En dehors du bâtiment, la finance climat française peine à décoller

EurActiv.fr
Aline Robert
13 nov 2015 



L'efficacité énergétique des bâtiments concentre une part importante de la finance climat


Le financement de la transition énergétique, soit 36 milliards d'euros en 2013, repose pour moitié sur le bâtiment. Dans le même temps, 54 milliards d'euros sont dépensés chaque année pour acheter gaz et pétrole.


C’est un audit d’un nouveau genre que le think-tank I4CE, ou Institute for Climate Economics, l'ex-équipe de recherche de CDC Climat, propose sur la finance climat. En compilant un maximum d’investissements bénéfiques contre l’effet de serre, l’équipe d’I4CE a tenté d’évaluer les montants aujourd’hui consacrés à la lutte contre le réchauffement climatique, en France.

Le résultat, soit 36 milliards d’euros en 2013, représente environ 10 % du total des investissements dans le bâtiment et l’industrie, soit une très faible proportion. Un montant à comparer avec ce qu’il se passe en Allemagne notamment.

>>Lire : Désaccords en Allemagne sur les coûts de la transition énergétique

« On est à peu près sur les mêmes ordres de grandeur, mais les transitions énergétiques des pays sont très différentes en raison des situations de départ ; en Allemagne, des financements importants ont du être fait sur le réseau pour accueillir les énergies renouvelables par exemple» assure Romain Morel , du programme Finance, Investissement et climat d’I4CE.

>>Lire : Le financement de la transition énergétique peine à décoller

En 2010, la Caisse des dépôts allemande, la KfW, avait effectué le même type d’analyse, hors transport, et avait abouti à un chiffre proche.

Les 36 milliards d’euros consacrés par la France à construire des éoliennes et isoler les toitures doivent être mis en regard de sa facture énergétique salée: L’Hexagone achète pour 54 milliards d’euros de gaz et de pétrole chaque année.

Des investissements insuffisants pour atteindre les objectifs climat

Selon les estimations de la Stratégie Nationale Bas Carbone définie dans la loi de transition énergétique, les objectifs nationaux sont nettement plus élevés. Soit 10 à 15 milliards d’euros en plus par rapport à ce qui se fait actuellement dans le bâtiment et les énergies renouvelables par exemple.

De l’aveu même des auteurs, ces chiffres sont toutefois à prendre avec des pincettes, tant leur signification peut être trompeuse. Un investissement qui progresse n’est pas forcément une bonne nouvelle: Ce peut être un chantier qui dérape, comme celui de l’EPR de Flamanville en France. À l’inverse, un chiffre qui fléchit peut refléter une baisse des coûts d’investissement, ou un recul de l’effort d’investissement: C’est le cas du photovoltaïque en France, qui a vu ses subventions divisées par deux en 2011, et se développe plus lentement depuis même si le prix des panneaux photovoltaïques a aussi beaucoup baissé.

Le constat relativise aussi l’importance symbolique attachée par les pays du Sud aux 100 milliards d’euros de financement annuels

Les ménages, premiers investissements du climat en France

Premier enseignement de cette étude, les ménages français s’avèrent les premiers financeurs des investissements climatiques. Certes, cet état de fait découle d’avantages type crédit d’impôt ou facilité d’emprunt des banques. Au final, 51 % des investissements ont un lien avec une décision étatique à un moment ou à un autre. Mais les investissements en faveur de l’efficacité énergétique des bâtiments représentent le premier poste de la finance climat en France, avec 18 milliards d’euros consacrés chaque année au remplacement de fenêtres, à l’isolation thermique des maisons ou à des équipements de chauffage moins émetteurs de CO2.

Le train grand gagnant dans les transports

Le secteur des transports représente le second secteur d’investissement, avec 12 milliards d’euros investis. Les véhicules bas carbone représentent une partie infime du total : 250 millions d’euros sur un total de 12 milliards d’euros ; mais la croissance des investissements est très importante. En matière de transport, ce sont les investissements publics qui priment, avec le transport urbain et ferroviaire, ainsi que le transport fluvial.

Le nucléaire, premier investissement énergétique « en faveur du climat »

L’investissement dans l’EPR est comptabilisé par I4CE dans les investissements en faveur du climat. Or il représente le premier poste d’investissement dans de nouvelles sources d’énergie en France, avec 1,3 milliard d’euros investis en 2013, contre seulement 0,8 milliard pour l’éolien, 0,5 milliard pour le photovoltaïque et 0,2 milliard pour la biomasse.

>>Lire : La transition énergétique française veut répondre aux objectifs européens en s'appuyant sur le nucléaire

Et la part du nucléaire est appelée à grimper sur le total des financements qu'I4CE regroupe sous le vocable «en faveur du climat». En effet, outre l’EPR dont le chantier ne devrait pas se terminer avant 2020, les investissements pour rénover les réacteurs, dans le cadre du « grand carénage » destiné à allonger la durée de vie des centrales, sera inclus dans les années qui viennent au sein de la finance climatique.

L'industrie à la traîne

Dans l’industrie, force est de constater que les investissements en faveur du climat sont faibles. Reflet de la faible efficacité du marché du carbone européen, qui indique un prix de la tonne de CO2 peu dissuasif, l’effort de l’industrie s’avère faible: Il ne représente que 5 % du total des investissements pour le climat. Soit 1,8 milliard d’euros en 2013, dont la majeure partie concerne des dépenses d’efficacité énergétique.

Autre parent pauvre des finances climat, l’agriculture et la forêt qui ne brillent pas par leur implication, alors même qu’elles représentent 21 % des émissions de gaz à effet de serre.

Sur le secteur agricole, les seuls investissements significatifs sont ceux effectués dans l’énergie, notamment dans le photovoltaïque.

À quelques semaines de la COP 21, la définition même de la « finance climat » fait encore débat. Ne serait-ce qu’entre la France et l’Allemagne, les méthodes s’avèrent différentes. D’où la complexité d’obtenir une définition précise pour les 100 milliards d’euros promis par le Nord au Sud notamment au travers du Fonds Vert.

>>Lire : Le greenwashing menace la finance climat et la COP21



CONTEXTE

La transition énergétique était un des sujets majeurs de la campagne présidentielle de François Hollande en 2012. La loi de transition énergétique est donc un des textes majeurs attendus sur le quinquennat. La France a aussi la responsabilité de donner l'exemple alors qu'elle organise la conférence de la COP 21, ou Paris Climat 2015, fin 2015 à Paris. Elle pousse le sujet climat au niveau européen, notamment grâce à son parc nucléaire qui lui permet d'émettre relativement peu de CO2 lors de la production d'électricité, contrairement aux pays dépendants du charbon comme le Danemark ou l'Allemagne. En revanche, l'efficacité énergétique est un point faible de l'Hexagone.



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