25 janvier 2019
Il aura fallu un peu moins de 9 années pour que les deux EPR chinois à Taishan soient successivement connectés au réseau électrique à quelques mois d’intervalle, le résultat d’une longue coopération de 35 années dans le domaine du nucléaire civil entre la France et la Chine datant du premier balbutiement du pays dans ce domaine pour la construction du réacteur nucléaire de Daya Bay de type 900 MWe par Framatome et EDF. Le 29 juin 2018 restera donc une date symbolique tant pour la France que pour la Chine quand le premier EPR du monde a été connecté au réseau suivie du 13 décembre de la même année quand le statut commercial a été finalement accordé à cette installation industrielle après de multiples vérifications ultimes. Pour ceux qui se posent des questions au sujet de cette coopération en profondeur entre EDF et le groupe China General Nuclear Power (CGN) il faut rappeler que plus de 200 ingénieurs français ont travaillé sur le site de Taishan et que 40 compagnies françaises ont été directement impliquées dans la construction de cette usine. Qu’en est-il des accords de transfert de technologie ? Il ne faut pas attendre de réponse de la part d’EDF ni du gouvernement français à ce sujet.
Toujours est-il que cette réalisation qui a nécessité plus de 15000 personnes sur le site est surtout le résultat de la préoccupation de la Chine de disposer d’une source d’énergie propre et disponible à bon marché 24/24 heures tout en évitant l’émission de carbone dans l’atmosphère à hauteur de 21 millions de tonnes par an et par réacteur ainsi qu’à l’acharnement au travail admirable du peuple chinois. Il y a actuellement deux autres réacteurs EPR en cours de finalisation : Olkiluoto-3 en Finlande et Flamanville-3 en France, et sur le site d’ Hinkley Point C le tout début de la construction de deux EPR. Pour ce qui concerne l’ EPR d’ Olkiluoto il se pourrait qu’en cette année 2019 on assiste à la conclusion de la plus longue saga de construction d’une centrale nucléaire en Europe. C’est en 2002 que le gouvernement finlandais manifesta le désir de construire un nouvel équipement électro-nucléaire. Cette décision représentait un changement de politique puisque en 1993 les autorités avaient décidé de ne plus développer l’énergie nucléaire dans le pays. Aujourd’hui avec plus de 7 ans de retard sur le programme initié en 2002 – cet EPR devait être raccordé au réseau en 2012 – le chargement en combustible devrait débuter dans quelques semaines et l’installation être opérationnelle au cours de l’année 2020. Le budget global de la construction de cette usine aura triplé par rapport aux estimations initiales. Quant au réacteur EPR de Flamanville, bien que l’autorisation de fonctionnement ait été accordée par l’agence de sécurité nucléaire française (ASN), il est probable que le couvercle du réacteur soit changé au cours du premier arrêt pour rechargement de combustible puisqu’il présente des anomalies !
Avec l’entrée en service d’Olkiluoto-3 la Finlande pourra réduire substantiellement ses importations d’électricité en provenance de Suède et de Norvège mais pour l’ EPR de Flamanville la situation est plus technique que politique, quoiqu’en disent les détracteurs de l’énergie nucléaire car cet installation sera la bienvenue dans un marché européen de l’électricité beaucoup trop volatile.
Et cette volatilité va aller en s’aggravant dans les années à venir pour diverses raisons. Seulement en 2018 plus de 15 GW d’unités de production thermique conventionnelle ont été fermées et seuls 3 GW de production au gaz ont été installés tandis que des modifications significatives du réseau électrique européen ont rendu la Finlande, l’Italie, la Hongrie et la Lituanie encore plus dépendantes de leurs importations d’électricité. De plus dans des conditions hivernales rigoureuses comme l’Europe en connaît actuellement l’Autriche, la Belgique, la Slovaquie et la Slovénie doivent aussi importer de l’électricité. Les politiques de transition énergétique décidées par plusieurs pays européens consistant à abandonner massivement le charbon mais aussi, quoique progressivement, le nucléaire vont au cours des années 2020 encore plus aggraver la situation énergétique de l’Europe. Le bureau d’études Platts Analytics prévoit au cours de cette période des fermetures nettes de 65 GW de puissance installée en particulier pour le charbon dont l’abandon total est programmé pour 2022 en France, 2025 pour la Grande-Bretagne et 2030 pour les Pays-Bas.
Pour le nucléaire l’Allemagne fermera 10 GW de capacité d’ici 2022, la Belgique 6 GW d’ici 2025 et le Royaume-Uni 4,3 GW entre 2024 et 2026. Pour ces EPRs tant en France qu’en Grande-Bretagne il vaut mieux tard que jamais, même si Hinkley Point C ne permettra de pallier que partiellement à ces fermetures d’installations de production. L’avenir électrique de l’Europe semble donc compromis car ce ne sont ni les éoliennes ni les panneaux solaires ni la biomasse devant conduire à une réduction de 50 % des émissions de carbone à l’horizon 2030 qui pourront remplacer toute la puissance installée en particulier nucléaire et quand on sait que la prolongation d’exploitation de certains types d’installations électro-nucléaires peut atteindre plus de 30 années il est évident que ces transitions énergétiques non seulement fragiliseront le paysage électrique européen de manière critique tant pour l’industrie que pour les populations mais constitueront un désastre économique et financier. Autant dire tout de suite que l’Europe a décidé de se suicider …
Source : S&P Global Platts blog The Barrel (blogs.platts.com)
php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire