par Louis Marin
En 2016, l'éolien a produit 3,9 % de l'électricité française.
C’est un sujet occulté, caché et presque tabou qui commence enfin à émerger doucement mais sûrement. Et qui pourrait se transformer en énorme scandale d’État si rien n’est fait pour y remédier.
C’est un sujet occulté, caché et presque tabou qui commence enfin à émerger doucement mais sûrement. Et qui pourrait se transformer en énorme scandale d’État si rien n’est fait pour y remédier.
Le président Emmanuel Macron et son
ministre de l’Écologie Nicolas Hulot s’apprêtent à mettre en œuvre la
construction des sept centrales éoliennes offshore initiées par Nicolas
Sarkozy et François Hollande, projets qui constitueraient la plus grande
extorsion de fonds jamais connue en France au détriment des
contribuables et consommateurs de l’électricité.
Les chiffres sont désormais connus, et
le Figaro, dans un article de Luc-Antoine Lenoir au titre évocateur,
« Éoliennes en mer : des 2CV au prix de Rolls-Royce », avait dévoilé le
scoop du prix de rachat de l’électricité aux différents promoteurs de
centrales éoliennes offshore pour un montant colossal de 221 euros le
mégawattheure, information jusque-là non contestée.
Là où le bât blesse, c’est que
ce chiffre qui a été fixé il y a moins d’une dizaine d’année ne
correspond plus du tout au tarif de rachat actuel de l’électricité et
même de l’éolien en mer. C’est ainsi qu’un consortium mené par
ENGIE vient juste de gagner un appel d’offres en Grande-Bretagne pour
seulement 63 euros le méga-wattheure (source Monde de l’Énergie), à
comparer aux 221 euros le mégawattheure que le consortium également mené
par ENGIE aurait obtenu pour la centrale éolienne entre Yeu et
Noirmoutier, soit 3 à 4 fois le tarif du marché de l’électricité. Sans
compter que les prix de l’électricité sont aujourd’hui orientés à la
baisse avec des prix atteignant 40 à 50 euros le mégawattheure y compris
dans les énergies renouvelables.
En
prenant simplement la centrale éolienne entre Yeu et Noirmoutier, le
consortium industriel prévoit un investissement de 2 milliards d’euros
en intégrant les difficultés techniques avec une production
prévisionnelle de 1 900 gigawattheure. Si on multiplie 221 euros ×
1 900 000 mégawattheures, la centrale éolienne en question devrait
rapporter 420 millions d’euros par an. Cette centrale serait donc
amortie en un peu plus de 4 ans avec une énorme rentabilité à deux
chiffres. Le surcoût pour cette seule centrale éolienne serait de
l’ordre de 300 millions d’euros par an directement payés par le
consommateur et le contribuable.
Si on multiplie ce chiffre par 7
(les 7 autres centrales éoliennes côtières ont des caractéristiques
sensiblement identiques), on obtient un surcoût de l’électricité de
2 milliards d’euros par an. Si on additionne les 25 années de
concession, cela fait un surcoût de 50 milliards d’euros, et si on
ajoute les 15 ans de concession supplémentaires, cela revient à
80 milliards d’euros.... Une somme gigantesque pesant directement sur
les Français au profit exclusif des actionnaires des consortiums
industriels et financiers. Là il ne s’agit plus d’écologie mais d’un
hold-up à très grand échelle et en bande organisée.
Ce chiffre gigantesque est très loin
d’être farfelu et a été confirmé tout récemment par un ancien proche
collaborateur du ministre Christine Lagarde, Benjamin Frémaux, dans un
article des Échos du 5 février intitulé « Le coût exorbitant de l'éolien
offshore français » et qui fixe – en utilisant des chiffres à minima
selon l’auteur – à 30 milliards d’euros sur 20 ans le montant de la
subvention ainsi versée aux consortium industriels en se basant sur des
chiffres estimés de 180 à 200 euros le mégawattheure.
Le chiffre de cet ancien polytechnicien
se rapproche sensiblement de notre calcul et reste tout simplement
considérable, car il ne tient pas compte de toutes les subventions qui
ont été accordées pour faire évoluer les infrastructures logistiques. Là
où le dossier devient particulièrement gênant pour le gouvernement,
c’est que ce tarif de rachat sur-subventionné avait été fixé à un montant
élevé afin de mettre en place une filière industrielle française de
l’éolien en mer. Or, suite aux
grands mouvements capitalistiques dans l’industrie française, les
éoliennes prévues pour les centrales éoliennes offshore françaises ne
sont... même plus françaises.
C’est l’article de Dominique Pialot dans
la Tribune du 28 février intitulé « Éolien offshore à la croisée des
chemins » qui souligne ce paradoxe, rappelant que le tarif de rachat
prenait en compte la création d’une filière industrielle française. Le
journaliste souligne que « cette politique n’avait pas eu l’effet
escompté ». La France se contentant de récupérer simplement une chaîne
de production de la même manière que certains fabricants automobiles ont
délocalisé la fabrication de certaines de leurs voitures en Roumanie.
Dans le dossier des éoliennes en mer la France deviendra juste la
Roumanie de la fabrication des éoliennes allemandes.
Aussi, plus rien ne justifie de
surpayer de 50 à 80 milliards d’euros pour la création en France de
quelques chaînes de production d’éoliennes qui seront vite fermées
lorsque les parcs français seront créés. A ce rythme, la France
ne créera en aucun cas de filières industrielles éoliennes. Qu’est-ce
qui justifie alors que la France paie son électricité 5 fois plus cher
que le marché habituel ?
Cette problématique commence enfin à
émerger politiquement. le 13 février, le député Julien Aubert a posé une
question écrite (no 5074) à l’Assemblée nationale à Bruno Le Maire,
ministre de l’Économie et des Finances, en l’alertant sur « les raisons
qui justifieraient de payer 4 à 5 fois le prix habituel de l’électricité
avec une technologie considérée aujourd’hui comme obsolète ». Il lui
demande d’ailleurs de mettre en œuvre un moratoire sur ce thème.
Dans un article du Monde du 1er mars
intitulé « L’éolien offshore peine à décoller en France », le
journaliste Nabil Wakim pointe du doigt toutes ces problématiques et
nous informe sur le fait que « le gouvernement réfléchit à revenir sur
les conditions tarifaires de ces marchés, pour négocier des prix plus
conformes à la situation actuelle, beaucoup plus bas ». Il ajoute :
« Une épreuve de force pourrait s’engager entre l’État et les
industriels au risque de retarder encore la mise en place de parcs
éoliens au large des côtes françaises. »
Cette information précieuse du
journaliste du Monde montre que le sujet commence enfin à inquiéter le
gouvernement. Il va sans dire que l’obsolescence de la technologie
envisagée pour les sept centrales éoliennes offshore sur les côtes
françaises cumulée à un prix hors de proportion devrait inciter le
président Macron et son gouvernement à mettre en œuvre d’urgence un
moratoire et à faire table rase de ces différents dossiers pour
envisager enfin des alternatives crédibles, comme l’éolien flottant à
50 kilomètres des côtes.
php
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