La Norvège un exemple à méditer : les contradictions d’un Etat pétrolier

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Pour tous ceux qui veulent bien observer la préparation des sociétés à la construction de leur avenir, la Norvège est une étape nécessaire.
Pays du Nord de l’Europe à la population faible, 5 millions d’habitants pour la surface de l’Allemagne, la Norvège a connu la richesse grâce à la découverte dans sa mer de pétrole et de gaz. La France et en particulier le groupe Elf-Aquitaine ont largement contribué au développement des champs pétroliers du pays et à la formation d’experts nationaux. Le centre de la vie économique était Stavanger où les uns et les autres nous avons passé beaucoup de temps en toutes saisons.


Après avoir bien compris les ressorts de l’économie pétrolière et bénéficié du « choc pétrolier «  de 1973, le pays a pris deux orientations, celle de ne permettre l’exploitation des champs découverts que lorsque cela lui paraissait nécessaire, et celle de constituer un fonds souverain pétrolier pour préparer un avenir incertain en matière de production d’hydrocarbures. Le Gouvernement Norvégien a toujours pris des précautions et c’est ainsi qu’après avoir favorisé un monopole d’atterrage de leur gaz à Zeebrugge en Belgique, il a accepté lorsque j’étais Président de Gaz de France d’en permettre un autre à Dunkerque.
Le Fonds Norvégien pèse aujourd’hui 1000 milliards de dollars, a investi dans 9000 entreprises à travers le monde et devrait ainsi assurer quel que soit le futur des énergies fossiles le maintien de la prospérité pour les habitants du pays.
Les écologistes ont toujours eu une grande influence sur le comportement des élus et la protection de la nature et de l’environnement, la biodiversité, la lutte contre les dérèglements climatiques ont reçu des échos favorables dans toute la population. Il est vrai que la douceur du climat au sud de la péninsule est attribuée au « Gulf Stream » et que la perspective d’un changement majeur rendrait non navigable l’hiver une bonne partie du littoral.
Rien d’étonnant à cet égard que le Fonds Norvégien se soit orienté très tôt vers une sélection « éthique » en particulier à propos des atteintes à l’environnement, mais aussi que le véhicule électrique ait été lourdement favorisé. Beaucoup y voient la justification de leurs demandes de politiques semblables pour tous les pays européens et regardent donc la Norvège comme un laboratoire du futur, de notre futur collectif. Ainsi voudrait-on transformer les cinq millions de Norvégiens en bienfaiteurs de l’humanité ! Loin de moi l’idée de vouloir tempérer leur enthousiasme, toutes les opinions sont respectables, et l’optimisme est un plaisir inégalable, mais, comme d’habitude, je voudrais faire réfléchir.
Les commentateurs doivent aussi se souvenir qu’en Mai 2016, 13 compagnies pétrolières se sont vues attribuer des permis d’exploration pétrolière en Mer de Barents par le Gouvernement Norvégien. Il n’est donc pas question pour nos amis de tourner trop tôt la page de la manne pétrolière. La mer de Barents est dans l’Arctique, continent polaire que beaucoup considèrent comme tabou. Les ONG combattent d’ailleurs cette décision, mais jusqu’ici la justice norvégienne leur donne tort.
Le Fonds Norvégien a certes exclu 187 sociétés (dont quelques françaises comme Airbus ou Safran) mais, en ce qui concerne les fossiles il a surtout combattu le charbon (concurrent du gaz pour la production électrique).  Les mines anti-personnel, le tabac, et les armes nucléaires ont été d’autres sujets mis à l’index, mais on a respecté les concurrents du géant pétrolier Statoil compagnie nationale Norvégienne d’hydrocarbures…
La compagnie Statoil essaie de « verdir » son activité, elle a entrepris un vaste programme de captage du carbone et d’enfouissement (CCS) et pousse les éoliennes en mer. Dans les deux cas il est de l’intérêt du pays d’utiliser au mieux les réservoirs souterrains existants et de valoriser un vent régulier et fort qui permet un bon rendement des installations.
En d’autres termes la situation géographique de la Norvège lui permet la « vertu « écologique qui est clairement à son avantage et lui permet d’exporter un maximum de produits pétroliers plutôt que de faire de l’autoconsommation comme son concurrent Saoudien ou son voisin Russe par exemple.
Mais reste la percée de la voiture électrique que nous observons ici chez certains avec des larmes dans les yeux. Pour un peuple de cinq millions d’habitants il y a profusion d’électricité d’origine hydroélectrique ( et éolienne venant du Danemark en surproduction lorsqu’il y a du vent) à bas cout. Par conséquent le recours au véhicule électrique est encore pour la Norvège une économie substantielle d’hydrocarbures et une meilleure exportation de la production, point n’est besoin de consommer du gaz pour la génération électrique, il faut mieux l’envoyer à Zeebrugge ou Dunkerque ! La Norvège a donc pris le leadership européen de la voiture « propre ». Si nous n’avions pas combattu le nucléaire en France nous aurions pu faire le même raisonnement, la voiture électrique est hydraulique pour les Norvégiens, elle est nucléaire chez nous ! Mais comme on l’a vu les écologistes sont à la fois contre les hydrocarbures et contre le nucléaire et il a fallu pédaler dans le mensonge pour expliquer que le véhicule électrique français allait être solaire et éolien !
La Norvège, tout en étant un des premiers pays pétroliers de la planète, a donc pu montrer comment les principes de lutte contre les changements climatiques pouvaient servir ses intérêts, tout en préservant soigneusement la poule aux œufs d’or actuelle, la recherche et l’exploitation des hydrocarbures, c’est de bonne politique. « Je préserve mes atouts, mais je vous montre que je satisfais pleinement à la défense de la planète que vous suggérez ». C’est efficace, intelligent et non critiquable.
Pour la petite histoire les avantages donnés à la voiture électrique comprenaient la circulation prioritaire ainsi que le stationnement garanti, maintenant que plus de la moitié des véhicules des grandes agglomérations sont « verts » ces avantages vont disparaitre et les heureux bénéficiaires se retrouvent de nouveau dans les embouteillages ! C’est la mobilité qu’il faut regarder et non le mode de propulsion !
Notre problème, comme celui de tous les autres Etats de la planète, est de savoir quels sont nos atouts et comment nous pouvons nous en servir pour éviter d’augmenter les dérèglements climatiques. Si c’est cela la priorité pour l’instant nous devons regarder comment utiliser au mieux notre ressource principale, nos 58 réacteurs nucléaires. Le bas carbone qui est célébré à tout moment, c’est d’abord là qu’on le trouve chez nous. Par ailleurs lorsque des initiatives sont prises pour valoriser les déchets organiques, cela doit bénéficier de priorités, comme toutes les initiatives locales avec circuits courts, sans oublier les déchets ligneux qui peuvent remplacer le charbon dans nos dernières centrales nationales. Plutôt que de regarder la lune, observons notre pays avec ses possibilités, ses compétences, ses installations, et menons une politique norvégienne, écologiste en préservant nos intérêts.

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