Énergie nucléaire : le triple don de Dieu ?

Michel Gay


La centrale nucléaire de Cattenom By: Gilles FRANCOIS - CC BY 2.0


L’Homme est parvenu à domestiquer l’atome pour produire de l’énergie décarbonée en suffisance. Mais la Nature l’a grandement aidé.

Trois véritables miracles de la nature permettent au génie humain de maîtriser l’énergie nucléaire pour produire de l’électricité en abondance. Sans cette triple particularité (ce don de Dieu ?) enfouie au plus profond de la matière, l’énergie nucléaire ne pourrait pas être utilisée. 


Le premier miracle
L’uranium 235 (U235) est le seul élément fissile naturel restant sur Terre après l’explosion de la supernova qui a donné naissance au système solaire il y a plusieurs milliards d’années.
Le noyau de son atome (qui contient 235 protons et neutrons) se casse « facilement » en deux ou trois « morceaux » en libérant de l’énergie lorsqu’il est percuté par un neutron.
L’U235 représente actuellement 0,7 % de l’uranium naturel (abondant sur terre) qui contient 99,3 % d’un autre uranium légèrement différent : l’uranium 238 (U238). Ce dernier n’est pas fissile mais « fertile » car il peut devenir fissile au cours des réactions nucléaires (en absorbant des neutrons).
Sans l’U235, sans cette unique « allumette initiale » encore disponible sur Terre aujourd’hui, l’exploitation de l’énergie nucléaire ne serait pas possible. Tous les autres éléments ayant cette propriété ont disparu depuis leur création. 


Le deuxième miracle
Lorsque le noyau de l’atome d’U235 se casse (c’est la fission), il libère lui-même plusieurs neutrons (en général 2 ou 3) qui vont aller fissionner d’autres noyaux d’uranium, qui eux-mêmes vont produire de l’énergie et d’autres neutrons. Cette réaction en cascade « d’éclatements » successifs est appelée « réaction en chaîne ».
Si ce noyau d’U235 n’émettait pas lui-même au moins deux neutrons par éclatement, l’exploitation du nucléaire (fondée sur cette réaction en chaîne) ne serait pas possible.
Mais les réactions en chaîne dans la matière se produisent à une vitesse vertigineuse. Ce rythme fulgurant de multiplication des neutrons est recherché, et même volontairement amplifié, dans les bombes nucléaires pour obtenir un effet maximum de chaleur (explosion) en un minimum de temps, comme la poudre noire dans une cartouche de fusil.
Les deux premiers miracles ne permettraient donc seulement que des réactions explosives sans un troisième miracle.

Le troisième miracle
Les noyaux de l’U235 absorbent parfois le neutron incident pendant « un certain temps » avant de se briser (et d’éjecter également 2 ou 3 neutrons), et les nouveaux noyaux issus de la fission émettent également des neutrons avec « un certain retard » (jusqu’à plusieurs minutes).
Dans un réacteur nucléaire, ce retard providentiel donne le temps nécessaire pour réguler en permanence la réaction en chaine, et donc pour contrôler la chaleur qui produira l’électricité.
Sans ce troisième don de Dieu, sans ces « neutrons retardés », la maîtrise de la réaction nucléaire dans la matière ne serait pas possible pour produire de l’électricité au bénéfice de l’humanité.

Un cadeau de l’Univers (de Dieu ?)
La vie de certaines étoiles se termine parfois par une gigantesque explosion appelée supernova. La nébuleuse du Crabe dans notre galaxie, par exemple, est le reste d’une supernova qui a été observée sur Terre en 1054 par des astronomes chinois.
Ces phénomènes produisent des éléments tels que le fer, le platine, l’or, et l’uranium qui ensemencent l’espace galactique. Ces « poussières d’étoiles » s’agrègent ensuite avec le gaz interstellaire pour former de nouveaux systèmes solaires et des planètes, comme notre bonne vieille Terre.
Certaines matières radioactives issues de ces transformations naturelles sont toujours présentes en grande quantité dans la croûte terrestre. Ils participent de manière prépondérante (83 %) à la géothermie de notre planète (notamment le thorium et l’uranium pour respectivement 44 % et 39 %). Ce sont les deux seuls éléments naturels utilisables « fertiles » sur Terre pour produire de l’énergie nucléaire.
Ainsi, dans les réacteurs nucléaires, d’autres éléments fissiles apparaissent ensuite, tels que du plutonium (issu de l’uranium 238), ou de l’uranium 233 (issu du thorium).
Ces derniers peuvent aussi à leur tour jouer ce rôle « d’allumette » comme l’U235 et engendrer de la chaleur pendant des millénaires grâce aux réacteurs « à neutrons rapides » ou « surgénérateurs », dont certains fonctionnent déjà et d’autres sont en préparation.
Ces réacteurs, dits de quatrième génération, utilisent 100 fois mieux l’uranium naturel (abondant) et le thorium (encore plus abondant). Les réserves mondiales de combustibles nucléaires sont de plusieurs milliers d’années pour ce type de réacteurs.


L’uranium est aujourd’hui sous-utilisé
En France, plus de 300 000 tonnes d’U238 sont déjà stockées en 2019. Ce stock constitue une réserve de… 3 000 ans (trois mille ans) sur notre sol. En effet, une quantité d’U238 d’environ 100 tonnes par an serait suffisante dans des surgénérateurs pour produire l’électricité nécessaire à notre consommation nationale.
Aujourd’hui, 55 réacteurs nucléaires sont en construction dans le monde, et les 450 en fonctionnement utilisent moins de 1 % du contenu énergétique de l’uranium naturel. Le taux de fission est généralement de 0,6 %. Il peut atteindre 0,8 % en France en recyclant une fois les matières valorisables (uranium et plutonium) encore présentes dans les combustibles usés.
Donc plus de 99 % du « combustible » n’est pas encore utilisé aujourd’hui… mais le sera demain dans les surgénérateurs


Une énergie durable à l’échelle humaine
Demain, nos enfants ne manqueront pas d’énergie nucléaire propre dont la production de déchets est maîtrisée et confinée de manière sûre et durable pour produire l’électricité décarbonée nécessaire à leur qualité de vie (chauffage, industries, transports,…) pendant des milliers d’années sans utiliser de combustibles fossiles.
L’uranium 235 est donc la triple divine allumette nucléaire qui permet de tirer parti de la fantastique réserve d’énergie contenue dans le cœur de la matière.
Ce triple « don de Dieu » contribuera de plus en plus au confort de l’humanité. Il procurera aux hommes qui le voudront (et qui le pourront) une production d’électricité propre, décarbonée, abondante, bon marché, et durable pour rendre notre planète plus agréable à vivre.


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