La France a accueilli 84 millions de visiteurs l'an dernier.
L’Europe en est encore le gisement
essentiel avec 36 % du total devant les Amériques (26%) et l’Asie (30
%). Les ressources du tourisme sont passées de 495 milliards en 2000 à
1220 milliards, et même 1450 milliards avec le transport aérien. Le
taux de croissance de plus de 4 % par an ne faiblit pas.
La
France semble caracoler en tête avec un rythme annuel de 84 millions
de visiteurs, malgré les attentats. Et pourtant ce bilan est en trompe
l’œil, alarmant. Il souligne une contreperformance étonnante. Parmi les
dix pays les plus touristiques, la France est le seul pays à ne pas
maintenir son rang entre nombre de visiteurs et revenus du tourisme.
La Thaïlande, neuvième pays touristique
mondial, tire autant de revenus du tourisme que la France avec 2.5 fois
moins de visiteurs, soit 44 milliards € (chiffres Organisation mondiale
du Tourisme juillet 2017). Avec un nombre équivalent de visiteurs, les
USA encaissent 4 fois plus de revenus touristiques. La Chine , l’Espagne
ou l’Italie font aussi bien que la France en revenus touristiques, mais
en accueillant deux fois moins de visiteurs.
Le
tourisme français est en trompe l’œil, ses performances décevantes et
même médiocres, son modèle en profond déclin, sa stratégie des plus
ringardes. L’image française du bien-vivre stagne en milieu de peloton
dans les enquêtes mondiales de l’OCDE, loin derrière les USA, la
Norvège, l’Australie, le Canada ou l’Islande.
Des pans entiers du modèle
français du tourisme se disloquent. De l’aveu même du SNRT, le secteur
des résidences touristiques est en crise profonde. Club Med, Pierre
& Vacances, Odalys sont désormais sous contrôle chinois et
restructurés. La rente de situation s'est effondrée, les
marchés sont exsangues, les marges proches de zéro. Les propriétaires et
les investisseurs sont excédés. Les produits ne sont plus en phase avec
les besoins de la clientèle internationale. Leur qualité est dégradée
et leurs frais de gestion non compétitifs. La manne fiscale a disparu,
celle qui avait permis à Bernard Arnault de faire ses débuts à Ferinel.
Ce secteur reste marginal face à la puissance d’ Expedia et de ses
filiales comme Homeaway , 88 milliards, 2 millions de sites, ou
confronté à l’explosion Airbnb qui contrôle 50 000 appartements à Paris.
La tentation jacobine de
concentrer le tourisme sur Paris ne permet pas d’obtenir un revenu
satisfaisant. Ce modèle est calé sur des clichés obsolètes, de plus en
plus décalés avec les goûts de la clientèle internationale, dans un
cercle rétréci. Paris est perçue comme une ville sale, au
charme désuet et défraichi, avec des prestations d'accueil de deuxième
rang, tout juste masquées par des liftings éphémères et superficiels.
L’aéroport de Roissy est noté l’un des pires aéroports, relégué au 32ème
rang, avec une note de 3/10, par Skytrax, ou encore bien plus bas par
Priceonomics. Les agressions de touristes sont désormais quotidiennes.
Même certains palaces parisiens "étoilés" sont éreintés par la critique
gastronomique internationale, endormis sur les lauriers d'un autre âge.
Les autres régions françaises
correspondent aux nouvelles tendances de la clientèle internationale, en
matière de développement durable. Ces nouvelles tendances sont
génératrices de fidélisation et créatrices d’emplois locaux. Malgré les
apparences et les faux semblants du luxe, les chiffres Insee DGCIS
montrent que les dépenses touristiques locales, avec les achats, sont
plus faibles à Paris. Elles sont inférieures de 25% à 40% aux cinq
premières autres régions françaises, gonflées artificiellement par le
poste transport non urbain, et les frais d'intermédiaires. La
région parisienne a la plus faible valeur ajoutée d’hébergement
touristique alors que la plupart des flux touristiques y sont orientés.
Contre tout développement durable, le
mitage de l’Aubrac, des côtes bretonnes ou de la vallée de la Loire par
des éoliennes massacre de plus en plus de sites dont l’attrait pour la
clientèle mondiale est majeur. Une étude des hébergeurs d’Indre et Loire
démontre que de telles implantations diminuent la fréquentation
touristique de 50 % jusqu’à 9 km...! On ne vient pas de Chine
pour admirer une éolienne face à Cheverny ou Chambord, dans la baie du
Mont Saint Michel, vers la cathédrale du Puy en Velay, ou le joyau roman
de Chatel Montagne. Certains sites californiens ou Hawaï ont été
dévastés de la même manière avec une chute drastique de la
fréquentation.
Dernière inquiétude : la venue des Jeux
Olympiques à Paris risque d’enterrer définitivement le modèle
touristique français. Le devenir et l’expérience de villes comme Rio de
Janeiro, Athènes, Sarajevo, Grenoble Saint Nizier, laissent des
expériences amères chez les populations locales à prix d’or. Rio
de Janeiro est plongée dans la faillite, les émeutes permanentes, la
guerre des gangs. Le tourisme s’y est totalement effondré, taux de
remplissage tombé à 30%. Le taux de chômage, déjà élevé avant les JO, a
doublé. On imagine l’Essonne, la Seine Saint Denis ou le Val de Marne
dans cette situation.
Il est désormais urgent que le modèle
touristique français se redéploie sur l’ensemble du territoire, en
s’inspirant des principes du tourisme durable, opportunité et nécessité.
Le prix européen du tourisme durable a récemment été attribué au
Portugal . Depuis dix ans, la France n'a pu accéder aux récompenses
européennes des sites touristiques d'excellence EDEN que grâce à
Tournus, au Morvan, au Jura, au Poitou, et même à ...Roubaix !...Le
leader international de la réservation hôtelière Booking n'est pas à
Paris mais à Tourcoing avec plus de 600 emplois. Le Bocuse d'Or
accueille le monde entier à Lyon. Faute de redéploiement régional
réaliste, il est probable que la fréquentation touristique en France se
dégradera rapidement vers des pertes importantes en qualité et en
quantité de clientèle.
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