Georges Sapy
03/03/2018
CSPRT du 13 mars 2018 – Projet de décret relatif aux éoliennes terrestres et portant diverses dispositions de simplification et clarification du droit de l’environnement
Consultation publique sur le projet de décret
Ce projet de décret me parait totalement néfaste en termes de santé publique, dans la mesure où il passe par pertes et profits les risques sanitaires pour les riverains des éoliennes, risques de plus en plus avérés au fur et à mesure de l’amélioration des connaissances médicales et du retour d’expérience de pays ayant massivement développé les éoliennes.
• Retour d’expérience de pays étrangers et positions prises par les autorités publiques et/ou le corps médical de ces pays
* Danemark : dans ce pays très doté en éoliennes terrestres, de très nombreux riverains sont incommodés par les pulsations caractéristiques des éoliennes : entre 4 et 11 % selon le gouvernement, entre 22 à 42 % selon le professeur Henrik Moeller, de l’Université d’ Aalborg. À tel point que le pays a décrété un moratoire en 2014, en attendant les résultats d’une étude sanitaire à grande échelle, qui ne semblent pas avoir été publiés à ce jour… Le Danemark avait pourtant déjà durci sa législation dès 2011, en imposant la prise en compte des fréquences acoustiques à partir de 10 Hz (ce qui inclut une partie des infrasons, ces derniers étant définis par une fréquence inférieure à 20 Hz).
* Allemagne : dans ce pays encore plus massivement doté d’éoliennes terrestres, l’assemblée des médecins allemands, réunis en congrès à Francfort en mai 2015, a lancé une alerte concernant l’impact néfaste sur la santé de l’implantation d’éoliennes à proximité des habitations. Elle a notamment attiré l’attention sur les graves carences des critères de danger retenus et tout particulièrement sur les risques liés aux basses fréquences et infrasons, y compris inférieures à 1 Hz. Dans ce même pays, la Bavière a imposé une distance des habitations au moins égale à 10 fois la hauteur des machines (pour par exemple une machine de l’ordre de 2 MW ayant une hauteur hors-tout de 150 m environ, cette distance minimale est donc de 1 500 m).
* Royaume-Uni : dès 2012, le très sérieux British Médical Journal, l’une des revues médicales les plus respectées au monde, publiait un article intitulé « Éditorial : Wind turbine noise », qui concluait à la preuve d’un lien étroit entre le bruit des éoliennes, une dégradation de la santé et une mauvaise qualité de sommeil. La même année, le gouvernement du pays décidait d’imposer une distance minimale de 2 000 m entre éoliennes et habitations les plus proches.
* Finlande : le Ministère de la Santé finlandais a demandé dès 2014 une zone tampon de 2 000 m en lieu et place d’une distance minimale de 500 m imposée auparavant pour préserver la santé des habitants.
* France : en 2008, dans un rapport sur l’impact sanitaire des éoliennes, l’ Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail) écrivait déjà : « il convient de définir si les critères retenus dans la réglementation sont adaptés aux propriétés spectrales du bruit des éoliennes, notamment dans le domaine des infrasons ». Récemment, l’Académie de médecine a préconisé une distance d’éloignement minimum de 1 500 m des habitations, et réclame depuis 2006 qu’une étude épidémiologique sur le sujet soit menée… Les députés de la précédente législature en ont malheureusement décidé autrement en ramenant cette distance à 500 m, malgré la proposition du Sénat d’en rester à 1 000 m.
D’où les questions :
- Pourquoi ignore t-on systématiquement le retour d'expérience des pays voisins plus avancés et les recommandations des autorités sanitaires françaises?
- La France serait-elle le pays le plus laxiste d' Europe en matière de prévention de la santé des habitants?
• Cause profonde possible des effets délétères des éoliennes sur la santé : les infrasons
L’auteur de ces lignes est ingénieur, pas médecin, il n’a donc pas d’avis personnel sur le sujet. Une recherche bibliographique sérieuse montre néanmoins que de l’avis de médecins de plus en plus nombreux de par le monde, les infrasons (sons de fréquence inférieure à 20 Hz comme rappelé plus haut) seraient à l’origine des troubles ressentis par les habitants proches des éoliennes. Les études médicales incriminent notamment (mais pas seulement) l’effet de ces infrasons sur l’oreille interne, ce qui entrainerait des migraines, des nausées, des vertiges, des difficultés de sommeil et de concentration, etc. ces différents symptômes ayant des points communs avec le mal des transports, également provoqué par les effets des basses fréquences. On serait donc loin des soi-disant effets imaginaires ou psychosomatiques… Peut-on en rester là ? Face à de tels indices, concordants et a priori très sérieux des médecins français devraient être mandatés pour étudier sérieusement la question) et la réponse s’impose : il faut y voir clair.
Pourquoi ne réalise t-on pas d'études sérieuses sur ce sujet, comme d'autres pays l'on fait?
• Des mesures de bruit qui excluent complètement les… infrasons !
Selon le code de santé publique, la France ne prend en compte les basses fréquences qu’à partir de… 125 Hz de façon générale ! Ce qui par définition exclut les… infrasons. De plus, concernant les éoliennes, elles sont semble-t-il dispensées de tout contrôle des basses fréquences depuis l’arrêté du 26 aout 2011. Autrement dit, la cause majeure possible soupçonnée d’être à l’origine des effets délétères sur la santé ne serait même pas envisagée par la règlementation française !
Un autre élément va dans le même sens : la mesure du bruit en dB(A). Il s’agit en fait de décibels physiques qui mesurent un niveau de pression acoustique réel, mais qui sont pondérés par une courbe dite A qui est utilisée pour refléter au plus près la manière dont l’oreille humaine entendrait et interpréterait le son qui est mesuré. Sachant que cette dernière est sensible aux sons entre 20 Hz et 20 000 Hz environ, la pondération A affaiblit volontairement (et de façon très considérable) les sons de fréquence inférieure à 20 Hz au motif qu’on ne les entend pas ! En d’autres termes, utiliser des mesures en dB (A) revient tout simplement à ne pas prendre en compte les infrasons ! Alors qu’un simple sonomètre spécifiquement conçu pour la mesure des infrasons manié par un spécialiste de ces sons permettrait d’en tenir compte…
Si l’on résume : ni la règlementation actuelle, ni le choix d’une mesure acoustique réalisée en dB (A), ni la volonté politique manifeste qui résulte du présent projet de décret, ne donnent la moindre chance d’appréhender les infrasons, alors que ces derniers sont fortement soupçonnés d’être la cause majeure des effets délétères des éoliennes sur la santé.
D’où la double question :
- Est-ce volontaire? Auquel cas la réglementation devrait, après études complémentaires, être revue.
- Est-ce volontaire? Mais alors pour quel motif jugé supérieur à la santé humaine?
Sans parler des autres aspects questionnables, ce projet de décret qui a pour objectif de faciliter la construction de milliers d’éoliennes dont un très grand nombre seront à 500 m des habitations apparait comme une fuite en avant qui fait totalement fi des effets délétères possibles des éoliennes sur la santé humaine. Pourquoi le principe de précaution, trop souvent invoqué à tort et à travers par ailleurs, n’est-il pas mis en œuvre ici, face à des suspicions sérieuses qu’on a les moyens de confirmer ou d’infirmer ?
D’où la question :
-Au nom de quoi prend-t-on ce risque potentiel sans se donner préalablement les moyens de savoir?
-Que se passera t-il en cas de confirmation de graves effets sur la santé des habitants vivant à proximité des éoliennes?
-Qui assumera la responsabilité des conséquences?
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