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Rédigé par Seppi
09/12/2017
Source : https://www.salonkolumnisten.com/glyphoshima/
Ludger Weß*
Le cas du glyphosate a discrédité le terme « environnementaliste » ou « écologiste » de manière si durable qu'on ne peut plus le mettre dans la bouche lui sans penser simultanément à PEGIDA [Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes – Les Européens patriotes contre l'islamisation de l'Occident] ou « Heimatschutz» [défense de la patrie]. Nous faisons actuellement l'expérience du populisme, de la haine et de la chasse à l'homme. Le front populaire s'étend de l'extrême gauche à l'extrême droite.
Cela fait des jours que les médias allemands, les Verts et les organisations de campagne telles que Foodwatch, Avaaz, Campact, BUND et Greenpeace sont hors d'eux d'indignation. Le représentant de l'Allemagne au sein de la commission compétente de l'UE a accepté sur les instructions du Ministre de l'Alimentation et de l'Agriculture Christian Schmidt (CSU) un renouvellement de l'herbicide glyphosate, bien que les Verts aient mis en garde contre cette décision et que le SPD ait sauté dans le train de l'interdiction l'an dernier en raison des mauvais résultats des sondages électoraux !
Glyphoshima est devenu un marronnier sempervirent dans les médias : qui était au courant ? Peut-on réviser cela ? Comment peut-on contourner la décision ? Qui doit démissionner ? Le renouvellement de l'autorisation est retranscrite comme une catastrophe naturelle – ce sont maintenant un « printemps silencieux » et un « désert agricole » qui menacent. Rien ne fleurira plus, plus aucun insecte n'arpentera les champs, plus aucun oiseau ne chantera.
Après, ce sera notre tour.
Affiche d'un débat du groupe des Verts du Conseil de Göttingen. "D'abord les insectes, ensuite les oiseaux, et après nous ?"
Schmidt a soutenu une agriculture qui n'a « aucune considération pour les gens, la nature et la création », écrit Der Spiegel ; et la Berliner Zeitung parle d'une « décision de principe » en faveur d'une « arme de destruction massive », ce qui conduit directement à une agriculture qui « présuppose un assujettissement total de la nature ».
Le glyphosate est le nouveau superpoison, une combinaison mortelle de DDT et de dioxine, et Schmidt est un misanthrope « sans scrupules ». La sortie du glyphosate est présentée comme la question cruciale au cœur de toute future coalition. Les Verts exigent la tête de Schmidt, Avaaz le traite de « ministre Monsanto » et écrit : « Un homme a scellé hier le sort de plus de 500 millions de personnes : le ministre CSU de l'agriculture Christian Schmidt. »
Des menaces de mort contre l'ennemi du peuple
Une tempête de boue s'est abattue sur Schmidt, principalement de la part de gens qui accordent habituellement une grande importance à l'attention pour autrui, à l'empathie, à l'amour pour le prochain et à la paix : les écologistes, les adeptes du bio, les militants de la protection des animaux, les végétariens et les végétaliens. Schmidt a dû fermer son compte Facebook ; il a reçu des menaces de mort qui ont également été dirigées contre sa famille.
Il l'a bien cherché, c'est de sa faute, est-il dit dans les commentaires sous les déclarations enflammées des députés Verts et des ONG. On souhaite au « salaud » de contracter la « peste », d'étouffer sous l'effet du poison, de périr « d'un cancer avec sa famille », si possible « à la suite d'une lente et douloureuse agonie ». Le ton et le contenu sont les mêmes que ceux des commentaires nauséabonds que l'on trouve du côté de la droite extrême quand ils s'en prennent aux « tricheurs profitant des aides sociales », aux « faux demandeurs d'asile » et à « Mutti » : qu'il « crève », l'« ennemi du peuple », le « menteur », le « criminel ».
Illustrons cela par l'auteur-compositeur Hans Söllner, un « contemporain rebelle et critique », qui a écrit sur sa page Facebook sous les vivas de nombreux commentateurs :
« Regardez ce visage de notre ministre de l'agriculture Christian Schmidt : plein de bêtise, sournois, cynique, chrétien-social, arrogant, vendu et hypocrite ; il semble que cela l'amuse aussi de nous prendre tous pour des crétins et d'empoisonner, le visage souriant, ce pays et de laisser d'autres le faire. »
Pour Schmidt cela n'a pas d'importance que « des enfants viennent au monde avec des malformations congénitales et que, chaque année, des milliers de colonies d'abeilles meurent » ; il se moque « de la famille et de la santé » ; Schmidt s'est rendu coupable de « complicité de coups et blessures, voire de meurtre ».
Les appels à la modération que la ministre de l'environnement Barbara Hendricks (SPD) et son secrétaire d'État Jochen Flasbarth ont lancés à la suite de la tornade d'injures qui s'est aussi abattue sur la page Facebook de leur ministère n'ont pas été entendus. Leurs prises de position ont cependant un arrière-goût désagréable, car ils ont tous deux alimenté régulièrement la machine à indignation.
La personnification de l'ennemi : « l'agriculture industrielle »
L'Allemagne a une nouvelle image de l'ennemi : le glyphosate et « l'agriculture industrielle ». Les agriculteurs et l'agro-industrie, en particulier Monsanto, se sont mis en bande – d'Arte et de Zeit au Spiegel, et jusqu'à la ZDF – pour nous empoisonner tous. Ils détruisent la nature, comme s'il n'y avait pas de lendemain ; ils ont corrompu par un effort commun et beaucoup d'argent les processus d'approbation dans le monde entier, les institutions de recherche et les institutions gouvernementales afin qu'ils deviennent des complices dociles du « lobby des agriculteurs » et de la « mafia de l'industrie », avec ses « cuisines à poisons ». Tout cela juste par cupidité – pour engranger des profits et produire cancers et maladies dont « l'industrie » profitera à nouveau pour vendre ses médicaments inutiles.
« Valeur actionnariale », « profits », « cupidité » et « lobby industriel » ; « tractations en coulisses », « corrompus » et « ennemis de l'environnement » – c'est ce que l'on entend du Parti de Gauche aux Verts et du SPD à l'AFD et au NPD. Le front populaire est constitué. L'ancienne journaliste et maintenant blogueuse agricole Suzanne Günther a rassemblé les dérapages verbaux des députés Verts, verts de rage, ici. Des exemples du recours à l'émotion avec des animaux morts et des bébés morts peuvent être trouvés tant chez les Verts que chez les ONG.
Y a-t-il encore des rédacteurs en chef ?
Il est particulièrement honteux de voir que la majorité des médias allemands ne sont pas à la hauteur dans cette situation explosive. Le glyphosate est une leçon sur l'effondrement du paysage médiatique. On peut observer même dans des feuilles réputées comme la FAZ et le Spiegel comment des journalistes perdent toute distance par rapport aux partis, mouvements et organisations populistes et reprennent complètement et sans aucune vérification des sujets, des images, des mots-clés, la langue et la désinformation lorsque cela va contre le « véritable » ennemi. L'âme du peuple allemand peut alors bouillir et les médias allument et entretiennent avec enthousiasme l'incendie. Ce que l'on se refuse – encore heureusement – sur les réfugiés, on se le permet avec enthousiasme ; on peut enfin exprimer le ressentiment contre « ceux d'en haut », les « tous pourris », les « corrompus ».
C'est ainsi qu'on alimente le désenchantement politique et sape les fondements de notre démocratie et de notre vivre-ensemble. Incidemment, on assassine aussi le processus de l'évaluation et des avis scientifiques dans le contexte des décisions politiques. Aucun média n'a souligné que l'affaire du glyphosate soulève la question fondamentale de savoir si la décision politique doit être fondée sur des données scientifiques ou sur les voix d'une « initiative citoyenne européenne » lancée par les partis Verts et les organisations de « protection de l'environnement » ; une initiative qui ne représente que 0,25 % de la population européenne, mais dont les vociférations sont d'autant plus fortes, et qui prétend que la « majorité des Européens » rejettent le glyphosate.
Le front populaire est là
Le 30 novembre 2017, la TAZ nous a informés que les Verts sont disposés, si nécessaire, à faire aboutir leur demande d'une interdiction nationale DU glyphosate avec le concours de l'AFD. Imaginez le tollé si la CDU/CSU imposait un plafond pour l'admission des réfugiés avec les voix de l'AFD : on aurait droit, à juste titre, d'un « Brennpunkt » [point de mire d'une brûlante actualité], un talk-show avec Anne Will, et d'une soirée « Hart aber Fair » [rude mais juste]. Mais quand il s'agit des Verts et des « bons » objectifs, les médias allemands ne connaissent plus de partis, mais seulement des Allemands. Le tabou a été brisé et ils se sont tus collectivement ; aucun politicien vert n'a été interrogé de manière critique.
Les quelques journalistes, principalement scientifiques, qui ne se sont pas joints à la croisade ont dû subir des propos injurieux dans les lettres de lecteurs et les commentaires sur Facebook ; et on leur a demandé combien « Monsanto » leur a payé pour leurs « torchons ».
Le but : 100 % bio
Que le bourgeois Vert adepte de bio aimerait voir tout le pays couvert de fermes bio, conformes aux images des Martine à la Ferme et autres Sylvain et Sylvette, n'est pas surprenant. L'ADN Vert inclut le mouvement de réforme anthroposophique qui a toujours eu en horreur tout ce qui est moderne, américain et juif. Les Verts se sont aussi opposés à toute technologie nouvelle qui est apparue à l'horizon : l'énergie nucléaire, la téléphonie RNIS, Internet, les ordinateurs, les téléphones portables, le génie génétique en médecine et agriculture, les nanotechnologies – la liste est sans fin.
Il est surprenant de constater que les partis de gauche, le SPD à leur tête, soutiennent ces revendications fatales et ne s'opposent pas vigoureusement à l'air du temps Vert. Il est pourtant facile de comprendre que la « bataille du glyphosate », qui n'a pas encore achevée, ne porte pas du tout sur le glyphosate. Le glyphosate est sans doute le plus inoffensif de tous les herbicides sur le marché et a été bien étudié pendant quatre décennies.
Il ne s'agit pas non plus de la santé de 500 millions d'Européens, que le ministre de l'agriculture Schmidt aurait volontairement sacrifiée. Car s'il s'agissait de la santé des consommateurs ou de la protection de la nature pour les ONG et les Verts, ils auraient aussi mis les produits toxiques de l'agriculture biologique à l'épreuve. On y utilise le spinosad toxique pour les abeilles ; on y pulvérise des dizaines de fois par an des sels de cuivre qui empoisonnent le sol si durablement qu'il devrait être remplacé après quelques années ; les champs sont aspergés avec des bactéries vivantes et les plantes sont traitées avec des extraits de chrysanthèmes qui causent des lésions nerveuses et de l'asthme.
Il ne s'agit pas non plus de la biodiversité. Toute forme d'agriculture est mauvaise pour la biodiversité – que le champ soit traité avec du glyphosate, du reste de manière favorable à la protection des sols, ou retourné à la charrue : ce qui y poussait avant ne vit plus après. Cela donne aux graines qui y sont ensuite semées un avantage de temps. Les mauvaises herbes repoussent aussi dans un champ traité au glyphosate et doivent ensuite être combattues à nouveau – mais pas avec du glyphosate car cela détruirait aussi les céréales et les autres cultures.
Pourquoi le glyphosate ?
Le glyphosate a été choisi comme cible parce qu'il est détesté pour deux raisons et qu'il se prête à la polarisation. Premièrement, il est produit par Monsanto, une société américaine (!) que beaucoup considèrent comme le mal personnifié et, deuxièmement, il est utilisé dans de nombreux pays en combinaison avec le génie génétique. Le soja ou le coton génétiquement modifiés contiennent donc toujours des traces de glyphosate (les analyses permettent aujourd'hui de trouver un grain de seigle dans un train de marchandises de 40 000 km de long rempli de blé). Si le glyphosate était interdit dans l'UE, le coton génétiquement modifié et les aliments pour animaux provenant du soja transgénique ne pourraient plus être importés. De plus, alors que l'approbation du glyphosate devait être renouvelée, le CIRC avait, parallèlement, annoncé que sa classification du glyphosate était « probablement cancérogène ».
Comme on le sait aujourd'hui, l'évaluation du CIRC n'a pas été exempte d'interférences. Christopher Portier, qui a contribué à mettre le glyphosate sur la liste des priorités et a également été impliqué dans l'évaluation, n'était pas seulement un homme stipendié par une organisation qui lutte contre les pesticides, mais aussi un consultant bien rémunéré de deux cabinets d'avocats qui exploitent les actions collectives contre les fabricants de glyphosate.
La classification du glyphosate par le CIRC en « probablement cancérogène » a donné aux Verts et aux ONG l'opportunité de leur première arnaque : présenter le danger comme un risque. Deuxièmement, ils n'ont jamais révélé que le CIRC n'a jamais parlé de danger pour le consommateur – il s'agissait d'utilisateurs. Ce qui a suivi a été une campagne sans précédent qui a été accompagnée par un flot d'images trafiquées, de citations hors contexte et de mensonges. L'un des points forts en a été un projet financé par des gourous états-uniens de la médecine alternative, des opposants aux vaccins, des croyants aux chemtrails : la farce appelée « Tribunal Monsanto », pour lequel Renate Künast, ex-ministre Verte de l'agriculture, s'est faite l'ambassadrice d'Allemagne. Il y avait là des personnages qui se retrouvent lors des manifestations du lundi sur l'Alexanderplatz de Berlin.
L'image qui s'est incrustée dans les têtes est celle d'un superpoison, qui est épandu par des avions sur des plantes vertes, qui tue les plantes et les insectes, y compris nos enfants. Renate Künast a pu prétendre dans le Morgenmagazin, sans être contredite, que le glyphosate était responsable de « la majorité des cancers que nous voyons aujourd'hui » ; Die Zeit a fantasmé en dépit des faits sur la mort des insectes déclenchée par le glyphosate.
Le SPD scelle sa fin
En réalité, il s'agit d'initier la prétendue « transition agricole » tant attendue par les Verts, qui est censée introduire une couverture nationale par l'agriculture biologique. Une interdiction du glyphosate serait un premier pas. Le SPD, qui veut soutenir cela, court à sa perte, car il n'a pas compris jusqu'à aujourd'hui que ce serait la fin de nombreuses importations alimentaires provenant du monde entier et que cela conduirait à une énorme augmentation des prix des denrées alimentaires. La colère qui s'abattra sur le parti, lorsque l'œuf du petit-déjeuner coûtera un euro, le paquet de spaghetti, cinq euros et le poulet rôti, 30 euros, devrait briser le cou au SPD.
« Science citoyenne » contre évaluation scientifique
Un autre aspect est la modification des procédures d'approbation pour tous les types de produits chimiques, qu'il s'agisse de pesticides, de produits chimiques industriels ou de médicaments. C'est le rêve humide de nombreuses ONG et de nombreux politiciens Verts de défaire la prétendue « invasion de la chimie dans notre environnement ». Cela n'est possible que si on supprime les institutions et les procédures qui régissent actuellement leur approbation. La première étape, leur dénigrement, est déjà accomplie. Même des institutions telles que le BfR, qui a pourtant été fondé par les Verts en tant qu'institution indépendante, ont été mises en pièces ces derniers mois, accusées d'être vendues à l'industrie et « achetées par Monsanto ».
Les autorisations, dit-on dans les cercles de Bruxelles, doivent être prises en charge par la « société civile » selon les critères de la « science citoyenne », les scientifiques des ONG et les citoyens ordinaires devant décider ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas.
Tout cela n'a plus rien à voir avec la protection de l'environnement. Ce qui se répand ici, c'est une religion eschatologique qui combat la modernité, qu'elle soit capitaliste ou socialiste. Elle a, comme toutes les idéologies fondamentalistes, des traits totalitaires et misanthropiques. Quiconque se préoccupe vraiment de la protection de la nature et, simultanément, de l'alimentation de bientôt près de 10 milliards de personnes ne peut pas s'associer à de telles forces.
* Ludger Weß écrit sur la science depuis les années 1980, principalement le génie génétique et la biotechnologie. Avant cela, il a fait des recherches en tant que biologiste moléculaire à l'Université de Brême. En 2006, il a été un des fondateurs d'akampion, qui conseille les entreprises innovantes dans leur communication. En 2017, il a publié ses polars scientifiques « Oligo » et « Vironymous » chez Piper Fahrenheit. Cet article a été écrit par Ludger Weß à titre privé.
" L'indignation est un commencement. Une manière de se lever et de se mettre en route. On s'indigne, on s'insurge, et puis on voit. " BENSAÏD Daniel
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