27 novembre 2017 
RTE : bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité 
En s’exclamant, le 8 novembre 2017,
 au Xème Forum de l’énergie tenu à Paris-Dauphine, « Avec les éoliennes 
marines, on est dans la panade, avec une charge de 40 milliards d’euros 
sur 20 ans ! »*, le nouveau président de la Commission de 
régulation de l’énergie (CRE) a reconnu une gigantesque gabegie. Mais 
les scénarios qui viennent d’être publiés par Réseau de transport de 
l‘électricité (RTE) dans son « Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande de l’électricité en France »
 continuent à ne pas dire un mot sur l’équation économique du problème. 
Comme si réorganiser le réseau de transport électrique, développer des 
capacités de stockage, fermer, rénover ou construire des réacteurs 
nucléaires, installer des dizaines de milliers d’éoliennes terrestres ou
 marines et des milliers d’hectares de panneaux solaires n’avaient pas 
de conséquences sur les investissements et le coût de l’électricité. 
Que, du point de vue du transporteur d’électricité, les cinq scénarios 
proposés (Ampère, Hertz, Ohm, Volt, Watt) soient 
« théoriquement faisables ou non » présente peu d’intérêt sans 
évaluation de leurs conséquences sur les consommateurs et sur l’économie
 de notre pays. 
Le niveau de la consommation 
d’électricité constitue la donnée fondamentale de tout scenario. Et 
cette nouvelle version du Bilan prévisionnel est plus prudente que les 
précédentes, admettant que la chute de consommation qui était annoncée 
est en réalité très douteuse, surtout dans la perspective de 8 à 15 
millions de véhicules électriques en 2035.
Pour le second paramètre critique, les 
prix, un des premiers tableaux qu’on s‘attendrait à trouver dans le 
document RTE serait une synthèse des hypothèses utilisées pour le coût 
brut de l’électricité par mode de production et par an pour les 
centrales en production aux différentes dates. D‘autant plus que RTE 
assure que « la cohérence économique des scénarios a été renforcée » et 
avoir réalisé un « bouclage économique complet »[1].  
Coût de production par an
| 
En euros par MWh | 
2020 | 
2025 | 
2030 | 
2040 | 
2050 | 
|---|---|---|---|---|---|
| 
 
Gaz 
 | 
 
70 
 | 
 | 
 | 
 | 
 | 
| 
 
Charbon 
 | 
 
60 
 | 
 | 
 | 
 | 
 | 
| 
 
Pétrole 
 | 
 
80 
 | 
 | 
 | 
 | 
 | 
| 
 
Nucléaire 
 | 
 
55 
 | 
 | 
 | 
 | 
 | 
| 
 
Eolien terrestre 
 | 
 
90 
 | 
 | 
 | 
 | 
 | 
| 
 
Eolien marin ancré 
 | 
 
220 
 | 
 | 
 | 
 | 
 | 
| 
 
Eolien marin flottant 
 | 
 
240 
 | 
 | 
 | 
 | 
 | 
| 
 
Hydrolien 
 | 
 
260 
 | 
 | 
 | 
 | 
 | 
| 
 
Solaire Photovoltaïque 
 | 
 
200 
 | 
 | 
 | 
 | 
 | 
| 
 
Solaire thermique 
 | 
 
300 
 | 
 | 
 | 
 | 
 | 
| 
 
Stockage d’un MW 
 | 
 
? 
 | 
 | 
 | 
 | 
 | 
Note : les chiffres 2020 ci-dessus sont indicatifs et fournis par l' iFRAP; les données utilisées par RTE comme hypothèses dans ses 5 scénarios pour les années suivantes ne sont pas encore publiés par RTE. 
À partir de ces chiffres bruts, le 
rapport complet devra aussi préciser les coûts d’adaptation des réseaux,
 et surtout le coefficient d’utilité à appliquer aux sources 
d’électricité pour arriver à un coût net, fonction de leur degré de 
disponibilité face à la demande : l’écart est très important, par 
exemple entre les centrales solaires et celles à gaz. Mais ces sujets 
(coûts brut et net) ne sont pas abordés dans de document.
15 000 variantes
Le diagramme ci-dessous, publié par RTE,
 souligne la complexité réelle du sujet. Mais souligne aussi que parmi 
les 15.000 variantes possibles, les coûts de production, de gestion, 
d’équilibrage et de transport de l’électricité n’entrent pas en ligne de
 compte, ni le montant des investissements, ni l’élasticité du marché en
 fonction des prix de l’électricité, ni les impacts sur l’économie 
française.
Ampère, Hertz, Ohm, Volt, Watt
Ohm, le scénario correspondant à la loi 
actuelle de transition énergétique étant déclaré irréaliste par RTE dès 
2025, les quatre autres présentent leurs objectifs pour 2035. À cette 
date, Ampère et Hertz annoncent une stabilité de la consommation 
d’électricité et la fermeture de respectivement 16 et 25 réacteurs 
nucléaires, Volt une baisse de 10% et la fermeture de 9 réacteurs 
nucléaires, Watt une baisse de 15% avec la fermeture de 52 réacteurs 
nucléaires. Ces quatre scenarios supposent la construction de 11.000 à 
14.000 éoliennes terrestres et de 1.100 à 2.200 éoliennes marines, plus 
une puissance en centrales solaires équivalente au tiers ou à la moitié 
de l’éolien terrestre.
Conclusion
Nicolas Hulot a été héroïque en confirmant que la baisse de 75 à 50% de la part d’électricité nucléaire en 2025, qualifiée « d’insincère et de mystification »
 par le ministre, était de toute évidence infaisable. Mais ce revirement
 constitue un camouflet pour le gouvernement précédent qui avait pris 
cette mesure irréaliste, pour les parlementaires qui l’avaient votée 
aveuglément, pour les experts (ministère de l’énergie) qui l’avaient 
préparée et pour ceux des observateurs (ONG et autres) qui s’étaient 
enthousiasmés pour cette audace. Et il jette un doute sur le sérieux de 
la totalité de la loi de transition énergétique de 2015. Fort de cette 
leçon, il est étonnant que les experts de RTE, disposant de la 
compétence et de toutes les données nécessaires, s’exposent au même 
risque de désaveu en publiant un rapport aussi partiel. Une confirmation
 que la mainmise de l’État sur EDF et RTE prive la France d’une source 
d’information indispensable face aux organes publics (Ministère de 
l’énergie, Commission de régulation de l’énergie, ADEME). Le 
tête-à-queue sur les 50% de nucléaire en 2025 confirme combien le manque
 de contre-pouvoirs est malsain dans ce domaine critique.  
Introduction
 * : Jean-François Carenco avait déjà émis cette opinion le 18 octobre à
 la conférence sur l’équilibre des énergies en précisant «  Cette somme 
 aurait pu financer 60GW de solaire ou 83% des dépenses de grand 
carénage d’EDF ». Et il l'a répétée dans les mêmes termes le 29 novembre
 2017 en conclusion des 18e rencontres de l'énergie, signe que cette 
gabegie le heurte profondément. Le gouvernement serait à la recherche 
d’une façon de revenir en arrière sur ses engagements pris en 
2012-2015. 
[1] Page
 9 : « Il s’agit de vérifier que les moyens de production ou de 
flexibilité identifiés dans le scénario trouvent une rentabilité sur les
 marchés de l’électricité, afin de ne compter que sur des unités de 
production dans lesquelles les acteurs économiques sont effectivement 
susceptibles d’investir. Cela nécessite de simuler le fonctionnement de 
l’ensemble des marchés de l’électricité européens et de prendre en 
compte les évolutions des parcs de production européens ». 
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