Trajectoires d’évolution du mix électrique 2020-2060 : la réponse de l'Académie à l'étude de l' ADEME sur le mix énergétique futur".
Commentaires d’une étude ADEME publiée le 10 décembre 2018
Synthèse de l’avis de l’Académie des technologies
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a largement médiatisé en décembre 2018 son évaluation de l’évolution du Mix électrique jusqu’en 2060. Elle recommande en substance d’arrêter les centrales existantes avant leur fin de vie, les remplacer massivement par des installations solaires et éoliennes (multiplication par plus de dix des puissances installées actuelles), et développer une économie de l’hydrogène avec les surplus d’électricité des périodes favorablement ventées et ensoleillées.
L’Académie des technologies, comme elle l’a déjà écrit, s’inscrit pleinement dans la politique de développement des énergies renouvelables. Elle considère que la réussite de cette politique suppose des hypothèses réalistes. C’est pourquoi elle estime que les conclusions de l’étude de l’ ADEME doivent être prises avec une très grande prudence. Elles ne devraient en aucun cas servir de base à des décisions de politique publique et leur médiatisation est prématurée. L’avis de l’Académie, justifié dans la note jointe, est notamment fondé sur les éléments ci-après.
1. L’ ADEME n’a publié qu’une « synthèse » de son étude, qu’elle n’a pas soumise à une évaluation scientifique. Elle ne met pas en mesure les experts d’exercer leur légitime rôle d’évaluation et de contrôle. Présentée comme une « réponse à ses adversaires », l’étude de l’ ADEME est affectée de nombreuses erreurs de méthodes et de contradictions.
2. L’approche de l’ ADEME se concentre sur le secteur Électrique. Cependant les hypothèses qu’elle prend impactent les autres secteurs énergétiques et particulièrement le Gaz. Il existe des interactions entre ces secteurs ; par exemple, l’ ADEME propose le développement d’importantes quantités de biogaz, notamment à partir d’hydrogène produit par électrolyse. Cependant on peut douter que cette stratégie soit compatible avec les contraintes propres au stockage et au transport de l’Hydrogène dans le secteur Gaz.
3. L’ ADEME envisage une quasi-stagnation de la demande d’électricité jusqu’en 2060, malgré de nouveaux usages. Cette hypothèse est plus basse que celle retenue par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) du Ministère de l’Environnement. Sur une aussi longue période, la prise en compte d’une croissance, ne serait-ce que de
1% par an, modifierait radicalement les résultats
Malgré ces hypothèses basses sur la demande, les trajectoires de l’ ADEME n’assurent pas la neutralité Carbone en 2050 – ce qui est pourtant un objectif gouvernemental - ni même en 2060. A cet horizon, les trajectoires de l’ ADEME requièrent des importations significatives d’électricité, pour pallier les aléas du soleil et du vent. Mais les pays limitrophes seront soumis à des conditions météorologiques analogues, et ils ne seront pas en mesure de garantir les besoins français d’électricité.
4. Les coûts induits sur le secteur Gaz par le Mix électrique envisagé ne sont pas présentés. L’ ADEME fonde à tort ses conclusions sur la seule économie de l’ Electricité, sans prendre en compte les nécessaires investissements et d’exploitation du secteur Gaz.
5. De nombreuses hypothèses économiques retenues par l’ ADEME (a) paraissent très discutables : -Le facteur de charge de la production éolienne terrestre adopté par l’ ADEME est sensiblement supérieur au facteur de charge actuel ; cependant l’ ADEME admet que les futurs sites seront moins bons que les sites présents (b), ce qui est inévitable.
-Les installations de production d’hydrogène auront des facteurs de charge faibles ; en outre, les rendements attendus des processus de conversion (électrolyse d’électricité excédentaire, transport, stockage d’hydrogène, production d’électricité à partir de l’hydrogène) se heurtent à des limites physiques ; ils sont, in fine, très faibles. Ces pénalités ont-elles été correctement prises en compte ?
6. Certaines perspectives d’évolution des coûts d’investissement des énergies renouvelables sont surestimées par l’ ADEME ; par exemple des baisses encore très significatives de l’éolien terrestre – technologie mature – sont peu probables.
7. L’ ADEME ne semble pas prendre en compte de manière réaliste deux difficultés d’un système électrique fondé sur une proportion importante d’énergies intermittentes : la garantie du synchronisme (c) – clef de la stabilité du réseau - et l’ajustement aux variations rapides et fréquentes de la charge. L’ ADEME convient que « des analyses supplémentaires seraient nécessaires ».
8. Les coûts des trajectoires de l’ ADEME sont très voisins (moins de 3%) ; au vu d’écarts aussi faibles à un horizon si lointain, et d’incertitudes aussi grandes, les conclusions de l’ ADEME sont prématurées. En l’absence d’écarts significatifs entre trajectoires, il serait plus pertinent de reconnaître la nécessité de diversifier le mix énergétique, sans donner l’exclusivité à une au développement des énergies renouvelables intermittentes.
La transition énergétique va mobiliser des centaines de milliards d’euros ; elle est porteuse de changements majeurs pour les générations futures. Ce serait une erreur de fonder cette transition sur des hypothèses techniques et économiques erronées tant sur les filières de production (renouvelables, nucléaire) que sur le système énergétique global, en négligeant les acquis de la France dont l’électricité est déjà essentiellement décarbonée au profit de solutions hypothétiques et aléatoires. Les orientations proposées par l’ ADEME sont risquées.
(a) Ou qui paraissent avoir été retenues : nous n’avons qu’une synthèse de l’étude, avec une connaissance très partielle de ses hypothèses.
(b) L’agence retient dans son étude un facteur de charge sensiblement supérieur à celui qu’elle propose dans son cahier d’hypothèses.
(c) C’est à dire l’ajustement instantané entre production et demande d’électricité
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