Il y a 75 ans, la tragédie de Saint-Eustache en Haute-Savoie

Par heimbergch
31 déc. 2018
Blog : Chroniques pour mémoires

 
Il y a juste 75 ans, le 31 décembre 1943, un acte de représailles vise le village de Saint-Eustache, près du lac d'Annecy. Des fermes sont pillées, 28 hommes sont arrêtés dont 24 vont être déportés parmi lesquels 17 ne reviendront pas.

Il y a juste 75 ans, le 31 décembre 1943, un acte de représailles vise le village de Saint-Eustache, près du lac d'Annecy. Le 22 décembre, en effet, au moulin du hameau de Lavray, alors que des résistants s'apprêtent à cacher des armes, ils sont surpris au déjeuner par un militaire allemand et un interprète civil. Après quelques propos échangés, l'interprète trouve une grenade dans une veste et l'Allemand veut téléphoner. Des coups de feu s'ensuivent et les deux intrus sont tués, de même qu'un chauffeur qui attendait dans leur voiture. Les résistants cherchent à cacher les cadavres et la voiture, mais ils échouent, croyant à tort à une embuscade. La voiture et les dépouilles sont donc abandonnées au bord de la route dans les environs. Et tout le monde s'attend désormais à de féroces représailles.

Le curé et le maire de Saint-Eustache tentent toutefois de prévenir le pire. Le maire est arrêté pour des interrogatoires et sera libéré après coup. Mais la terrible dynamique de la criminalité nazie est en marche et ne s'arrêtera pas. Le 31 décembre au matin, tous les hameaux de la commune sont encerclés, de nombreuses fermes sont pillées, des granges sont incendiées et des hommes sont arrêtés les uns après les autres, notamment ceux venus porter le lait à la fruitière. Les 28 otages sont emmenés à Annecy et ceux qui ne sont pas domiciliés dans la commune sont relâchés. La logique de la vengeance arbitraire est implacable, il faut martyriser la commune où des Allemands ont été tués. 24 hommes ont été déportés avec d'autres, venus d'Habère-Lullin notamment. À Saint-Eustache, 17 ne reviendront pas. C'est un village de plus qui est marqué par les crimes contre l'humanité du national-socialisme.

 
 Ouvrage édité en 2003 par l'Association du Souvenir des Déportés de Saint-Eustache

Mémoire du dernier jour: le sous-titre de l'ouvrage historique et commémoratif de Guy Pégatoquet, Michel Folliet et Joseph Tilliet est de circonstance. Avec les ouvrages de Michel Germain sur la Haute-Savoie pendant la Seconde Guerre mondiale (par exemple, La Haute-Savoie. 1939-1945. Entre ombre et lumière, Montmélian, Éditions La Fontaine de Siloé, 2014, pp. 107-110), ce livre sur La tragédie de Saint-Eustache constitue une référence pour la connaissance de ce drame. Il reproduit des documents d'époque, dépositions ou correspondances de déportés, et des extraits de témoignages des familles et des enfants, qui sont poignants. Il rend hommage non seulement aux victimes de cette criminalité sans limite, mais aussi à ces veuves qui ont dû prendre en charge les exploitations agricoles. 


 
La plaque apposée sur la Place-du-31-Décembre-1943 de Saint-Eustache

La plaque commémorative apposée en 1983 à Saint-Eustache porte cette mention - NON À LA HAINE / NON À L'OUBLI - qui nous rappelle que seules la reconnaissance des faits, la connaissance de l'histoire et le travail de mémoire peuvent permettre de dépasser les traumatismes du passé, surtout les plus cruels.
Charles Heimberg (Genève) 


P.S. Cette (trop) brève évocation donne aussi l'occasion de souligner combien ce drame, situé comme d'autres à moins d'une heure de route de la frontière franco-genevoise, est méconnu au bout du lac Léman et ne devrait plus l'être tant il met en jeu, comme d'autres, les droits humains d'hier, d'aujourd'hui et de demain. 


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