Lorsqu’une ethnologue contribue à un numéro spécial des Reflets de la physique – la revue de la Société Française de Physique – consacrée à l’électro-nucléaire, elle ne parvient pas à éviter le poncif «cette exception technologique française» (page 39).
C’est curieux. Très «franco-français», ce qui est malheureux pour une
ethnologue. Et complètement faux, au regard de l’évolution du monde
réel. En voici quelques informations, récentes et très loin d’être
exhaustives, mais dont la considération devrait éviter de renouveler la
bourde.
► en 2018, 9 réacteurs nucléaires ont été
« couplés au réseau ». Aucun en France. Mais 7 en Chine et 2 en Russie.
Du coup, au total, on compte 455 réacteurs nucléaires en fonctionnement fin 2018.
Avec ses 58 réacteurs, la France est certes un acteur important mais ne
représente que moins de 13% du total. Où est l’exception ?
► Début 2019, on compte 53 réacteurs nucléaires en construction dans le monde… dont un seul en France. Il ne semble donc pas que la part de la France dans cette technologie soit en train d’augmenter.
► En 2018, EDF a poursuivi la
construction, péniblement, d’un unique EPR – Réacteur européen
pressurisé – à Flammanville. Premier exemplaire en France d’un réacteur
nucléaire dit de 3ème génération. L’une des caractéristiques principales
de cette 3ème génération est de comporter un récupérateur de corium,
autrement dit un système permettant d’assurer que si un accident majeur
survient avec fusion du cœur, les matières de ce dernier resteront
confinées dans le bâtiment, évitant de contaminer l’environnement.
► En 2018, la Chine a de son coté démarré 5 réacteurs de 3ème génération (un de conception française – Framatome, ex-Areva – à Taishan, près de Hong-Kong, en co-propriété avec EDF, et quatre AP-1000
de conception américaine, Westinghouse, à Haiyang et Sanmen). Un second
EPR à Taishan est en phase finale d’essais et va bientôt démarrer.
► La Chine
aura bientôt autant, puis plus de réacteurs que la France 46 en
opération, 11 en construction, et l’annonce de 6 à 8 mises en chantier
en 2019. Et surtout ne restera pas longtemps acheteuse de
technologies étrangère. Elle a fabriqué elle même les pièces principales
du second EPR de Taishan. Elle poursuit avec succès la construction de deux réacteurs Hualong,
de 3ème génération, et de conception entièrement chinoise, à Fuqing.
Avec un chantier démarré en 2014, et une mise en service prévue en 2019
et 2020, soit des durées un peu plus longues que pour les réacteurs de
2ème génération. Le gouvernement vise les 200 GW de puissance installée
en 2050 (contre 63 GW actuellement en France).
► Cinq chantiers de construction de
réacteurs ont démarré l’an dernier. En Russie, Turquie, au Bangladesh,
en Corée du sud et au Royaume-Uni (Hinkley Point C).
► Le principal exportateur de technologies nucléaire n’est pas la France, mais plutôt la Russie. Rosatom vient de signer avec l’ Ouzbekistan pour un réacteur. Si la Russie construit actuellement 6 réacteurs, Rosatom a 36 réacteurs en construction ou en projets, dans le monde.
► Les Etats-Unis sont toujours le
principal producteur d’électricité d’origine nucléaire au monde (30% du
total et 98 réacteurs). Après 30 ans d’interruption dans la construction
de réacteurs, deux sont en construction et 24 en projets, tandis que
7,5 milliards de dollars sont investis en maintenance et améliorations
chaque année.
J’arrête là les exemples, il suffisent à démonter ce hoax récurrent d’une France isolée par son choix nucléaire.
Dans ce numéro spécial des Reflets de la physique,
une vingtaine d’articles avec des points de vue variés sont exposés sur
des sujets allant de la recherche au débat de société sur le nucléaire.
Le lecteur y trouvera (page 41) un texte de l’auteur de ce blog
consacré au « couple infernal » que forment souvent presse et nucléaire au détriment de l’information des citoyens.
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