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Guerre et paix
Guerrier Blackfoot - Library and Archives Canada
(...) "Les principaux affrontements entre les Indiens des Plaines et l'armée fédérale durèrent un peu plus de deux décennies. Ils débutèrent au cours des turbulentes années 1850, s'intensifièrent pendant la guerre de Sécession (1861-1865) et atteignirent leur paroxysme dans les années qui suivirent. Au début, les Indiens s'accordèrent plutôt bien et remportèrent de nombreux succès. Au cours de la dernière période, les troupes fédérales prirent le dessus, mais pas avant que le chemin de fer ait atteint les Grandes Plaines et que les bisons aient disparu. Durant les campagnes militaires, Indiens et représentants du gouvernement des États-Unis s'efforcèrent d'établir une paix durable, mais les pressions exercées par une population blanche envahissante contrarièrent ces efforts jusqu'à ce que les Indiens des Plaines soient finalement regroupés sur de petites réserves éparpillées dans tout l'Ouest.
La population blanche de cette région des États-Unis connut une croissance stupéfiante. Elle passa successivement d' 1 300 000 habitants, en 1860, à 2 300 000 en 1870, puis à 4 900 000 en 1880. Les Indiens étaient environ 350 000 dans tout l'Ouest en 1860 et seulement 75 000 sur les Grandes Plaines.
La phase finale des guerres entre Indiens des Plaines et troupes fédérales dura de 1864 à 1876 et atteignit son apogée durant la même période, mais en fait, dès 1870 la majeure partie des tribus vivaient sur des réserves et, après cette date, les combats opposèrent pour l'essentiel l'US Army à des guerriers qui avaient quitté leur réserve avec leur famille et refusaient d'y retourner. Dans la plupart des cas, il s'agissait d'opérations de nettoyage. Quand l'armée se décida à attaquer les Indiens dans leurs repaires d'hiver, la résistance de ces derniers cessa.
À long terme, les Indiens n'avaient aucune chance, mais au début, il en fut tout autrement. Les Indiens possédaient plusieurs avantages. Ils demeuraient de formidables guerriers et de magnifiques cavaliers, et connaissaient parfaitement leur terre natale. En outre, leurs traditions militaires et leur art équestre étaient sans égal. Dans les premières années, l'armée de l' Ouest pâtit de son manque d'expérience des tactiques de guérilla équestre employées par les Indiens des Plaines. Elle souffrait également du faible niveau de son commandement et de son encadrement, et certaines de ses composantes, telles que les milices des États et les unités de volontaires locaux assermentés, n'étaient qu'un ramassis de soldats d'occasion. Par contre, elle était équipée et approvisionnée par une industrie florissante et un réseau de chemins de fer en pleine expansion, et elle disposait du télégraphe. Tous ces avantages ne compensaient pas les faiblesses constatées. Après la guerre de Sécession, l'Armée de l'Ouest acquit rapidement de l'expérience et fut dotée de chefs et de cadres extrêmement talentueux.
Les Indiens des Plaines ne pouvaient remporter une guerre sur le long terme. Ils manquaient des ressources et approvisionnements nécessaires, et étaient incapables d'un effort concerté, unifié et concentré. Ils ne pouvaient pas soutenir une offensive suivie, ni occuper et tenir un terrain conquis. Même quand ils étaient victorieux, ils finissaient la plupart du temps par battre en retraite, car l'idée de contrôler certains endroits stratégiques, gués, collines, cols, passes, etc., était étrangère à leur conception de la guerre. Pour eux, celle-ci restait une série de combats individuels au cours desquels il était important de compter des coups que de tuer ou de capturer des ennemis. En outre, les Indiens des Plaines furent toujours plus intéressés par la possibilité de voler des chevaux et de lancer des raids contre d'autres villages ou campements indiens, que par la nécessité de combattre l'US Army.
La perception que nous avons de ces guerres relève souvent du mythe. Beaucoup de soldats n'étaient pas très motivés. Pour eux, les guerres indiennes étaient souvent synonymes de journées interminables, de campements de fortune autour d'un trou d'eau, de longues marches durant des semaines à travers des plaines poussiéreuses, d'absence de commodités. Même si les engagements étaient nombreux, les guerres indiennes n'avaient rien de chevaleresque. Dans les forts de la «frontière», la vie avait les inconvénients du confinement, mais on y trouvait un confort relatif et quelques amusements, dont les jeux d'argent; et les petites villes champignons qui poussaient près des postes militaires offraient quelques distractions. De même, beaucoup d'officiers auraient préférés ne pas combattre les Indiens des Plaines, mais à partir du grade de colonel, seul un succès sur le champ de bataille était susceptible de valoir de l'avancement. En cette période d'après guerre de Sécession, les promotions étaient rares et la concurrence féroce.
On a généralement une idée fausse des combats. Les guerriers indiens faisaient rarement front et préférant les attaques éclairs et les actions de guérilla, les engagements quand ils se produisaient, n'étaient qu'une suite d'accrochages brefs et de poursuites. Mais en 1868, des soldats se retranchèrent et parvinrent à repousser les attaques répétées des cavaliers indiens. Cet événement fit la une des journaux sous le nom de : «la bataille de Beecher's Island», sur l'Arikaree Fork de la rivière Republican (actuellement Nord-Est du Colorado). Ainsi, les lecteurs eurent l'impression que la plupart des combats qui opposaient l'armée de l'Ouest aux Indiens des Plaines se déroulaient de telle manière. En réalité, la cavalerie américaine devait, la plupart du temps, chevaucher pendant des kilomètres et des kilomètres avant de parvenir à engager l'ennemi, puis se résigner à le voir disparaître dès qu'elle prenait l'avantage. Les combats classiques étaient rares. Pour les Indiens les engagements contre l'armée fédérale consistaient surtout à se replier en couvrant les déplacements de leurs familles d'un site de campement à un autre.
Les forts entourés d'une palissade fortifiée sont une autre idée fausse. La plupart n'en avaient pas. Dans le milieu des années 1860, le gouvernement fédéral fit effectivement palisser des postes le long de la piste Bozeman, qui conduisait de Fort Laramie aux filons aurifères de l'Ouest du Montana, mais cette pratique était habituellement trop coûteuse, d'autant que ces installations militaires étaient généralement temporaires. De toutes façons, ces palissades s'avéreraient inutiles, car les Indiens attaquaient très rarement des postes militaires, se contentant de lancer des raids pour voler les chevaux et le bétail qui paissaient à proximité.
Un autre mythe a trait au grand nombre de soldats et guerriers indiens tués. En 1868, lors de la bataille de Beecher's Island, tout à fait exceptionnelle puisqu'elle dura 9 jours, les pertes de l'US Army s'élevèrent à 6 morts et coté indiens, 9 guerriers tués (source indienne). Autre exemple, en 1875, après 5 mois de poursuite de guerriers apaches à travers le Llano Estacado (Ouest du Texas et Est du Nouveau-Mexique), le lieutenant-colonel R. Shafter rapporta avoir tué un Apache et fait 5 prisonniers (4 femmes et 1 enfant). Aucun de ses hommes ne manquait à l'appel. À l'exception de la révolte des Sioux du Minnesota et du massacre de Sand Creek, peu de blancs et encore moins d'Indiens trouvèrent la mort au cours des guerres sur les Grandes Plaines. En fait, durant tout le XIXe siècle, il y eut probablement plus d'Indiens tués à l'occasion d'affrontements intertribaux que lors d'engagement contre des soldats blancs.
Sur la trentaine de groupes tribaux présents dans les prairies et sur les hautes plaines de l'Ouest au milieu du XIXe siècle, seuls quelques uns combattirent les troupes fédérales. La majeure partie, principalement les plus faibles, qui avaient reçu des corrections infligées par des ennemis plus puissants, se rangèrent aux côtés des soldats. Ainsi, Pawnees et Crows fournirent des éclaireurs à l'US Army et l'aidèrent de diverses manières. Les conflits intertribaux préexistant eurent une influence sur la lutte contre les Blancs.
Les Indiens s'adaptèrent à l'aggravation de ces conflits avec les Blancs. Certains groupes tribaux modifièrent quelque peu leur organisation sociale, passant de tribus composites à des chefferies. La tribu avait une organisation sociale assez peu structurée et plusieurs leaders, mais sous la pression des évènements, de l'intensification de la guerre, les Indiens des Plaines se tournèrent vers des chefs charismatiques, tels que Sitting Bull, Red Cloud, Crazy Horse, Quanah ou Black Kettle. Le chef devint une figure de proue pour les membres de la tribu. Il assumait la responsabilité de leurs moyens d'existence, de leur politique et de leurs relations avec les autres – communautés indiennes et communautés blanches. Toutefois, ses pouvoirs n'étaient pas sans limites, car il n'avait aucune autorité légale pour faire appliquer ses décisions, et cette absence d'autorité était une faiblesse du nouvel ordre des choses. Les Arapahos lors d'un conseil tenu à Horse Creek en 1851, se choisirent Little Owl comme chef suprême, concession accordée aux représentants du gouvernement fédéral. Les Lakotas résistèrent à ce chef unique, puis finirent par créer une fonction politique et diplomatique. Si des changements se produisirent pendant cette période, aucune confédération indienne ne vit le jour sur les Plaines afin de résister à la poussée blanche. De même, une politique étrangère cohérente ne vit pas le jour chez les Indiens des Plaines, au contraire, par exemple, des Iroquois et des Cherokees. À cela, deux raisons principales : la défaite survint rapidement et les animosités intertribales provoquées par la réduction des territoires de chasse et par la raréfaction violente des bisons.
chef Quanah Parker, fils d'un chef commanche et d'une femme blanche. |
À la fin de la guerre de Sécession, l'US Army ne comptait plus que 56 000 officiers, sous-officiers et hommes de troupe, servant dans trois divisions : Atlantique, Pacifique et Mississippi. La division Mississippi (Missouri à partir de 1869) conduisit la majeure partie des campagnes contre les Indiens des Grandes Plaines. Cette structure était assez lâche mais hautement centralisée. La chaîne de commandement remontait des officiers sur le terrain aux officiers de districts, puis aux commandants de département et de division, jusqu'au chef d'état-major de l'armée, au secrétaire de la guerre et au président des États-Unis. Les Indiens des Plaines ne disposaient pas d'une telle organisation. Ils n'avaient ni structure centralisée, ni commandement unifié, ni politique globale, ni autorité suprême, et leurs chefs de guerre ne pouvaient compter que sur leur influence personnelle pour s'imposer. Puis, les Indiens des Plaines se battaient surtout pour acquérir honneurs et distinctions, en plus de protéger leur foyer et leur famille, et leur priorité restait les conflits qui les opposaient à d'autres groupes tribaux, leurs ennemis traditionnels.
Après 1860, les Indiens des Plaines et l'US Army s'affrontèrent lors de plusieurs campagnes, totalisant plus d'une centaine de batailles rangées. Il y eu la révolte des Sioux de Minnesota, de 1862, et s'achevèrent par la grande guerre contre les Sioux, en 1876. En 1890-1891, «l'insurrection"» des Sioux provoqua un ultime affrontement, dramatique, opposant les Cheyennes du Nord et les Lakotas à 5 000 soldats). Entre ces deux guerres, se déroulèrent la guerre contre les Cheyennes et les Arapahos, la guerre contre les Sioux de 1866-1868, la campagne de la Washita, la guerre de la Red River et bien d'autres encore.
La guerre de Sécession marqua un tournant. Jusqu'en 1860, la domination de l'armée US était suffisante pour maintenir un semblant de paix. Dès le début des hostilités Nord-Sud, la situation changea du tout au tout. Quantité de forts furent abandonnés, surtout au Texas, et les Indiens (et certains colons blancs) s'empressèrent de les démanteler. Beaucoup de colons s'enrôlèrent, laissant femmes, enfants et personnes âgées seuls dans les fermes et les ranchs de la «frontière». Devant cette nouvelle situation, les Indiens des Plaines se mirent à lancer des raids de plus en plus fréquents et audacieux. Les combats s'intensifièrent et dès 1862, un conflit majeur était en cours.
Pour les Blancs du Texas, la situation devint vite effroyable. Apaches Lipans et Kichapoos, d'autres encore, lançaient des raids à depuis le Mexique. Comanches et Kiowas frappaient depuis les Plaines. Devant l'ampleur du phénomène, certains blancs abandonnèrent maisons, fermes ou ranchs, et la «frontière» recula de plus de 150 kms dans certaines régions. D'autres préférèrent se «fortifier» en s'entassa dans les postes militaires. Des unités territoriales furent constituées pour résister.
"Comancheria", le "pays comanche", en 1850 |
Colons blancs rescapés des attaques et massacres perpétrés par les Sioux, en 1862, lors de la Guerre du Dakota. |
Au Minnesota en 1862, les Sioux révoltés détruisirent maisons et villages, et firent de nombreuses victimes. Les guerriers Santees, conduits par Shakopee, Big Eagle, Mankato, Red Middle Voice et même Little Crow (avocat de la paix) incendièrent et pillèrent, tuant plus de 400 Blancs dans une vaste région s'étendant le long de la rivière Minnesota. La troupe finissant par rétablir l'ordre, les autorités locales jugèrent pour meurtre, incendie criminel et viol, 400 Santees. 306 furent condamnés à la pendaison. Le président Abraham Lincoln, considérant que ces actes étaient des faits de guerre, en gracia 267.
Les causes de cette révolte étaient multiples : hostilités et frictions incessantes entre Indiens et Blancs, existence de factions au sein de la tribu, manquement du gouvernement fédéral à son obligation de protéger le territoire Dakota, absence de troupes due à la guerre de Sécession, et non respect des traités depuis un demi siècle. Mais la cause immédiate fut le retard dans le versement de l'annuité de 1862 (70 000 dollars annuel pendant 50 ans). À court de nourriture, car sans annuité, les Santees ne pouvaient préparer la saison de chasse aux bisons, et endettés auprès des négociants de l'agence des Affaires Indiennes, ils se voyaient refuser tout crédit. Un des marchands, Andrew Myrick, avait préconisé que pour se nourrir les Santees «n'avaient qu'à manger de l'herbe!». Les Santees pillèrent l'entrepôt de l'agence aux Affaires Indiennes, tuèrent Myrick et lui emplirent la bouche d'herbe. Les autorités locales durent mobiliser environ 6 300 miliciens et soldats fédéraux pour vaincre les Santees. La révolte avait contraint plus de 10 000 colons à fuir leurs maisons et leurs fermes. 23 comtés avaient été dévastés et presque vidés de leur population. Les Santees durent évacuer leur réserve et déménager vers l' Ouest et le territoire du Dakota. Leur annuité fut suspendue pendant 4 années. Ils ne jouèrent plus qu'un rôle mineur par la suite.
L'année suivante débuta la guerre contre les Cheyennes et les Arapahos (1864-1865). Les Lakotas au Nord, les Comanches et les Kiowas au Sud, se joignirent aux guerriers cheyennes et arapahos pour attaquer trains de mulets, convois de chariots, diligences, ranchs, villes, immigrants en route pour le Colorado. Des unités de volontaires du Colorado, qui avaient parfois pour seul objectif de voler les chevaux des Indiens, ripostèrent en attaquant des campements de chasseurs. Le 29 novembre 1864, les «assommeurs pour cent jours», des volontaires du Colorado commandé par le colonel John Chivington, pasteur de l'église méthodiste, attaquèrent le campement de Sand Creek, dans le Sud-est du Colorado. Ils tuèrent au moins 163 hommes, femmes et enfants. Ce fut un massacre, qui suscita tant d'émotions, qu'il convoqua une commission d'enquête. En 1865, un fort mouvement en faveur de la paix, parmi les Indiens comme parmi les Blancs, mit rapidement fin à la guerre.
Affamés et désespérés, des bandes de Cheyennes et d'Arapahos avaient commencé à attaquer des convois de chariots pour se procurer de la nourriture, et des ranchs pour voler du bétail. Craignant une nouvelle guerre indienne, les autorités du Colorado avaient riposté sans attendre. Les traités mettant fin à cette situation furent signés en octobre 1865. Dans le Sud des Plaines, Jesse Leavenworth, agent des Affaires Indiennes, William Bent et Kit Carson rencontrèrent des leaders des Comanches, des Kiowas, des Apaches Kiowas, des Cheyennes et des Arapahos au confluent de l'Arkansas et de la Little Arkansas. Black Kettle et Little Robe représentaient les Cheyennes, Little Raven et Storm représentaient les Arapahos. Ils acceptèrent de se regrouper sur une réserve située au sud de l'Arkansas contre l'obtention de présents, le versement d'une annuité et la dénonciation, par le gouvernement fédéral, des atrocités commises au bord da la rivière Sand Creek. Les Comanches, conduits par Rising Sun, Buffalo Hump et Ten Bear, et les Kiowas, conduits par Stinking Saddle Horn, Satanta (White Bear) et Satank, acceptèrent une réserve située au sud de celle des Cheyennes et des Arapahos, et conservèrent le droit de chasser dans l'extrême Nord-Ouest du Texas. Ils reçurent également des présents et des annuités.
Dans le Nord des Plaines, Newton Edmunds, gouverneur du Territoire du Dakota, et Edward B. Taylor, surintendant aux Affaires Indiennes, rencontrèrent à Fort Sully, sur le Missouri, des leaders des Lakotas et des Yanktonais : Lone Horn, Iron Nation, White Hawk, War Eagle, Yellow Hawk, Buck et Charging Bear pour les Lakotas; Big Head et Toll Soldier pour les Yanktonais. Tous les représentants des Indiens, except Lone Horn, étaient des partisans de la paix et n'avaient pas pris part aux dernières hostilités. Ils obtinrent des présents et des annuités. L'encre des traités de Fort Sully (9) avaient eu à peine le temps de sécher quand éclata la guerre contre les Sioux de 1866-1868.
Red Cloud, le fameux guerrier Oglagla, et Tasunkakokipapi (Jeune-Homme-dont-ils-craignent-les-chevaux), un autre chef Oglagla, prirent la tête des Lakotas et de leurs alliés pour s'opposer au projet fédéral de la construction d'une route à travers leurs riches territoires de chasse de la vallée de la Powder. En dépit de cette opposition, l'armée passa à l'action et construisit Fort Reno, puis Fort Phil Kearny, enfin Fort C.F Smith, sur les bords de la rivière Big Horn. Toutes ces constructions étaient reliées à Fort Laramie par la route longue de plus de trois cents kilomètres. En 1866, les Indiens contre-attaquèrent, harcelant les garnisons des forts et les équipes qui travaillaient à la construction de la route, et s'assurant progressivement le contrôle de la région. Dès novembre 1866, les militaires se retrouvèrent presque prisonniers dans leurs forts. Le 21 décembre, lors d'un engagement connu sous le nom de «massacre de la colonne Felleman», les guerriers indiens anéantirent un détachement qui tentait de porter secours à la corvée de bois de Fort Phil Kearny, tombée dans une embuscade. À l'été 1867, il devînt, coûteux, épuisant et irréaliste d'assurer la défense et le ravitaillement des trois forts. Le projet fut abandonné le 19 mai 1868.
La guerre contre les Sioux de 1866-1868 représente la seule victoire remportée par les Indiens des Plaines sur les troupes fédérales à l'occasion d'une campagne de longue durée. Le coût élevé de la défense et du ravitaillement des forts, les coupes opérées par le Congrès dans le budget des Armées, la ferme résolution de Red Cloud furent autan de facteurs qui décidèrent le gouvernement fédéral à mettre fin aux hostilités. Dans les deux camps, les pertes étaient élevées. Pourtant, cette guerre devint le catalyseur d'une politique de paix globale. La paix était moins coûteuse que la guerre. Deux commissions d'enquêtes (Doolittle et Sully) avaient dressé une longue liste d'abus commis par les représentants du gouvernement et des colons blancs, au mépris des traités, et réclamaient une politique de paix globale avec les Indiens des Plaines. Le journal The Nation écrivit : «Toute notre politique indienne n'est qu'un modèle de mauvaise administration et, dans bien des cas, une énorme accumulation d'abus». Le partage des pouvoirs entre secrétariat à l'Intérieur et secrétariat à la Guerre était un des causes des difficultés rencontrées sur les Grandes Plaines. D'un côté, le bureau des Affaires Indiennes, dépendant du secrétariat à l'Intérieur, s'efforçait d'apaiser les leaders tribaux en leur offrant présents, annuités et réserves, tout en réclamant une politique de compromis. De l'autre, l'armée et sa politique de punir les Indiens à la moindre infraction. Pour résoudre cette ambiguïté, le Congrès créa, le 20 juillet 1867, l'Indian Peace Commission, afin de conclure des traités avec les Indiens des Plaines et de choisir des réserves pour toutes les tribus. Présidée par Taylor, cette commission était composée d'officiers de l'armée, de membres du congrès et de citoyens éminents.
En septembre 1867, la commission de paix se rendit à Fort Laramie où elle espérait rencontrer les leaders des tribus du Nord. Red Cloud, qui exerçait une forte influence sur son peuple, refusa de participer aux pourparlers. D'accord avec lui, beaucoup d'autres leaders refusèrent de se rendre à Fort Laramie. Les membres de la commission rencontrèrent des leaders mineurs et repartirent sans d'accord signé, et dirent qu'ils reviendraient. Arrivée dans le Sud, elle rencontra les représentants des tribus au bord de Medecine Lodge Creek. Environ 5 000 Indiens étaient présents. Les deux camps discutèrent âprement les termes des traités. Mais en usant à la fois des menaces, de la corruption et de la coercition, les membres de la commission amenèrent les chefs (Satanta, Ten Bear, etc.) à accepter des réserves sur le Territoire Indien (traité de Medecine Lodge du 21 octobre 1867). Kiowas et Comanches regroupés sur la même réserve d'1 300 000 hectares, dans l' Ouest du Territoire Indien, avec droit de chasser tant qu'il y aurait des bisons, une annuité de 25 000 dollars pendant 30 ans et fourniture d'habitations, de matériel agricole, de vêtements, de tissus, de chapeaux et de vivres. Une semaine plus tard, c'était les leaders cheyennes (Black Kettle, Tall Bull, Bull Bear et Little Robe) et les leaders arapahos (Little Raven, Yellow Bear et Storm) qui signèrent un traité semblable qui leur accordait une réserve de 2 000 000 d'hectares située au nord de la réserve comanche-kiowa, région si aride que les cours d'eau étaient à sec tout l'été. Après la fin des festivités célébrant la signature des traités, les Indiens se hâtèrent de partir pour leur chasse automnale au bison. La commission de paix regagna Fort Laramie, mais Red Cloud refusa toujours de se montrer.
Au printemps suivant, la commission était de retour. Comme elle avait obtenu du gouvernement fédéral l'abandon de la piste Bozeman et des forts qui la jalonnent, les chefs et les leaders lakotas et yanktonais les plus âgés, à l'exception de Red Cloud, acceptèrent de venir parlementer. Le 29 avril 1868, ils signèrent le traité de Fort Laramie. Au cours des mois qui suivirent, des douzaines d'autres leaders Lakotas et yanktonais, dont Tasunkakokipapi, apposèrent leur signature au bas du traité, acceptant du même coup d'aller s'installer à l'ouest du Missouri sur la Grande Réserve Sioux, et ainsi de mettre fin aux raids. En échange de quoi, le gouvernement fédéral leur garantissait que la région de la rivière Powder resterait «Territoire indien non cédé», interdit aux Blancs, «Aussi longtemps que les bisons y seraient assez nombreux pour justifier la chasse». De plus, il promettait d'aider les Indiens en leur donnant de l'argent, des maisons, des outils et des équipements, et en leur procurant une formation aux techniques agricoles. Les Crows signèrent à leur tour (Pretty Bull), suivi par les Cheyennes du Nord et les Arapahos du Nord. Enfin, au mois de novembre, après que ses guerriers eurent détruit les forts abandonnés, Red Cloud se décida à signer le traité.
Malgré tous ces traités, ce n'était pas encore la paix. Dans le Nord, des leaders comme Sitting Bull et Crazy Horse, qui n'avaient pas signé le traité de Fort Laramie, continuaient de vivre avec leurs partisans sur les riches territoires de chasse qui s'étendaient à l' ouest des Blacks Hills, et de lancer des raids contre la piste de l'Oregon et la vallée du Missouri. Dans le Sud, un tiers des Comanches, dont les Quadahas du célèbre sang-mêlé Quanah, n'avaient pas signé le traité de Medecine Lodge et ne s'étaient pas installés sur leur réserve. Les Kiowas de Satanta avaient gagné les Plaines du Texas. Beaucoup de Cheyennes, conduits par Roman Nose et Stone Forehead et quelques Arapahos n'avaient ni accepté le traité, ni la réserve et ils étaient restés sur leur territoire de chasse au bison (Smoky Hill et Republican). En 1868, de jeunes guerriers cheyennes s'en prirent durement et massivement aux établissements du Kansas, mais aussi à leurs ennemis traditionnels, les Kansas et les Pawnees.
La guerre faisait rage dans l'Ouest du Kansas et du Texas. Apaches Lipans et Kickapoos lançaient des raids à partir du Mexique, tandis que des Comanches et des Kiowas attaquaient par le Nord. Des Blancs, hors-la-loi, voleurs de bétail et de chevaux, en profitèrent et la situation devint très vite confuse. Beaucoup de Texans attribuèrent tous les méfaits aux Indiens et les considérèrent comme coupables. L'armée intervint tard mais avec une grande dureté. Elle choisit une stratégie de «guerre totale». Le général William Tecumseh Sherman, commandant en chef de la division Missouri, décida de conduire les Indiens rebelles des Plaines du Sud sur leur réserve, avec force s'y nécessaire. Ils méritaient «une bonne correction».
À la mi-août 1868, environ 200 Cheyennes, Arapahos et Lakotas attaquèrent les colons établis dans les vallées de la Saline et de la Solomon, au Kansas. Bilan : 15 hommes tués, des femmes violées, des enfants enlevés et des pillages et des destructions. D'autres raids suivirent. Pour y mettre fin, l'US Army constitua des brigades légères d'une cinquantaine d'hommes, rapides et mobiles. À la mi-septembre, dans le Nord-Est du Colorado, un de ces pelotons, placé sous les ordres du commandant George A. Forsyth, se heurta à 600 ou 700 guerriers cheyennes et lakotas. L'engagement est connu sous le nom de bataille de Beecher's Island. Le chef cheyenne Roman Nose, à la tête de sa société de guerriers (Bois d' Élan), mais aussi les Soldats Chiens conduits par Tall Bull, et des guerriers lakotas et arapahos, contraignirent les Américains à se réfugier dans une île de l' Arikaree Fork de la rivière Republican. Le siège dura 9 jours. Roman Nose y perdit la vie. Finalement, les soldats furent sauvés par des cavaliers noirs du 10e régiment de cavalerie.
L'armée choisit alors une nouvelle stratégie : des campagnes d'hiver menées par des «colonnes convergentes» et aboutissant à l'encerclement des campements indiens, à une saison où les guerriers étaient mal préparés à combattre. La plus célèbre de ces campagnes est celle de la Washita, qui se déroula fin du mois de novembre 1868. Des troupes convergèrent vers les vallées de la Washita et de la Canadian, dans l'ouest du Territoire Indien. Après avoir établi son camp de base à Camp Supply, la colonne en provenance de Fort Dodge, commandée par le lieutenant-colonel George A. Custer (surnommé «Pahuska», «longue chevelure» par les Indiens) passa à l'attaque avec une efficacité dévastatrice. Le village cheyenne de Black Kettle, chaud partisan de la paix, fut rasé : les hommes, les femmes et les enfants furent tués; les tipis, les vêtements et les réserves de nourriture, ainsi que les chevaux, furent détruits. Ces campagnes hivernales (décembre 1868 — janvier 1869) donnèrent les résultats escomptés: la plupart des Comanches, des Kiowas et des Arapahos regagnèrent ou gagnèrent leur réserve. Les Cheyennes résistèrent jusqu'à la mi-mars. Tall Bull mourut en juillet 1869, après un ultime engagement.
Novembre 1868, le général Ulysses S. Grant, commandant en chef des armées de l'Union durant la guerre de Sécession, est élu président des États-Unis (prise de fonctions mars 1869). Un groupe de Quakers ayant dénoncé les fraudes et la corruption qui sévissaient au sein des Affaires Indiennes, Grant favorisa, sous la pression de différents groupes des États de l'Est, la politique qui suggérait que la désignation des agents et des surintendants de ce service, devrait être confiée aux Églises. Cette nouvelle politique de paix est connue sous le nom de Grant's Peace Policy ou Quaker Peace Policy. Elle entérinait la suprématie du pouvoir civil dans les Affaires Indiennes. Une telle politique ne pouvait que contrarier les militaires. Devant l'opposition frontale et violente de l'armée, Grant modifia sa position, favorisant désormais «Toute ligne de conduite tendant à civiliser les Indiens et à en faire des citoyens». Ainsi, par l'intermédiaire du bureau des Affaires Indiennes, le secrétariat à l'Intérieur continua à avoir autorité sur tous les Indiens vivant sur des réserves. De leur côté, l'armée et le secrétariat à la Guerre demeuraient responsables de tous ceux qui vivaient en dehors des réserves.
Cette politique eut des effets mitigés. Du point de vue des «Amis des Indiens» vivant dans les États de l 'Est, elle était efficace. Elle protégeait les familles indiennes de la cupidité des négociants et des colons, préservait leur droit à l'existence, à la liberté et à la propriété. Les militaires avaient un point de vue tout à fait opposé. La domination des Églises sur la gestion des Affaires Indiennes empêchaient l'armée de jouer son rôle dans cette nouvelle politique. Pour eux, elle n'encourageait pas les Indiens à demeurer sur leur réserve, et il était difficile de mettre la main sur les fugitifs. En effet, réalisant que les soldats ne pouvaient pas les poursuivre sur le Territoire Indien, les chefs de guerre arrivèrent à utiliser les réserves comme des sanctuaires à partir desquels ils pouvaient lancer des raids contre les établissements voisins. Au Montana, des partis de guerriers pieds-noirs et lakotas continuaient de voler des chevaux et du bétail. Parfois, ils tuaient des Blancs qui s'aventuraient seul trop loin de leurs compagnons. Au cours d'un engagement, les Blancs tuèrent le frère de Mountain Chief, un chef piegan, les Pieds-Noirs cherchèrent à se venger. Pendant six mois, la bande de Mountain Chief multiplia les raids, tuant une douzaine de personnes. L'armée, sous les ordres du commandant Eugene M. Baker, lui donna la chasse. À la fin du mois de janvier 1870, par un temps très froid, la colonne atteignit la vallée de la Marias, attaquèrent le paisible village des Pieds-Noirs du chef Heavy Runner et tuèrent 173 Indiens, dont 53 femmes et enfants. Ce massacre mit un terme à la résistance des Pieds-Noirs.
Au Texas, la situation devenait de plus en plus grave. Apaches Lipans et Kickapoos continuaient de lancer des raids depuis le Mexique. Comanches et Kiowas sortaient du Territoire Indien pour attaquer des ranchs dans l'Ouest du Texas, suivre parfois leurs anciennes pistes jusqu'au Mexique ou aller chasser le bison sur le Llano Estacado. Les Texans se plaignirent souvent et vigoureusement, mais sans grand succès jusqu'en 1871. Cette année là, William Tecumseh Sherman, fit une tournée d'inspection dans leur État. Tandis qu'il traversait Salt Creek Prairie, accompagné seulement d'une petite escorte, un important parti de guerriers kiowas conduits par Eagle Heart, Big Bow, Big Tree, le chamane Mamanti (Sky Walker) et Satank, membre éminent de la société de guerriers appelée Kaitsenko (les Chiens rouges, ou les Dix plus Braves) le regardèrent passer sans intervenir. Quelques heurs plus tard, ils attaquaient un convoi de chariots. Ce soir là, un survivant fit le récit du raid meurtrier au général Sherman. Enfin convaincu du bien fondé des demandes des Texans, il décida de lancer l'armée contre les Indiens.
Elle entra en action l'année suivante. Commandée par le colonel Ranald S. Mackenzie, les troupes fédérales reçurent l'ordre d'attaquer les campements qui se trouvaient en dehors des réserves. Surnommé «Bad Hand» ou «Three Fingers» par les Indiens, Mackenzie détruisit, en 1872, tous les campements installés dans le Nord-Ouest du Texas. En 1873, il passa au Mexique pour raser un village kickapoo, déclenchant une série d'incidents de frontière. Malgré sa grande présence sur le terrain, ne laissant que peu de répit aux Indiens, cela ne fut pas suffisant. Il fut décidé d'organiser une nouvelle campagne, plus importante, dans le Nord-Ouest du Texas : la guerre de la Red River (1874-1875). Elle fut la dernière grande campagne conduite dans le Sud des Plaines. Elle mobilisa environ 3 000 hommes, qui attaquèrent et incendièrent tous les campements qu'ils trouvèrent dans les profonds canyons et sur les pentes abruptes de la partie orientale du Llano Estacado. Les troupes fédérées, placées sous le commandement du colonel Nelson A. Miles, surnommé «Bear Coat» (Manteau d' Ours) par les Indiens, livrèrent 14 batailles rangées. Le coup de grâce revint à Bad Hand Mackenzie. À la tête de 500 hommes, il triompha dans le Palo Duro Canyon, des guerriers de cinq campements comanches, kiowas et cheyennes, brûla leurs tipis, détruisit d'importantes réserves de vivres et captura plus de 1 400 chevaux. En fuite permanente, les Indiens souffraient du froid et s'exposaient à la faim. Le chef kiowa Lone Wolf, et sa bande furent les premiers à regagner leur réserve, en février 1875. Les autres suivirent. La guerre se termina en juin, quand Quanah, le dernier fugitif, conduisit sa bande à Fort Sill, sur le Territoire Indien.
Chercheurs d'or dans les Black Hills, en 1874. |
Les responsables de la guerre de la Red River étaient les chasseurs de bison professionnels. Ayant exterminé les grands troupeaux de la région de la rivière Arkansas, ces chasseurs blancs avaient gagné en 1872 le Nord-Ouest du Texas. Deux ans plus tard, ils avaient construit à Adobe Walls, un village qui devait leur servir de camp de base et d'entrepôt où stocker les peaux avant de les envoyer à Dodge City (Kansas). Les Indiens n'avaient pas du tout apprécié cette intrusion, en contradiction avec les promesses qui leur avaient été faites lors de la signature des derniers traités. Poussé à agir par Isatai, un jeune chamane comanche, ils avaient déclenché une attaque. Mais, fort bien équipé et bons tireurs, les 28 chasseurs avaient repoussé toutes les charges et avaient regagné Dodge City, où ils s'étaient plaint aux autorités militaires. De leur côté, les Indiens des Plaines du Sud étaient déterminés à tenir les Blancs à l'écart de leurs territoires de chasse. Sous la conduite de Quanah, ils avaient alors lancé de nouveaux raids contre les chasseurs de bison et des colons isolés, provoquant la violente riposte de l'US. Army. La guerre de la Red River marqua un nouveau tournant.
Elle fut à l'origine de l'une des deux ou trois plus grandes concentrations de troupes sur les Grandes Plaines, ce qui permit à l'armée de jouer un rôle plus important dans la politique de paix du président Grant, mais elle interdit aux Indiens d'approcher les derniers grands troupeaux de bisons du Texas. En 1875, plusieurs troupeaux de 100 000 têtes environ sur le Llano Estacado; trois plus tard, il n'y avait plus un seul bison dans cette région.
Dans le Nord, la dernière grande campagne fut la guerre contre les Sioux. En 1876, Lakotas, Cheyennes, Arapahos, Assiniboines, Yanktonais, etc., combattirent les troupes fédérales à l'Ouest des Black Hills, dans une région que le traité de Fort Laramie, du 29 avril 1868, avait déclarée «territoire indien non cédé». Ce fut pendant cette guerre, que ce déroula la bataille de la Little Big Horn*, au cours de laquelle Longue-Chevelure Custer et plus de 200 cavaliers, sous-officiers et officiers de son 7e régiment de cavalerie, trouvèrent la mort lors du célèbre engagement ayant opposé guerriers indiens et militaires américains. Après ce désastre, le général Philip Sheridan, commandant la division Missouri, ordonna de nouvelles opérations combinant campagnes hivernales et colonnes convergentes. 25 novembre 1876, dans un canyon de la Big Horn, par un froid terrible, Bad Hand Mackenzie et 1 100 hommes surprit et détruisit le campement cheyenne de Morning Star (Dull Knife) et Little Wolf, mettant pratiquement fin à la guerre; Crazy Horse se rendit au printemps 1877, Sitting Bull choisit d'entraîner son peuple au Canada, «le pays de la Grand-Mère».
Cette dernière guerre des Sioux avaient plusieurs causes : violations du traité de Fort Laramie, farine moisie, bœuf pourri et des couvertures dévorées par les mites. Tout ceci n'avait qu'un seul commanditaire : la corruption qui régnait au sein du bureau des Affaires Indiennes. De plus, les Indiens n'appréciaient guère l'avance implacable de la Northern Pacific Railroad, une compagnie de chemin de fer dont les équipes d'arpenteurs-géomètres, escortés par 1 400 soldats, empiétaient peu judicieusement sur les territoires qui leur avaient été concédés par le traité. Mais surtout, ce qui déclencha la haine et donc, les hostilités, c'était la ruée vers l'or des Black Hills. 15 000 Blancs environ, avaient pénétré illégalement en territoire indien durant l'hiver 1875-1876.
Les succès remportés par les Sioux, durant la guerre de 1866-1868, avaient conduit beaucoup de Lakotas à se croire invincibles, en particulier Sitting Bull, leader hunkpapa extrêmement habile, Crazy Horse, Oglagla et meneur d'hommes génial, et Gall, chef de guerre hunkpapa âgé de trente-six ans, qui devait s'illustrer à la bataille de la Little Big Horn. Quand la guerre se termina plusieurs mois plus tard, très peu d'Indiens chevauchaient librement sur les Grandes Plaines. Ils étaient regroupés sur des réserves ou se trouvaient au Canada. Des campagnes étaient en cours contre les Utes, dans les rocheuses, les Nez-Percés, dans le Nord-Ouest, les Apaches, dans le Sud-Ouest, mais sur les Grandes Plaines, l'année 1876, fut le témoin du dernier conflit majeur.
Il coûta aux Lakotas les Black Hills, leurs chères Paha Sapa. Après la découverte d'or dans cette région de montagnes couvertes de résineux, le gouvernement fédéral s'était efforcé d'obtenir le départ des Indiens. En 1875, une commission avait rencontré des leaders lakotas à l'occasion d'un grand conseil, qui s'était tenu sur les bords de la rivière White (Nord-Ouest du Nebraska). 10 000 Indiens avaient assisté à ce conseil. Menacés de mort par Little Big Man, un porteur de chemise des Oglaglas, au cas où ils accepteraient de céder les Black Hills, les leaders présents avaient refusé les 6 000 000 de dollars qui leur étaient offerts ainsi que la rente annuelle de 400 000 dollars représentant les droits miniers. Suite à la déroute et à la mort de Custer, le Congrès décida en août 1876, de bloquer tous les versements et tous les approvisionnements destinés aux Lakotas jusqu'à ce qu'ils acceptent de céder les Black Hills. Sans armes ni chevaux, et confrontés à un risque de famine, les chefs et les autres leaders résidant sur la Grande Réserve Sioux, et seulement eux, signèrent un accord révisant le traité de Fort Laramie, par lequel ils renonçaient à leurs droits de chasse dans les régions qui forment aujourd'hui le Montana et le Wyoming et ainsi cédaient les magnifiques Black Hills.
En 1860, les hautes plaines situées à l'ouest du centième méridien étaient encore le pays des Indiens. «Je suis né sur la prairie, là où le vent souffle librement et où rien n'arrête les rayons du soleil», disait le leader comanche Ten Bears en 1867. En 1876, après deux décennies de guerre et de paix, les sociétés indiennes des Plaines sont établies sur des réserves. Elles ont perdu une bonne partie de leur organisation sociale et des autres caractéristiques qui faisaient leur originalité. Mais, elles n'avaient rien perdu de leur vitalité." (...)
A suivre...
Extraits de:
La bataille de Little Big Horn
* (...) " En mai 1875, les Sioux envoient une délégation dirigée par Spotted Tail, Red Cloud et Lone Horn à Washington DC, pour persuader Grant de respecter les traités existants et maintenir les chercheurs d'or en dehors des Black Hills. Grant, avec le Secrétaire de l'Intérieur Columbus Delano et le Commissaire aux Affaires Indiennes, Edwards Smith, proposent aux Sioux 25000 dollars pour abandonner les Black Hills et les reloger dans une réserve de l'Oklahoma, mais la délégation indienne rejette l'offre. Les Sioux et Américains étant incapables de trouver une solution pacifique, les chefs Crazy Horse et Sitting Bull se préparent à la guerre.
Ulysse Grant et son administration commencent à envisager d'autres alternatives à l'échec des négociations avec les Sioux. Au débutr de novembre 1875, le major-général Philip Sheridan, commandant des troupes américaines dans le Missouri, et le brigadier-général George Crook, commandant du Département de la Platte, sont rappelés à Washington DC pour s'entretenir avec Grant et trouver une solution au "problème" des Black Hills. Ils se mettent finalement d'accord pour lever l'interdiction faite aux chercheurs d'or de pénétrer dans le sanctuaire indien, et envisage de plus en plus l'option militaire contre les indiens "rebelles qui refusent de quitter leurs terres pour l'Oklahoma", avec comme date d'expiration de l'ultimatum fixée au 31 janvier 1876.
Le 8 février 1876, le général Philip Sheridan télégraphie aux majors-généraux George Crook et Alfred Terry, ce dernier commandant militaire du Territoire du Dakota, l'ordre d'entamer "leur campagne d'hiver contre les insoumis". La "Grande Guerre des Sioux de 1876-1877" commence.
Tandis que Terry se maintient en position défensive et se prépare, Crook réagit sans tarder, en lançant la première offensive américaine de la guerre. Le 1er mars 1876, il expédie le colonel Joseph J. Reynolds, avec six compagnies des 2ème et 3ème Régiments de cavalerie (300 hommes), pour localiser et attaquer un village Sioux, dans la matinée du 17 mars 1876. C'est la "Bataille de Powder River". L'US Army pense à tort qu'il s'agit du camp Sioux de Crazy Horse et de Sitting Bull, alors que le village est habité par 600 Cheyennes, dont 225 guerriers commandés par Little Wolf.
Les Cheyennes décident d'abandonner le village et de s'installer sur une position en hauteur, moins exposées. Les troupes de Reynolds s'emparent du camp et l'incendie, mais sous le feu constant de l'ennemi, il ordonne ensuite le retrait, perdant une dizaine d'hommes, alors que les Indiens n'ont aucune perte. Ce qui vaudra à Reynolds de passer en cour martial pour lâcheté devant l'ennemi. Au cours de cet affrontement, les Américains se sont emparé du troupeau de poneys des Cheyennes, mais le jour suivant, les Sioux Lakotas organisent un raid réussi pour les reprendre.
A la fin du printemps 1876, une seconde expédition, plus importante, est lancée. Les troupes américaines sont réparties en trois colonnes. La colonne du Dakota, commandées par Terry, est composée de 15 compagnies (570 soldats), dont fait partie le 7ème Régiment de cavalerie de Custer. La colonne du Montana, commandée par le colonel John Gibbon, quitte Fort Ellis. La troisième colonne (970 hommes), commandée par le brigadier-général George Crook en personne, quitte Fort Fetterman et prend la direction du nord.
Au confluent des fleuves Tongue et Rosebud, le 23 mai 1876, Terry et Gibbon établissent leur contact. Terry donne ses ordres à Custer: il devra établir sa jonction avec Crook, au sud vers le fleuve Little Big Horn, tandis que lui et Gibbon, avec le 7ème Régiment d'infanterie, arriveront par le nord-est et le nord-ouest, et prendront ainsi le camp ennemi en tenaille.
Le 17 juin 1876, la colonne Crook est attaquée dans la vallée de la Rosebud par environ 750 guerriers Sioux Oglala dirigés par Crazy Horse. C'est la "Bataille de la Rosebud": les pertes sont minimes des deux côtés (10 tués et 21 blessés américains, 32 tués et 21 blessés sioux), mais Crook décide de rebrousser chemin et de rentrer à Fort Fetterman, sans toutefois en avertir Custer.
D'après le Bureau des Affaires Indiennes de Washington DC, il y aurait 500 Indiens dans cette zone. Mais les Sioux Lakotas de Sitting Bull ont reçu les renforts d'autres tribus, comme les Sioux Oglalas, Cheyennes, Arapahoes, Pieds Noirs, Arikaras, Hung Papas, Santee et Brûlés, avec des guerriers célèbres et valeureux comme Gall ou Crazy Horse. Ces tribus se regroupent et s'apprêtent à recevoir les hommes de Custer. Ils ne sont plus 500, comme le pense Custer, mais près de 15,000, dont 3,000 à 5,000 guerriers.
Custer établit son camp de base et veut attendre Gibbon qui doit arriver le 27 juin 1876, et Crook qui doit arriver le lendemain, mais qui, comme nous l'avons vu, n'arrivera jamais. A ce moment de la campagne, il ignore toujours le nombre exact d'Indiens qu'il a devant lui. Mais un incident commence à le faire douter: la cantine de la compagnie C, perdue durant le trajet, est découverte par des Sioux et les Américains qui devaient aller la chercher ont échangé des coups de feu avec les Indiens.
Custer décide alors d'attaquer le camp ennemi le 25 juin 1876, de peur que les Indiens s'enfuient. Il ne sait pas encore qu'ils sont vingt fois supérieurs aux effectifs du 7ème Régiment de cavalerie. Il divise donc ses forces en trois parties. Le premier groupe (compagnies B, C, E, F et I., 212 hommes), qu'il commande personnellement, progressera au nord, sur la rive droite du fleuve Little Big Horn. Les 2ème (major Marcus Reno, compagnies A, G et M, 176 hommes) et 3ème (capitaine Frederick Benteen, compagnies D, H, K et L, 191 hommes) groupes attaqueront au sud.
Reno arrive bientôt au sud du camp indien et est attaqué par des milliers de guerriers dirigés par Crazy Horse et Red Cloud. Submergé, il donne finalement l'ordre de la retraite et repasse le Little Big Horn en amont. Les Indiens ne font pas de prisonniers. Ils massacrent un par un tous les blessés que Reno laisse sur le champ de bataille, les scalpent puis les mutilent, au point que les cadavre sont méconnaissables.
Avec 50% de pertes, Reno se replie sur une colline (Reno Hill). Les éclaireurs Indiens de Reno fuient le combat et rejoignent les Sioux. Les armes des cavaliers américains (Springfield Model 1873) sont moins précises et ne tirent qu'un coup de feu à la fois, alors que les Indiens ont des fusils modernes Springfield et Spencer. C'est un massacre, mais Reno tient bon.
Pendant ce temps, Custer arrive en vue de la face nord du village indien. Croyant être en face du plus gros du village ennemi. En fait, le camp indien géant s'étale sur 5km et Custer n'en voit qu'une infime partie, il envoie un messager, Daniel Kanipe, pour avertir Benteen qu'il est en vue du village.
De sa position, il peut voir les hommes de Reno se battre desespérement et avec acharnement et les Indiens momentanément stoppés, alors que dans le village la panique semble régner. Les 212 hommes de Custer pensent à ce moment-là que leur victoire est certaine.
Ci-dessous: "A": Custer. "B": Reno. "C": Benteen. "D": Yates. "E": Weir.
Parallèlement, Custer envoie un second messager, John Martin (de son vrai nom Giovanni Martini) avec le célèbre message rédigé par le lieutenant William W. Cooke: "Benteen, gros Village. Soyez rapide. Apportez les munitions W.W. Cooke. P.S. Apportez les munitions" La retraite desespérée de Reno permet à Sitting Bull de rassembler toutes ses forces contre le groupe de Custer. Ce dernier traverse la Medicine Tail et aborde la limite nord du village.
Et c'est le choc! Au lieu de quelques tentes et des 500 guerriers qu'il pensait devoir afronter, il en voit des milliers. Jamais il n'avait pensé trouver un tel camp. A cet instant, une force estimée entre 3,000 et 4,000 guerriers Sioux débouchent de tous les côtés et leur tombe dessus. C'est la panique parmi ses hommes. Custer doit faire retraite vers la colline, qui s'appelle aujourd'hui Custer Hill, au nord-ouest du camp, talonné par les Sioux. Les Indiens se cachent dans les hautes herbes, les imperfections du sol et tirent à vue. Leurs tirs sont terriblement efficaces.
Kanipe avertit Benteen que les Indiens, comme il l'a constaté quand il était auprès de Custer, sont en fuite. Puis arrive le second messager, Giorgio Martini. Il ne parle que très peu l'anglais. Il dit à Benteen: "Indiens. Décamper". Benteen pense probablement que les Indiens se sont enfuis et n'accélère pas l'allure de la colonne. Martini lui donne le message de Custer. La haine viscérale qu'il éprouve à l'égard de Custer prend le dessus. Cette haine est sûrement pour beaucoup dans sa décision: il n'accélère pas l'allure de la colonne. Custer est condamné.
Le combat desespéré de Custer ne dure que 45 minutes. Les Indiens, équipés de fusils modernes, font un carnage dans les rangs des soldats encore vivants de Custer. Crazy Horse contourne les hommes du capitaine Miles Koegh, commandant la compagnie I, et les massacre sur place, alors que les troupes de Gall, Two Moon et Low Dog écrasent les survivants du 1st lieutenant James Calhoun, de la compagnie L, le beau-frère de Custer, puis donnent l'assaut aux positions du capitaine George W. Yates, de la compagnie F.
C'est le coup de grâce pour la défense des Américains. Les Indiens chargent à pieds et commence leur sinistre besogne: ils scalpent et mutilent tous les corps, sauf celui de Custer. Puis se dirigent vers la colline qui domine le dernier groupe indemne de la bataille, celui de Benteen.
Mais ce dernier, tranquillement et sans se faire inquiéter, a rejoint Reno sur sa colline au sud-est. Il a les mules et les munitions du train d'équipage dont le major Reno a désespérément besoin: 24,000 cartouches. La colline où s'accrochent les survivants de Reno est jonchée de cadavres et de blessés. Exceptée une tentative du capitaine Thomas Weir, de la compagnie D, rien n'est entrepris pour sauver Custer et ses hommes.
Le lendemain, le 26 juin 1876, les Indiens se retirent après plus de vingt-quatre heures de combats. Ils font brûler toute la plaine pour couvrir leur retraite et abandonnent le terrain aux Américains. Terry et Gibbon arrivent le jour suivant, 27 juin, pour constater le désastre de Custer. La totalité des cadavres blancs, excepté celui de Custer, ont été scalpés et ont le crâne ouvert. Ils sont si mutilés qu'ils sont difficilement identifiables. Le corps du capitaine Tom Custer, de la compagnie C, le propre frère du George, et William W. Cooke, sont parmi ceux sur lesquels les Indiens se sont le plus acharnés.
Le champ de bataille de Little Big Horn aujourd'hui. |
Sources photos: https://www.artindien.com http://jacqueline-devereaux.blogspot.fr
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