Angela Merkel et Martin Schulz enterrent les objectifs climatiques

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 Christophe Bourdoiseau
10/01/2018

Allemagne La protection de l’environnement est la première victime des négociations pour la formation d’une nouvelle «grande coalition».



La destruction, mardi, de cette ancienne église d’ Immerath, en Westphalie du Nord, symbolise à merveille ce qui se passe en Allemagne: elle va céder la place à la mine de lignite voisine qui va s’agrandir.
Image: Keystone


Les négociations entre Angela Merkel et Martin Schulz pour la formation d’une «grosse Koalition» à Berlin étaient censées se tenir cette semaine à huis clos. C’est raté! Les pourparlers à peine engagés, la presse a déjà eu copie de certains textes rédigés par le Parti chrétien-démocrate (CDU) et le Parti social-démocrate (SPD), notamment sur la politique énergétique.
Les deux grandes formations politiques allemandes se seraient notamment mises d’accord pour reconnaître que les objectifs de réduire les émissions de CO2 de 40% par rapport à 1990 étaient irréalisables pour 2020. Cette «grande coalition» – si elle voit le jour – s’est accordée sur un nouvel objectif: une réduction de 55% en 2030. Pour les experts environnementaux, c’est un énorme aveu d’échec. «Angela Merkel et Martin Schulz avaient promis de maintenir les objectifs pendant la campagne, rappelle Hubert Weiger, président de l’Union pour l’environnement et la protection de la nature en Allemagne (Bund). Ils ont tout simplement cédé à la pression des groupes énergétiques et au lobby du charbon.» «C’est faux de dire que les objectifs ne pourront pas être tenus. Il suffirait de fermer immédiatement toutes les centrales obsolètes», estime Claudia Kemfert, experte en énergie à l’Institut de recherches économiques de Berlin (DIW). «Ce qu’il faudrait, c’est du courage politique», ajoute Tobias Austrup, de Greenpeace.



Un échec qui remonte loin
«L’abandon des objectifs est en réalité le résultat d’un échec d’une politique environnementale qui remonte à plusieurs années», explique Annalena Baerbock, experte des questions environnementales des écologistes et candidate à la présidence de son parti (Die Grünen). «On a attendu beaucoup trop longtemps pour mettre en place un calendrier de sortie du charbon», confirme Claudia Kemfert. Depuis 2005, Angela Merkel a gouverné déjà deux fois avec des sociaux-démocrates qui ont toujours freiné sur ce dossier pour des questions électorales.
Lorsque Merkel avait négocié avec les écologistes en décembre pour la formation d’un gouvernement (qui a échoué), elle était prête à accepter la fermeture immédiate de la moitié des centrales pour atteindre l’objectif de 2020. Cette fois, la chancelière n’a plus la même marge de manœuvre avec le SPD. Les sociaux-démocrates se sont toujours opposés à une sortie trop brutale du charbon sous prétexte qu’elle menaçait des milliers d’emplois dans les grandes régions productrices (Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans le Brandebourg, la Saxe et la Saxe-Anhalt), des Länder très à gauche. Une sortie «soft» est évidemment aussi celle de leurs alliés traditionnels, les syndicats, favorables à une transition énergétique sans casse sociale.
Si le charbon représente encore plus de 40% de la production d’électricité du pays, l’Allemagne n’est pas pour autant menacée de black-out. En forçant le développement de l’énergie renouvelable, l’Allemagne a même réussi à se retrouver en état de surproduction.

La force des lobbies
«Nous n’avons jamais exporté autant d’énergie», assure Claudia Kemfert. «L’abandon des objectifs serait un désastre pour le climat», prévient l’experte du DIW. «Pour un pays qui s’est toujours présenté dans les conférences internationales comme un élève modèle en matière d’environnement, ce serait un très mauvais signal de céder au lobby du charbon», dit-elle. Par ailleurs, Merkel et Schulz assurent que les accords de Paris et les objectifs européens «ne seront pas remis en cause». Une affirmation que les experts réfutent: «Les accords de Paris ne pourront évidemment pas être atteints si l’Allemagne ne remplit pas ses propres objectifs», tranche Claudia Kemfert.

«Il est également temps d’engager un virage dans la politique des transports», ajoute l’experte. Or, si l’on en croit les informations de l’hebdomadaire Der Spiegel, les négociateurs ont également rejeté la fixation d’une date pour l’abandon du moteur à combustion. Les négociateurs de la «grande coalition» n’auraient même pas évoqué un abandon de principe du diesel et de l’essence.
D’autres pays, comme la France, ont déjà annoncé leurs intentions d’en sortir définitivement. Là encore, le lobby de l’automobile, comme celui du charbon, a montré son pouvoir d’influence. C’est une industrie puissante en Allemagne qui représente 800 000 emplois et un cinquième des exportations allemandes. Or, la moindre décision dans ce domaine constitue toujours un risque électoral.

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