon l’ ASN,
– pas l’efficacité économique, jugée parmi les meilleures en termes de disponibilité et de coûts d’exploitation.

Ce sont en réalité des otages politiciens (politique est un mot bien trop noble pour qualifier ces manœuvres néfastes), ce sont des symboles totalement fabriqués pour l’opinion, les premiers dominos à faire chuter dans une cascade qu’on voudrait délétère pour toute une filière.
Autrement dit, ces réacteurs qui ont toujours rempli leur cahier des charges et pourraient le faire encore pendant une décennie au moins, ont été choisis comme les premiers objectifs d’une blitzkrieg anti nucléaire, parce qu’en des temps favorables, il fallait attaquer au plus tôt et que les stratèges de la campagne pensaient, à tort, pour les fausses raisons précitées, si faciles à vendre, pouvoir les enlever sans coup férir.
Mais se battre contre les faits et la logique s’est révélé plus âpre que prévu.


Il est en effet difficile de décréter, du fait du prince, mal conseillé en la matière, qu’il est rationnel de fermer sans raison impérative, une installation industrielle génératrice fiable de courant, alimentant rationnellement toute une région, pourvoyeuse d’un grand nombre d’emplois qualifiés directs et indirects et présentant encore un fort potentiel technico-économique.

Une promesse, fut-elle celle d’un Président doté de pouvoirs très étendus, a besoin d’un substrat autre qu’une combine politicienne.
La longue saga indigeste, que cherche à relater Mediapart (Fessenheim, récit d’un arrêt raté par un pouvoir irrésolu. https://blogs.mediapart.fr/guillaume-blavette/blog/300816/fessenheim-recit-dun-arret-rate-par-un-pouvoir-irresolu) avec un éclairage qui fait porter toute l’inertie de l’affaire (comprendre sabotage) sur le torve lobby de l’atome, n’évoque pas un instant le caractère totalement artificiel, de cette focalisation.

L’objectif désigné n’est jamais discuté au fond, ni même en surface d’ailleurs, car considéré d’abord comme le commencement d’un grand nettoyage de la machinerie nucléaire (de la mine à CIGEO) et de ses miasmes.

Quand la dialectique est à la peine, l’outrance et les arguties sont en terrain propice, qu’on en juge, car selon l’article de Mediapart précité :
« La filière nucléaire est décidément un navire à la dérive dont personne n’ose prendre la barre. Aurait-on oublié qu’il fonce vers la catastrophe ? qu’à chaque instant les réacteurs déversent leurs poissons dans l’environnement au péril de la santé publique ?
Il est encore temps de réagir. L’arrêt immédiat de Fessenheim, des autres réacteurs, de l’ EPR, de Cigéo est possible si tant est que chacun se mobilise
».

Vient alors à l’esprit cette phrase de Churchill au lendemain de la victoire de Stalingrad : « ce n’est pas la fin, ce n’est même pas le commencement de la fin, mais c’est la fin du commencement » et pour les antinucléaires, la « victoire de Fessenheim » aurait clairement présenté les mêmes potentialités radicales que sa glorieuse devancière.
Contrairement à ce qui a été dit, ce n’est pas le pseudo lobby qui tient bon, il a su en d’autres temps se montrer souple, se croyant stratège en acceptant sans trop regimber l’arrêt de Superphénix, mais ce sont d’abord les personnels concernés, qui connaissent mieux que personne les machines qu’ils exploitent au quotidien, fruit d’une longue cohabitation avec des réacteurs qu’ils ont contribué à garder en ligne avec les exigences de sûreté et d’opérationnalité du jour.

Ils ne travaillent pas dans le cadre industriel crépusculaire que les media font imaginer, car tout au contraire, le « housekeeping » de ces installations complexes est remarquable.
Il a fallu aussi compter avec les collectivités et leurs élus qui cohabitent au long cours avec l’installation, aptes à mesurer sur le terrain les dommages que provoquerait cette fermeture inconséquente, mais aussi la vacuité des divers ersatz proposés.
Mais, même en cas d’alternance présidentielle et législative, le soldat Fessenheim ne serait pas sauvé pour autant. La présente mandature aura réussi -in extremis- à miner le terrain en prenant les décrets d’arrêt. Et même si les réacteurs seront encore en fonctionnement au moment d’une éventuelle bascule politique, revenir sur ces actes pourrait demander une nouvelle enquête publique, terrain propice à voir refleurir les pires avanies contre l’atome…et le courage politique se verrait alors vertement challengé par la pusillanimité.

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