Pour empêcher l’industrialisation de la forêt, des politiques et associations lancent la bataille

Gaspard d’ Allens
26/10/2019

Commentaire : beau combat que celui de protéger nos forêts et de rappeler qu'elles font partie intégrante de l' Histoire de France et du patrimoine et, qu'à ce titre, elles sont de bien commun, tout comme le sont les prairies, les paysages, etc.


(...) " « Notre émotion ne doit pas être à géographie variable, disent-ils. Pourquoi se mobiliser contre les plantations d’huile de palme à l’autre bout de la planète et non contre les monocultures résineuses qui peuplent nos forêts, acidifient les sols et malmènent nos écosystèmes ? Pourquoi être plus attentif aux pandas ou aux orangs-outans qu’aux espèces en voie de disparition en France"
Mais comment expliquer alors que les divers intervenants oublient, semble-t-il, de citer dans leur dénonciation à la Prévert, l'"invasion barbare" éolienne, pourtant puissant accélérateur de la déforestation, elle aussi. De là, à en déduire, comme dit le proverbe : "qui ne dit mot, consent", il n'y a qu'un... chemin de randonnée.


Vraiment surprenant? Pas tant que çà! Nous sommes bien, dans l'ensemble, en Pays de l' écologie politique :  majoritairement, anti-nucléaire, favorables aux EnR intermittentes et aléatoires.
N'est-ce pas la vérité? 😏


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En France, la lutte contre l’industrialisation des forêts prend de l’ampleur avec une constellation d’associations et de syndicats mobilisés. Ils se sont structurés pour peser sur le jeu institutionnel et élaborer d’ici début 2020 une proposition de loi pour que « les citoyens se réapproprient ce bien commun ».
Dans les bois, loin des discours productivistes, une autre voix commence à se faire entendre, celle du mouvement contre l’industrialisation des forêts françaises. Ses animateurs dénoncent la transformation de massifs forestiers en « usines à bois », la multiplication des coupes-rases et le démantèlement de l’Office national des forêts — l’établissement public qui gère un tiers des surfaces boisées en France.

Si l’opinion s’est émue l’été dernier des incendies en Amazonie, il faudrait désormais, selon les membres du collectif SOS forêt, s’intéresser à ce qui se trame près de chez nous, sous les frondaisons de nos forêts où la biodiversité se dégrade, menacée par les grandes usines à biomasse et la hausse des prélèvements en bois.
« Notre émotion ne doit pas être à géographie variable, disent-ils. Pourquoi se mobiliser contre les plantations d’huile de palme à l’autre bout de la planète et non contre les monocultures résineuses qui peuplent nos forêts, acidifient les sols et malmènent nos écosystèmes ? Pourquoi être plus attentif aux pandas ou aux orangs-outans qu’aux espèces en voie de disparition en France, comme le pique-prune, le lucane cerf-volant ou la rosalie alpine ?



Des insectes, comme la lucane, pâtissent de la gestion industrielle de la forêt

Aujourd’hui, la lutte se trouve à un moment charnière. Samedi 26 octobre 2019, une manifestation est prévue à Fontainebleau. Elle conclut une semaine de mobilisations. Pendant deux jours, mercredi et jeudi 23 et 24 octobre, une centaine de « forestiers résistants », de chercheurs, de syndicalistes et d’associatifs se sont réunis lors des Assises de la forêt à proximité de Paris pour élaborer ensemble des propositions en faveur d’une gestion alternative de la forêt. Ces mesures alimenteront une proposition de loi citoyenne soutenue par plusieurs groupes parlementaires, dont Mathilde Panot, députée La France insoumise, est cheffe de file.
La bataille institutionnelle est engagée et vise à accroître le rapport de force avec la filière industrielle. Le contexte actuel y est propice. « Les perceptions changent. Les citoyens ont compris qu’il existait un problème avec la forêt française, observe Régis Lindeperg, membre de l’association SOS forêt. Il y a cinq ans, on criait dans le désert. »
La profusion de documents, de livres, de films, a sûrement contribué à cette prise de conscience. Le best-seller La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben a été vendu à plus d’un million d’exemplaires en France. Le film Le temps des forêts de François-Xavier Drouet, sorti en septembre 2018, a également fait partie des dix documentaires les plus vus de l’année. « L’engouement pour les arbres est indiscutable. Il faut maintenant le politiser », estime Régis Lindeperg.
C’est tout l’enjeu des Assises de la forêt. Ce temps de réflexion, où se mêle une diversité d’acteurs, a pour objectif de « faire émerger une nouvelle vision de la forêt et de produire une contre-expertise », explique Sylvain Angerand de l’association Canopée. « C’est indispensable pour les mobilisations futures », pense-t-il. « Les professionnels tentent de nous rassurer en disant que la superficie de la forêt progresse, mais cela ne dit rien sur son état de santé. »
Poser un diagnostic réel sur la qualité de nos forêts est un premier jalon. Or le constat des Assises est sans appel : les forêts s’uniformisent. Selon les données de l’Inventaire forestier national, 51 % des forêts sont constituées d’une seule essence. Les arbres sont aussi coupés de plus en plus jeunes : 80 % des arbres des forêts françaises ont moins de 100 ans.
« L’industrialisation de la filière s’intensifie, juge de son côté le réalisateur François-Xavier Drouet, les monocultures se généralisent avec des essences à croissance rapide et l’usage de pesticides et d’engrais. Les coupes rases se banalisent. On expérimente aussi des arbres génétiquement modifiés. »
Pour les participants aux Assises, il est important de montrer qu’une autre voie est possible. « On veut proposer une porte de sortie, ou plutôt une porte d’avenir, dit Régis Lindeperg. Deux mondes s’affrontent : nous sommes les "bio" de la forêt face à la sylviculture intensive. »
Lors des deux jours de débat, de nombreuses alternatives ont été valorisées : des circuits courts au débardage à cheval, des scieries artisanales aux groupements fonciers citoyens qui gèrent collectivement des parcelles de forêt.
La proposition de loi qui rassemblera les idées émises lors des Assises sera présentée officiellement début 2020. Depuis le mois de septembre, plusieurs députés ont lancé une commission d’enquête appelée « Forêt bien commun ». Ils auditionnent des experts, des chercheurs indépendants et des associations qui ont d’ordinaire rarement la parole au sein des institutions.
Plusieurs visites de terrain sont programmées. La commission s’est ainsi déplacée à proximité d’Orléans pour constater la déforestation provoquée par le chantier d’un nouveau pont sur la Loire. Les forêts se situent souvent en première ligne face aux grands projets inutiles.
Parmi les parlementaires, outre Mathilde Panot, à l’origine de la commission, on note la présence de plusieurs élus insoumis comme Ugo Bernalicis et Loïc Prud’homme, mais également l’ancienne ministre de l’écologie, Delphine Batho, Dominique Potier, du parti socialiste, Sébastien Jumel et Hubert Wulfranc, tous deux députés communistes.
Lors d’une conférence de presse, Mathilde Panot précisait le but de cette proposition de loi : « Faire entendre d’autres voix au cœur du Parlement et montrer que la violence du modèle industriel met en danger autant la nature que les hommes. »
À terme, des mesures législatives concrètes seront proposées pour mettre fin à certaines pratiques jugées néfastes comme l’utilisation de pesticides, l’arrachage des souches et des rémanents ou le développement des méga usines à biomasse.
« Cette loi est une opportunité pour reprendre la main et imposer notre agenda », pense Régis Lindeperg. En 2014, lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, les associations écologistes avaient été prises au dépourvu en découvrant les articles sur la gestion forestière. Elles avaient difficilement pu s’impliquer dans le débat parlementaire. « Ici, au contraire, nous sommes à l’initiative. C’est une proposition de loi avant tout citoyenne, héritière de nombreuses années de lutte », explique le membre de SOS forêt. Le texte de loi a cependant peu de chance d’être adopté avec la majorité actuelle. « Plusieurs députés LREM se sont dit intéressés par la démarche mais ce n’est pas sûr qu’ils se mobilisent », confie à Reporterre Mathilde Panot. La question pourrait d’ailleurs diviser le groupe LREM




En cas de coupe rase, le sol est mis à nu, les habitats de la faune et de la flore sont détruits

Anne-Laure Cattelot, députée LREM du Nord, avait ainsi dénoncé en novembre 2018 la surexploitation de la forêt Mormal. Frondeuse vis-à-vis de l’inertie du ministère, elle avait même proposé « la création d’une mission d’information à l’Assemblée nationale », comme elle le disait au journal 20 minutes. Et précisait : « Je ne suis pas contre l’exploitation du bois, mais de façon raisonnée, et si possible, par des entreprises de la région. Certains pays comme la Suisse ou la Slovénie ont interdit les coupes rases pour préserver la biodiversité. D’autres comme la Belgique et l’Allemagne les ont limité. Nous pourrions en faire de même. »
Idem pour la députée LREM d’Alsace, Martine Wonner : elle avait critiqué le saccage de la forêt de Kolbsheim par le projet de contournement autoroutier GCO à proximité de Strasbourg. Lors d’une manifestation, elle s’était même fait gazer par les gendarmes mobiles.
Ces députées de la majorité prendront-elles maintenant fait et cause pour la future proposition de loi ? On verra. Mais l’essentiel est ailleurs. Pour Philippe Canal, porte-parole du Snupfen, le syndicat majoritaire de l' ONF, « ce qui compte, c’est d’abord la bataille des idées et sur ce point, nul doute, on progresse. La période est enthousiasmante ».
Ces dernières années, des convergences inédites se sont tissées. Entre syndicalistes, écologistes et opposants aux grands projets inutiles. Elles ont donné au mouvement une plus grande force, créé de nouvelles complicités, avec des savoir-faire et des expériences complémentaires. « Ce n’était pas gagné d’avance, reconnaît Philippe Canal. Mêler culture syndicale et militantisme écolo n’a rien d’évident mais cette alliance a solidifié la lutte. Notre approche est globale, nous parlons autant des conditions sociales des travailleurs que des écosystèmes. »
Dans cette constellation, une nouvelle association, appelée Canopée, est apparue fin 2018. Créée par un ancien salarié des Amis de la Terre et ingénieur forestier, Sylvain Angerand, elle bataille pour défendre des forêts vivantes. Elle vient prendre une place encore inoccupée pour se consacrer pleinement au plaidoyer au niveau national, entre le réseau pour les alternatives forestières (le RAF), les groupes locaux SOS forêt et les syndicats de l’ ONF. Canopée a été la cheville ouvrière des Assises et prépare pour les mois qui viennent de nouvelles campagnes contre la sylviculture industrielle.
Pour Régis Lindeperg, de SOS forêt, tout est encore embryonnaire mais prometteur. « La lutte bourgeonne. Qui sait ce qu’elle pourra donner demain ! » Une belle plante mais sûrement pas un pin douglas…

Source : Gaspard d’ Allens pour Reporterre

Photos :
. Lucane cerf-volant. Flickr->https://www.flickr.com/photos/maxoupouet/3700133133/in/photolist-2exYsst-M9Pw9y-23X3dV7-6NBX43-2d39Pft-2geWhAD-2geWxBQ-8ibgGK-oeRAMh-4toY1-6CY9ER-8EPvAp-WmEb3Q-jtFcW-5PrXXt-jtFcT-odbDpW-K8WDTP-jtFcS-5LwdQU-23X3g3J-ocxQEa-FS1LLj-JL4EEn]

. Coupes rases dans le Morvan. © Roxanne Gauthier/ Reporterre

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