9 novembre 2012
Commentaire : scientifiques, personnel politique, pression, lutte d'influence... Passionnant! Et à l’arrivée, une décision... exclusivement de basse politique!😄
php
La filière à neutrons rapides,- Rapsodie/Fortissimo, Phénix puis Super Phénix -, est née, en France au début des années 60.
C’était une époque de progrès, où notre pays occupait une place de
choix dans le domaine de la haute technologie et de la science. Ce sont
aussi des temps où régnait un capitalisme d’État. Dans ce système l’Etat
développait des grands programmes, aviation/espace, nucléaire, réseaux, communications.. dont les marchés étaient attribués à de grands groupes, - Schneider avec Creusot-Loire CGE-Alsthom .. . L’électronucléaire en faisait partie.
Au cours des années 70, une nouvelle forme de capitalisme a émergé, beaucoup plus portée sur les services que sur l’industrie et dont l’activité principale était centrée sur des opérations financières aux objectifs à court terme. En France ce nouveau système capitaliste d’esprit néo libéral s’est installé dans les années 80 grâce à l’action de Mitterrand, comme l’a récemment reconnu Jean-Pierre Chevènement. La voie de son institutionnalisation et de son pouvoir total sur la monnaie a ensuite été ouverte avec le traité de Maastricht. Dans ce nouvel esprit capitaliste le nucléaire a perdu de son intérêt pour le système à cause notamment de l’investissement initial très lourd qu’il nécessite.
Superficiellement on pourrait dire que le projet Super Phénix appartient à une époque révolue. Pour cela il faudrait que les avantages et les intérêts que présente cette filière à neutrons rapide aient disparus avec cette époque, celle du CNR finalement. Bien au contraire. Dans le cadre de la réflexion d’experts internationaux officiellement mandatés sur la génération IV de réacteurs nucléaires, les réacteurs à neutrons rapides ont fait l’unanimité. Un optimum est constitué par les « rapides à gaz » mais si l’on s’accorde sur une nécessité de lancer cette génération IV au milieu des années 2020, seuls les réacteurs rapides refroidis au sodium seront opérationnels.
C’est bien dans cette optique qu’existe en France un projet de réacteur prototype de cette filière d’une puissance de 600 MWe, dénommé ASTRID, à l’avenir plus qu’incertain.
Ainsi l’abandon de Super Phénix, qui dans la pratique a pris la forme d’un honteux sabotage du réacteur, apparait comme faisant partie d’un renoncement plus général à ce qui faisait la force de notre pays [et lui permettait de financer sa politiques sociale et de la santé..]. Ce sabordage est symbolique de l’amorce du déclin de la France.
Au cours des années 70, une nouvelle forme de capitalisme a émergé, beaucoup plus portée sur les services que sur l’industrie et dont l’activité principale était centrée sur des opérations financières aux objectifs à court terme. En France ce nouveau système capitaliste d’esprit néo libéral s’est installé dans les années 80 grâce à l’action de Mitterrand, comme l’a récemment reconnu Jean-Pierre Chevènement. La voie de son institutionnalisation et de son pouvoir total sur la monnaie a ensuite été ouverte avec le traité de Maastricht. Dans ce nouvel esprit capitaliste le nucléaire a perdu de son intérêt pour le système à cause notamment de l’investissement initial très lourd qu’il nécessite.
Superficiellement on pourrait dire que le projet Super Phénix appartient à une époque révolue. Pour cela il faudrait que les avantages et les intérêts que présente cette filière à neutrons rapide aient disparus avec cette époque, celle du CNR finalement. Bien au contraire. Dans le cadre de la réflexion d’experts internationaux officiellement mandatés sur la génération IV de réacteurs nucléaires, les réacteurs à neutrons rapides ont fait l’unanimité. Un optimum est constitué par les « rapides à gaz » mais si l’on s’accorde sur une nécessité de lancer cette génération IV au milieu des années 2020, seuls les réacteurs rapides refroidis au sodium seront opérationnels.
C’est bien dans cette optique qu’existe en France un projet de réacteur prototype de cette filière d’une puissance de 600 MWe, dénommé ASTRID, à l’avenir plus qu’incertain.
Ainsi l’abandon de Super Phénix, qui dans la pratique a pris la forme d’un honteux sabotage du réacteur, apparait comme faisant partie d’un renoncement plus général à ce qui faisait la force de notre pays [et lui permettait de financer sa politiques sociale et de la santé..]. Ce sabordage est symbolique de l’amorce du déclin de la France.
Les conditions de l’arrêt de Super Phénix et le rapport de la commission d’enquête parlementaire.
Il ne peut être nié que le projet Super Phénix a étalé
quelques faiblesses initiales. Celles-ci sont essentiellement dues à des
pressions politiques qui ont imposé la puissance de la centrale, 1200 MWe [Pour 3.000 MWth soit un rendement de 40%]. Incapables de prévoir les effets de l’ultralibéralisme
en termes d’arrêt de la croissance et de désindustrialisation, des
responsables naïfs et incompétents croyaient en un doublement de la
demande d’électricité en moins de dix ans.
Lors de ma participation aux études de conception de Super Phénix,
avec des responsabilités techniques, j’ai défendu avec un collègue et
ami qui réalisait les calculs de neutronique, l’idée que le saut en
puissance depuis les 250 MWe de Phénix était trop grand et inutile. Il fallait clairement définir l’état de prototype et limiter la puissance à 600 MWe, qui marquait le saut technologique vers les grandes puissances [la Russie développait justement au même moment un réacteur, très bien conçu, de cette puissance BN600
qui a très bien fonctionné et va avoir des suites]. Ce qui est devenu
un combat perdu d’avance [l’idée en était partagée, mais le respect
hiérarchique trop fort] a tout de même été suffisamment marquant pour
que l’on en retrouve la trace dans le rapport de la commission d’enquête
parlementaire sur Super Phénix de 1998. Le deuxième
élément défavorable a été la nécessité de constituer un consortium entre
producteurs d’électricité allemands et italiens avec l’EDF. Cela
a conduit à des fabrications extérieures qui ont posé quelques
problèmes comme celle du barillet à l’acier incroyablement défectueux.
Tous les ennuis initiaux rencontrés sur SPX viennent de là.
Ce rapport [Assemblée nationale n° 1018 du 26 juin 1998] de la commission d’enquête parlementaire présidé par Robert Galley et dont le rapporteur était Christian Bataille, député socialiste et responsable de la le Loi à son nom sur les déchets nucléaires de 1991, dit tout de l’insulte au progrès scientifique et technique qu’a constitué l’abandon de Super Phénix.
Parmi les membres, on relève la participation d’Eric Besson alors socialiste, Robert Honde député-maire de Manosque, petite ville dont la dépendance au site d’études nucléaires de Cadarache est très forte, du député RPR Jean-Bernard Raymond d’Aix en Provence et du communiste Roger Meï de Gardanne. Ainsi que Noël Mamère et Michèle Rivasi qui basent leur carrière politique sur un anti nucléaire primaire et sectaire. Corinne Lepage en tant qu’ancien ministre de l’environnement dans le gouvernement RPR, qui avait déjà personnellement bloqué le redémarrage de SPX, Christian Pierret socialiste et secrétaire d’état à l’énergie, Yves Cochet ont également participé aux discussions.
Des grands scientifiques ont été interviewés sur le sujet. On citera le Professeur Castaing, Hubert Curien, George Charpak.. George Vendryes et Bertrand Barré pour le CEA, et Claude Allègre
dont le silence à ce moment là a particulièrement détonné dans le cadre
du soutien unanime que ces hommes de sciences ont apporté à Super Phénix.
Ce qui ressort de ce rapport :
Une atteinte aux règles élémentaires de la démocratie
D’entrée de jeu le rapporteur, Christian Bataille, y souligne que la décision de fermeture est déjà prise et irrémédiable : « Le surgénérateur qu’on appelle Superphénix sera abandonné. » a déclaré Lionel Jospin lors d’un discours de politique générale du 17 juin 1997 à l’Assemblée nationale. Christian Bataille suggère son désaccord avec cette mesure, mais va œuvrer pour son acceptation par la commission.
Est-ce que ce sont les manifestations et oppositions que Super
Phénix a cristallisées en France (et en Suisse) qui sont à l’origine de
cet abandon ?
Dans les discussions qui ont motivé la constitution de
cette commission d’enquête parlementaire, il a été déploré le décès d’un
manifestant, une attaque du chantier à la roquette a été mentionnée… ,
mais il est clair que ce ne sont pas les manifestations qui ont conduit à
l’abandon de SPX, mais bien l’électoralisme poussé à ses limites au sein d’une « gauche plurielle » où le PC avait été marginalisé comme aujourd’hui le Front de Gauche. Ce dont s’est plaint le député commissaire Roger Meï, évoquant le « respect de la démocratie » dans les motivations de son vote qui curieusement a été une abstention après qu’il ait apporté son soutien à SPX et aux surgénérateurs.
Une vision sur les perspectives économiques, sur le problème de
l’énergie et l’intérêt à moyen terme des surgénérateurs complètement à
côté des réalités.
Dans le rapport on parle tranquillement de réserves pour le pétrole et le gaz naturel de 60 ans et d’un prix du baril de pétrole à 15 dollars. Alors que l’uranium naturel avec les surgénérateurs et le cycle Pu 239, constitue une réserve reconnue à 2.500 ans [données du rapport].
On passe complètement à côté du fait que lorsque l’on franchi le pic de Hubbert [c’est dans dix ans pour le pétrole à la date du rapport], la production de pétrole ne satisfait plus la demande. Le prix du baril augmente et atteint des zones (Baril à plus de 100 dollars) où l’impact économique est très négatif. Mieux, le texte fait référence au rapport Meadows, 1972, dont
il ressort « qu’il a mis l’accent sur les limites physiques de la
croissance, sur la rupture entre l’augmentation de la population
mondiale et de ses besoins d’une part et le caractère limité des
ressources de l’autre. Appliqué à l’énergie, ce scénario-catastrophe
fait craindre de nouvelles flambées des prix à court ou moyen terme et
le chaos à long terme ». La formule employée scénario-catastrophe
dit bien l’inconscience des acteurs de cette commission que l’on peut
juger avec les éléments d’aujourd’hui. Où, néanmoins, l’exploitation du gaz de schiste repousse un peu le problème spécifique du gaz naturel.
Pour les surgénérateurs, les auteurs sont également inconscients du
fait que ce sont des ennuis techniques sérieux qui ont frappé le PFR anglais et qui grevait le projet allemand de Kalkar. Les russes eux continuaient imperturbablement leur programme « rapide », le japonais n’ont pas abandonné le leur puisque leur prototype Monju va être redémarré. Les américains de leur côté ont toujours maintenu un niveau d’études sérieux sur le sujet et l’Inde progresse dans cette voie.
Les avantages potentiels de Super Phénix sont reconnus et son degré de sûreté est placé au niveau de celui des REP.
Le rapport reconnait le fait que le cycle Plutonium dans les réacteurs rapides permet de tirer de l’ordre de 60 à 80 d’énergie de l’uranium naturel, ce qui confère alors à ce minerai une place majeure dans les réserves énergétiques [il y a aussi le Thorium]. L’avantage sur l’élimination des déchets, notamment en brûlant du plutonium et des actinides, est acté. Depuis, des études dans Phénix ont confirmé cette possibilité par voie dite « homogène » (dans le combustible même).
Il faut ajouter que ce type de réacteur avec l’inertie thermique de
ses collecteurs froid et chaud au primaire permet d’envisager un suivi du réseau (électrique).
Le scientifique Hubert Curien accorde à Super Phénix un degré de sûreté équivalent à celui des REP. Un autre met en avant la maitrise acquise sur les feux de sodium. Disons, que Super Phénix
a eu le grand avantage d’avoir une sûreté qui a été directement prise
en compte dans le projet. Ainsi, l’aspect sûreté a fait l’objet d’études
antérieures à celles sur les PWR que l’ accident TMI a réellement fait décoller. Mais ayant à l’esprit que Super Phénix était un prototype, des études de sûreté sur l’accident grave, sur les réactions sodium/eau, sur la récupération du corium doivent être poursuivies dans le cadre d’ ASTRID.
De plus, il est reconnu que les rejets radioactifs extérieurs de
cette centrale sont très nettement inférieurs (40 fois plus faibles
est-il mentionné) à ceux d’une centrale fonctionnant avec des REP.
La conclusion revient au responsable actuel de l’ ASN, -sûreté nucléaire-, André-Claude Lacoste : « la sûreté de Superphénix est cohérente avec celle du parc des réacteurs à eau sous pression qui constituent notre référence ».
Coûts et fonctionnement de Super Phénix
Le coût total de l’investissement national sur la filière à neutrons rapides, Harmonie, Rapsodie, Phénix, part de Super Phénix…, chiffré par la court des comptes dans les années 90 a été de 60 milliards de francs [9 milliard d’euros]. Cet effort avait placé la France au
plus haut niveau mondial dans ce domaine, dont l’intérêt ne s’est
jamais démenti et qui va déboucher bien plus tôt que la date avancée par
cette commission, 2050, alors que l’on est actuellement fixé sur le milieu des années 2020. Et en matière de dépassement de prévisions budgétaires, on était avec Super Phénix très loin de ce qui se passe aujourd’hui pour ITER.
La vérité c’est que l’abandon de Super Phénix est aussi un immense gâchis financier.
Aujourd’hui si l’on veut se remettre à niveau avec ASTRID prototype de 600 MWe, il faut au moins réinvestir le coût de ce réacteur, soit de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros dans
une estimation assez grossière. A ce propos on peut se poser la
question suivante : comment étions-nous capable de faire cet effort
national avant, alors qu’aujourd’hui cela parait extrêmement difficile ?
Sur le fonctionnement de Super Phénix ce que dit le rapport se passe de commentaires.
« Les périodes d’exploitation sont en conclusion les suivantes : de janvier 1986 à mai 1987 (17 mois), d’avril 1989 à juillet 1990 (15 mois), d’août à décembre 1994 (5 mois) et de septembre 1995 à décembre 1996 (16 mois), soit, au total 53 mois, pendant lesquels la production cumulée d’électricité atteint 8 milliards de kWh.
En tout état de cause, pour NERSA, la période de référence de Superphénix est l’année 1996. Les « défauts de jeunesse » de Superphénix sont enfin surmontés. Le réacteur marche à plein régime, avec un taux de disponibilité de 95 % hors arrêts programmés et produit 3,5 milliards de kWh. »
Le coût du kWh nucléaire est aujourd’hui estimé au minimum à 45 centimes d’euros. Au coût actuel le fonctionnement de Super Phénix aurait donc pesé 3.6 milliards d’euros.
Les votes
Dans le contexte d’une décision déjà prise, les votes n’ont qu’une
signification relative. Néanmoins, si la commission avait refusé
l’abandon de SPX, ce qui aurait été possible si les commissaires avaient voté en leur âme et conscience, la position politique de Lionel Jospin en aurait été affaiblie.
Le groupe RPR n’a pas participé au vote à l’exception de Jean-Bernard Raymond qui avait pris l’avis d’ingénieurs de Cadarache et a finalement été le seul à voter NON. Robert Honde
qui était totalement conscient de l’intérêt et de la nécessité future
des réacteurs rapide a avoué à une délégation d’ingénieurs dont je
faisais partie que C Bataille avait fait directement pression sur lui.
On laissera le mot de la fin [fin d’une époque] à J-B Raymond,
le seul député ayant voté contre cette opération de basse politique :
« Ce qui m’a frappé en revanche, c’est la contradiction fondamentale
entre l’analyse et la conclusion (de ce rapport) »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire