Ouf ! Les climato-réalistes ne sont pas complotistes

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Par Benoît Rittaud


By: frankieleon - CC BY 2.0

Le climato-réalisme n’est pas une pensée complotiste, et une lecture détaillée de la dernière étude en vogue sur les théories du complot le confirme.

Les médias se sont assez largement faits l’écho d’une enquête de l’IFOP commandée par la Fondation Jean Jaurès sur le conspirationnisme dans l’opinion publique française. La partie concernant le climato-réalisme m’apparaît comme très encourageante, à condition de lire l’étude elle-même plutôt que de s’arrêter à ce qui en a été rapporté ici ou là.

Cette enquête ne s’intéresse au climato-réalisme que de manière incidente, l’essentiel de son contenu et des commentaires qui l’ont accompagnée se focalisant plutôt sur la diffusion des théories du complot telles que celles sur les attentats du 11 septembre 2001, sur l’immigration et sur les médias.
En découvrant que le climato-réalisme était associé à une théorie du complot, mon premier réflexe a été de m’énerver. Il devrait être évident pour tout le monde que ne pas adhérer à une opinion scientifique dominante n’est pas la même chose que de supposer l’existence d’un complot !
Il y a quand même une différence facile à voir entre le climato-réalisme et le fait de nier la réalité des missions Apollo, par exemple, qui ne peut se faire qu’en supposant une conspiration de la NASA.
De même, le créationnisme ou la théorie de la Terre plate, si fausses que soient ces idées, ne relèvent pas du complotisme. La Fondation Jean Jaurès a donc rangé sous le vocable fourre-tout de « complotisme » toute contestation d’une pensée dominante, c’est là une erreur méthodologique coupable.

Une étude riche d’enseignements
À la lecture aussi bien de l’analyse des résultats que des données elles-mêmes obtenues par l’IFOP, il apparaît toutefois que, bien que l’on ne puisse se défaire de ce sentiment que l’objectif était surtout de défendre l’opinion conforme contre les vilains alter-pensants, l’étude produite est riche d’enseignements. Cerise sur le gâteau, ceux-ci sont tout à fait à l’avantage des climato-réalistes. S’agissant du climat, la question posée était : « À propos du réchauffement climatique, avec laquelle des opinions suivantes êtes-vous le plus d’accord ? » Les réponses possibles étaient les suivantes :
  • Il est certain que c’est un problème causé principalement par l’activité humaine.
  • On ne sait pas encore clairement si le réchauffement climatique provient de l’activité humaine ou des rayonnements solaires.
  • On n’est même pas encore sûr que le climat se réchauffe.
  • Le réchauffement climatique n’existe pas, c’est une thèse avant tout défendue par des politiques et des scientifiques pour faire avancer leurs intérêts.

Des réponses parfois contestables
Évidemment, la pertinence de ces propositions de réponses est pour le moins contestable :
  • La mention d’un « problème » dans la première réponse n’a pas lieu d’être.
  • La deuxième réponse suppose que seuls les « rayonnements solaires » peuvent servir d’explication alternative. (Il convient par ailleurs de supposer que les sondeurs ont ici fait une improbable « synthèse » entre l’activité solaire et les rayonnements cosmiques…)
  • La troisième réponse fait l’impasse sur les échelles de temps : sur un siècle il y a réchauffement, sur quinze ans il n’y en a pas – ou peu –, et sur deux ans il y en a eu un (à cause d’El Niño).
  • La quatrième réponse ignore qu’on pourrait imaginer un complot qui se grefferait sur un réchauffement réel et accepté. Surtout, elle met en réalité en scène un opportunisme et une convergence objective d’intérêts, qui n’implique nulle conspiration des acteurs. L’analyste de la Fondation Jean Jaurès parle pourtant, au sujet de cette réponse, de « théorie du complot au sens fort du terme », ce qui est manifestement abusif. On peut penser que si la formulation avait explicitement mentionné une « conspiration des politiques et des scientifiques », le score de cette réponse aurait été inférieur.
Passons.

31% de climato-réalistes
Il est raisonnable d’estimer que la position carbocentriste correspond à la première réponse, la position climato-réaliste aux deuxième et troisième réponses, et la position complotiste à la quatrième réponse (plus exactement, donc : les complotistes ont sans doute choisi cette réponse, sans que tous ceux qui ont choisi cette réponse soient des complotistes ; vu le score de la réponse, on pourra heureusement ignorer ce problème dans la suite). Sur l’ensemble des Français, le carbocentrisme obtient alors le score de 65%, ses opposants climato-réalistes 31% (=25%+6%), et les complotistes 4%.
Ainsi donc, 35% des Français résistent encore et toujours au matraquage carbocentriste quotidien. C’est là un excellent score, qui confirme la capacité de réflexion autonome de nos concitoyens et montre que le climato-réalisme dispose d’un très grand potentiel dans l’opinion.

Mieux : avec seulement 4%, le complotisme climatique n’est qu’anecdotique, ce qui démontre de façon éclatante que les opposants au carbocentrisme sont dans leur grande majorité des personnes raisonnables. 

La propagande carbocentriste ne marche pas
Il y a davantage : les chiffres de cette enquête sont extrêmement proches de ceux d’une enquête du ministère du Développement durable publiée en août 2013, qui proposait aux sondés des réponses très voisines (la principale différence résidait dans la quatrième réponse, qui proposait « sans opinion » au lieu d’une réponse complotiste). Les résultats de cette étude étaient : 61% de carbocentristes, 35% de climato-réalistes (22% doutant de l’origine du réchauffement, 13% doutant du réchauffement lui-même), 4% de sans opinion.

Les lignes n’ont donc guère bougé : malgré la COP21, les Make our planet great again et autres One planet summit, un Français sur trois ne marche pas dans la théorie du GIEC.

Les efforts de communication du carbocentrisme ne parviennent donc nullement à accroître son niveau d’adhésion. Tout juste réussit-il à le maintenir, à un niveau certes élevé mais non hégémonique. Si les climato-réalistes désormais unis poursuivent leur travail commencé en 2015, alors le carbocentrisme semble programmé pour reculer, de manière presque mécanique.

Différents types de climato-réalistes
Dans le détail, il ne semble pas y avoir de climato-réaliste type. Il y a des différences, bien sûr, mais on est loin d’un partage binaire entre catégories de populations. Les deux distinctions les plus manifestes se font par l’âge et les opinions politiques :
  • les personnes plus âgées sont davantage climato-réalistes que les plus jeunes (un retraité sur 2, un jeune sur 4). Côté pile, on doit peut-être y voir les effets du matraquage éducatif. Côté face, on peut espérer que les effets s’en dissipent avec le temps (mais ce n’est là qu’un espoir gratuit, les retraités d’aujourd’hui n’ayant pas subi l’enseignement du réchauffement climatique à l’école).
  • On est davantage climato-réaliste à droite de l’échiquier politique qu’à gauche. Notons cependant que même à Europe-Écologie-Les-Verts les climato-réalistes obtiennent 17% des suffrages, ce qui n’est pas rien !
Difficile de tracer d’autres lignes de démarcation nettes. Par exemple, si les cadres et professions intellectuelles supérieures sont davantage carbocentristes que la moyenne, la différence n’est pas écrasante (73% contre 65%). Pour ce qui est du niveau d’étude, les étudiants se montrent les plus carbocentristes (74%) et les sans diplôme le moins (58%), mais en-dehors de ces deux extrêmes, le niveau d’éducation ne joue pour ainsi dire aucun rôle dans l’adhésion aux thèses du GIEC : du CAP au diplômé de 3e cycle universitaire, le carbocentrisme ne s’éloigne pas de sa moyenne. Cela tend à renforcer la suggestion avancée plus haut : les effets du matraquage éducatif n’ont qu’un temps.

Le climato-réalisme n’est donc nullement une pensée complotiste, et il n’est pas non plus niché dans tel ou tel segment de la population qu’il serait aisé de stigmatiser, genre : « que des vieux », « que des réacs », « que des ignares », « que des complotistes », « que des mâles dominants »… (liste de clichés non limitative). L’esprit critique n’est pas l’apanage de tel ou tel segment de la population : ce n’est pas une surprise, mais ça se confirme, et ça fait du bien.

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