Parlons climat : (III) Pognon, GIEC et Politiques publiques

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Article écrit en commun par Nathalie MP et h16

C’est officiel et c’est merveilleux : depuis le début de la semaine, Paris est la capitale mondiale de la conscience climatique, Nicolas Hulot en est le chevalier vert et le pétulant Macron est le nouveau sauveur du monde.

« La planète brûle toujours » confiait avec sa prudence légendaire Laurent Fabius au Figaro, en concédant toutefois que « nous ne regardons plus ailleurs » et qu’il ne reste donc plus qu’une chose à faire : trouver de l’argent, beaucoup d’argent, des masses énormes d’argent, des centaines de piscines olympiques remplies d’argent frais pour accélérer vigoureusement notre entrée dans un monde d’autant moins chaud plus cool qu’il sera furieusement décarboné.

Oui, la planète brûle, c’est horrible et vous le savez car vous avez lu nos deux articles précédents (I & II) qui montrent le réchauffement colossal de la planète (une augmentation titanesque de 0,6° C au XXème siècle suivie d’une très violente stabilité depuis). Le coupable est sans aucun doute possible le CO2 dont la teneur dans l’atmosphère a vertigineusement augmenté de 0,032 % à 0,04 % entre 1960 et aujourd’hui.

Oui, la planète brûle et il nous faut donc agir : les conséquences matérielles et humaines de ce réchauffement climatique anthropique (RCA) sont déjà désastreuses (par exemple, il y avait plus de 5.000 ours polaires en 1960 alors qu’ils ne sont plus que 25.000 aujourd’hui). Mais surtout, si le pire n’est pas certain, il n’en reste pas moins « devant nous » et quoi qu’on fasse, « on n’en fera jamais assez » – dixit Nicolas Hulot.

Oui, la planète brûle et Emmanuel Macron est formel :
Si on décide de ne pas agir et de ne pas changer la manière dont nous produisons, dont nous investissons, dont nous nous comportons, nous serons responsables de milliards de victimes. (CBS, 12 décembre 2017)

Des miyards, qu’on vous dit !… De dollars, surtout, que nos réchauffistes entendent bien s’accaparer.
C’est pour cela que Macron et Hulot ont convoqué coup sur coup le Climate Finance Day et le One Planet Summit de lundi 11 et mardi 12 décembre dernier : les États-Unis partis avec leurs milliards, Macron se retrouve dans la soutane de Grand Sauveur de la planète aux poches percées et sans le moindre sou d’avance.

Il faut donc trouver des financements, ajuster les impôts, « impliquer » le secteur privé, bref, inciter la finance mondiale à « penser printemps » et petites feuilles vertes jusqu’au bout ; c’est pour la bonne cause.



Pour rappel, l’Accord de Paris signé lors de la COP21 de décembre 2015 prévoyait de la part des pays riches une enveloppe « plancher » (mais dodue) de 100 milliards de dollars par an afin d’aider les pays pauvres à financer leur transition énergétique… Sachant qu’on est encore très loin du compte et que cette somme ne couvre même pas la transition énergétique des pays riches.

Billancourt, qui hébergeait jadis Renault et accueille ce One Planet Summit, frise encore une fois le désespoir aux fers chauds : Armelle Le Comte, responsable Énergie & climat d’Oxfam France, sanglote déjà sur ces deux climathons aux résultats concrets décevants : pas de volonté politique, trop d’opérations existantes rhabillées en vert, absence de vexations fiscales et réglementaires écologiques et surtout, pas de mention de la taxe européenne sur les opérations financières alors que Macron s’était engagé à la relancer.

C’est mou, tout ça.



Non, ce qu’il faudrait, c’est du costaud, du solide, du massif, du brut d’impression comme l’explique Gaël Giraud, économiste en chef de l’Agence française de développement, tout à fait à l’aise :


Il faudrait 6.000 milliards de dollars par an, pour les investissements dans les infrastructures vertes, dont 4.000 milliards pour les pays du Sud.

Mille milliards de mille millions de mille dollars, voilà qui est parler : pourquoi cramer 100 gros milliards là où 6000 petits milliards pourraient suffire ? Après tout, ce n’est que 8% du PIB mondial (77.000 milliards en 2016) ! Au diable l’avarice ! Tavernier, servez-nous à nouveau de votre délicieux caviar, c’est le contribuable qui régale !

Devant de tels chiffres, un peu de recul s’impose. Recul d’autant plus important que les données sur le climat incitent à la prudence et que le GIEC, l’organisme à l’origine de ces données, est loin d’être aussi scientifique qu’on nous le serine. Sa fondation fut d’ailleurs motivée bien plus par la politique que par la science.

C’est pourtant sur sa recommandation de limiter le RCA à 2° C — voire 1,5 ° C — par rapport à l’ère préindustrielle que repose toute l’hystérie climatique actuelle avec pour conséquence la définition de politiques aussi coûteuses que leur rationalité est douteuse.

Le GIEC, ou « Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat », a été fondé conjointement par l’ONU et l’OMM (Organisation météorologique mondiale) en 1988. Avec de tels parents, on pouvait espérer un enfant timide mais scientifique. Il n’en fut rien : émanation d’États en lieu et place d’entités scientifiques indépendantes, le pauvre animal souffre d’une malformation congénitale dès le départ de sa mission qui sera d’étudier les conséquences du RCA alors posé comme vérité irréfutable (la formulation a changé depuis) : Le GIEC a pour mission d’évaluer […] les informations d’ordre scientifique, technique et socio-économique qui nous sont nécessaires pour mieux comprendre les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d’origine humaine, cerner plus précisément les conséquences possibles de ce changement et envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation.

En 1988, Michael E. Mann n’avait pas encore sorti sa courbe en crosse de hockey controversée qui servira de base (erronée) à l’alarmisme climatique, mais les opinions publiques des pays occidentaux avaient été sensibilisées dès 1972 aux enjeux écologiques tels que pollution et épuisement des ressources par le rapport du Club de Rome et la Conférence de Stockholm.

Dans ce contexte, Margaret Thatcher trouva dans la thèse du RCA un argument supplémentaire de poids pour démanteler les charbonnages britanniques non rentables, briser les syndicats de mineurs qui s’opposaient à leur fermeture et pousser l’énergie nucléaire.

La création du GIEC puis ses recommandations bénéficièrent alors de son soutien parfaitement calculé et très politicien. De formation scientifique elle-même, elle n’hésita pourtant pas à inciter la Royal Society (Académie des Sciences britannique) à trouver une relation entre les températures et le CO2 et à balayer les incertitudes scientifiques qui apparaissaient :
Nous ne comprenons pas encore complètement les gaz à effet de serre ni comment ils vont opérer, mais nous savons qu’il est de notre devoir d’agir. (1988)
Nous devons appliquer le principe de précaution au niveau international […] et ne pas perdre du temps et de l’énergie à discuter le rapport du GIEC. (1990)

Ce qui ne l’empêchera pas, au début des années 2000, de se raviser et d’adopter des positions plus réalistes, considérant finalement qu’elle s’était fait avoir par des experts plus pétris de catastrophisme que de science. Néanmoins, la décision de Thatcher lui permit d’effectuer la reconversion britannique en faveur du nucléaire. Choix judicieux puisque c’est une source d’énergie sûre et bon marché qui n’émet ni CO2 ni particules polluantes.

Mais pour les réchauffistes les plus échauffés, ce n’est évidemment pas suffisant : si on parle de transition énergétique, cela implique non seulement de sortir du charbon, du pétrole et du gaz, mais également de sortir du nucléaire.

On se demande si le véritable agenda écologiste n’est pas là.


Ainsi, en Allemagne, on constate aujourd’hui que la montée en puissance des énergies renouvelables intermittentes (29 % de l’électricité allemande dont 12 % pour l’éolien et 6 % pour le solaire) s’est fait exclusivement au détriment du nucléaire (graphe ci-contre extrait du journal Le Monde). Ce qui impose, comble de l’ironie, d’ouvrir des mines de lignite à ciel ouvert extrêmement polluantes et de faire tourner à plein des centrales à charbon tout aussi polluantes pour couvrir les besoins.

Inutile de dire que dans ces conditions, les émissions de CO2 par habitant sont beaucoup plus élevées en Allemagne qu’en France, tout comme le prix de l’électricité (environ le double pour les deux grandeurs).

La situation électrique française est complètement différente, mais elle est également marquée par la volonté de sortir du nucléaire.

C’est pourtant un secteur qui – répétons-le – n’émet pas de CO2, dans lequel nous avons maintenant une grande expérience et qui représente aujourd’hui environ 72 % de notre production électrique. Si l’on ajoute les 12 % de l’hydraulique, et les 7 % de l’éolien, du solaire et des bioénergies, la France n’est pas loin d’avoir une électricité parfaitement CO2-free (voir graphique ci-dessous).



Las ! Bien que favorable, cette situation ne saurait convenir à nos écologistes les plus conscientisés.

Dans les principes inébranlables de l’écologie de combat, le nucléaire est une abomination qui ne peut recevoir qu’un « Nein, Danke ! » ferme et définitif permettant de mépriser toute analyse comparée des différentes sources d’énergies possibles. Mépris des faits qui sera commode pour Ségolène Royal en 2015 afin de propulser sa loi de transition énergétique ; mépris de la logique ouvertement partagé par le Nicolas Hulot de l’époque ; mépris des conséquences entériné par le frétillant Macron lors de sa campagne électorale qui reprendra telles quelles les lubies de Ségolène visant à faire descendre la part du nucléaire à 50 % de la production électrique en 2025.

Hélas pour nos trois Pieds Nickelés Ségolène, Nicolas et Emmanuel, cet objectif est totalement irréalisable sans relancer dans le même temps des centrales à charbon et à gaz. La réalité ne peut être méprisée que le temps d’une élection : la mort dans l’âme mais avec un peu plus de logique et de réalisme que nos amis allemands, le gouvernement a donc revu ses plans à la baisse.

À des fins médiatiques et électorales, nos mousquetaires du bricolage énergétique ont tout de même promis de communiquer au plus vite le nombre de centrales nucléaires qui seront fermées, et quand. Ce serait vraiment trop dommage de se fâcher avec Greenpeace qui n’hésite même plus à se vautrer dans l’amalgame grossier entre pétrole et nucléaire :
Ce n’est pas en reculant sur le nucléaire que la lutte contre les dérèglements climatiques s’accélérera. Nicolas Hulot se doit d’être le rempart contre les lobbys du pétrole et du nucléaire.

Raisonnement sous-jacent : il faut accélérer le démantèlement du nucléaire pour faire enfin monter en puissance l’éolien et le solaire, énergies d’avenir vertes, mignonnes et créatrices d’emploi. En revanche, on n’entend plus personne lorsqu’il s’agit de rappeler que ce sont des énergies lourdement subventionnées, à l’intermittence très mal maîtrisée et incluant des terres rares pas du tout écologiques.

Récapitulons
Oui, il y a bien eu un réchauffement climatique entre 1850 et 2000, suivi d’une pause. La cause mise en avant, les émissions anthropiques de CO2, semble bien fragile sur le plan scientifique tant la science climatique est encore jeune et nous réserve régulièrement des surprises.
Mais admettons.

Cependant, si la chasse à l’affreux dioxyde de C est à ce point importante, pourquoi en veut-on plus à l’énergie nucléaire qu’au charbon ? Et si la lutte contre la pollution est si importante, pourquoi s’en prend-on plus au CO2, qui n’est pas un polluant, qu’aux particules fines et au CO notamment, polluants avérés ?

Quelle belle pelote d’incohérences bien embrouillées ! Dès qu’on en tire un fil, on découvre plus les motivations idéologiques anti-progrès, anti-développement et anti-capitaliste de l’écologie radicale qu’une quelconque démarche scientifique impartiale visant le progrès de l’Homme et de la planète.

Cette pelote d’incohérences sert cependant de support à des politiques publiques extrêmement dispendieuses visant à transformer autoritairement les comportements des gens selon le schéma classique : inciter, taxer, punir.

Les mêmes sommes investies de façon privée, dans un marché libre, concurrentiel et transparent grâce à un système de prix non faussés permettrait l’apparition d’une grande diversité d’acteurs aux centres d’intérêt variés, embrassant un grand nombre de sujets écologiques différents (et pas seulement un petit greenwashing de connivence agréable aux autorités). Cela permettrait en surcroît de trouver l’équilibre énergétique de demain compatible avec le développement humain et la protection de l’environnement.

Les préoccupations écologiques sont entrées dans le quotidien des gens. Il n’y a plus qu’à les laisser faire, tant l’économie est aujourd’hui une écologie.

Articles précédents :
4 décembre 2017 : « Parlons climat : (I) Contexte, températures et gaz carbonique »
11 décembre 2017 : « Parlons climat : (II) Ouragans, océans et ours polaires »


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