Vendée, Brétignolles-sur-Mer : entre protecteurs et destructeurs du vivant, la lutte s’intensifie

Laurie Debove
7 octobre 2019
 

Entre protecteurs et destructeurs du vivant, la lutte à Brétignolles s’intensifie

« Les opérations de pompage de Véolia devraient commencer très rapidement alors qu’on a eu des restrictions d’eau tout l’été et qu’on nous alerte non-stop sur les nappes phréatiques ! Et là on va verser de l’eau douce dans la mer. On ne comprend pas pourquoi cette ancienne carrière a été classée d’intérêt mineur par Vendée Eau. Je suis un enfant du coin, dès petit j’allais à Brétignolles à la plage avec mes parents. Aujourd’hui, je suis surfeur et j’y vais souvent avec mes amis et collègues. Il y a 5 mois, j’ai eu un premier bébé, je veux que lui aussi puisse connaître les côtes sauvages de Vendée et qu’il n’y ait pas de bétonisation partout. » confie Alexandre, bénévole pour Surfrider Vendée, à La Relève et La Peste



Face aux premiers coups de pelleteuses qui ont détruit la dune, 2 500 personnes ont manifesté hier contre la construction du port de plaisance à Brétignolles-sur-Mer. Porté par des élus locaux et des industriels, ce projet est dénoncé comme une aberration environnementale et sociale. Avec l’accélération des travaux, une ZAD s’est créée sur un terrain aux abords du chantier.


Un projet menaçant la biodiversité et les ressources en eau
En Vendée, Brétignolles-sur-Mer est une station balnéaire qui s’étend sur 12km de côtes. La Ville compte 4 510 habitants l’hiver, et environ 50 000 en été. Le projet de port de plaisance, avec 900 places pour des moteurs à voile ou à moteur, est « destiné à améliorer la qualité de vie du territoire, à promouvoir la fréquentation touristique et à renforcer la vocation maritime du Pays de Saint Gilles Croix de Vie » selon la Communauté de communes du Pays de Saint-Gilles-Croix-de Vie. Coût estimé du projet : 43 millions d’euros.
Pour construire le port et creuser un chenal, les travaux ont déjà commencé à enlever une dune de sable pleine de vie et protectrice du littoral, et coupé des arbres centenaires. Au total, le port de plaisance va détruire une partie du Marais Girard, zone naturelle d’expansion des crues et havre de biodiversité, une ferme en agriculture biologique, et… une réserve d’eau douce de 340 000m3 ! 




 

Crédit photo : Surfrider Foundation

En effet, l’ancienne carrière du Brethomé est devenu un immense réservoir alimenté par les précipitations et l’infiltration des nappes phréatiques juste en-dessous. Cette capacité représenterait en cas de pénurie d’eau plus de 40 jours de réserve pour 50 000 personnes. Les travaux du port prévoient de vidanger les 340 000m3 dans l’océan et de boucher le trou avec des gravats.
« Les opérations de pompage de Véolia devraient commencer très rapidement alors qu’on a eu des restrictions d’eau tout l’été et qu’on nous alerte non-stop sur les nappes phréatiques ! Et là on va verser de l’eau douce dans la mer. On ne comprend pas pourquoi cette ancienne carrière a été classée d’intérêt mineur par Vendée Eau. Je suis un enfant du coin, dès petit j’allais à Brétignolles à la plage avec mes parents. Aujourd’hui, je suis surfeur et j’y vais souvent avec mes amis et collègues. Il y a 5 mois, j’ai eu un premier bébé, je veux que lui aussi puisse connaître les côtes sauvages de Vendée et qu’il n’y ait pas de bétonisation partout. » confie Alexandre, bénévole pour Surfrider Vendée, à La Relève et La Peste 


Une opposition de longue date
Surfrider Vendée, Demain Brétignolles et La Vigie font partie des associations locales opposées au projet qui ont mené la mobilisation de ce dimanche 6 octobre. Ils dénoncent l’impact environnemental du projet et la faiblesse des arguments techniques avancés dans le dossier présenté par la Communauté de Communes.
« On a des données totalement dépassées qui datent de 2007 et qui ne sont pas du tout représentatives de la situation locale. Les mesures de vent ont été prises de trop loin, il n’y a pas de mesures précises de la houle et de l’impact qu’elle pourra avoir sur le port. C’est un projet qui n’est pas du tout maîtrisé. » s’est étonné Guillaume Langlois, océanographe, au micro de France 3 Régions

Alors, comment ce projet est-il d’actualité ? Surtout grâce à l’obstination d’un élu local, Christophe Chabot, Maire de Brétignolles-sur-Mer et Président de Communauté de communes du Pays de Saint-Gilles-Croix-de Vie, administrateur de l’Association Nationale des Elus du Littoral (ANEL) et Président du Groupe Akena, fabricant de vérandas et pergolas en aluminium. 


 

Crédit photo : Surfrider Foundation

Né dans les années 90, le projet d’un port de plaisance à Brétignolles-sur-Mer a été finalement imaginé sur la plage de la Normandelière en 2002. En 2003, une consultation publique a émis un avis favorable au projet. Cette consultation a reçu les critiques de nombreux opposants qui estiment qu’elle s’est déroulée trop discrètement pour être représentative de l’ensemble des habitants du territoire. Débouté une première fois par la Préfecture de Vendée en 2011, le projet a finalement été déclaré d’Utilité Publique le 16 juillet 2019, ce qui a permis le lancement des travaux et des appels d’offres.
Le coût annoncé de 43 millions d’euros est donc pour l’heure une simple estimation, les futurs prestataires de travaux n’étant sélectionnés qu’en novembre 2019. Au vu de la taille du chantier, de nombreux observateurs se demandent comment cette somme a été définie et la comparent avec l’agrandissement du Port de Cherbourg qui a nécessité lui 100 millions d’euros. 


Course contre la montre et démonstration de force
La rapidité du lancement des travaux, 15 jours avant la mobilisation prévue du dimanche 6 octobre, a surpris de nombreux habitants. Avec 2 500 participants, l’événement festif et convivial a ainsi rassemblé une foule très hétéroclite de mouvements locaux, associatifs et politiques qui ont dessiné un « S.O.S. humain » dans le sable avec pour mot d’ordre #BALANCETONPORT. Des marins sont également opposés au port de plaisance, comme Paul Meilhat, Vainqueur de la dernière Route du rhum et Ambassadeur Surfrider Foundation Europe, ou le député LREM Jimmy Pahun, ancien skipper, qui a promis de faire remonter le sujet au Ministère de la Transition Écologique et Solidaire.
« Moi, je pense qu’il faut juste qu’on arrête. Un bateau en France sort entre 40 et 60 heures par an. Là, on est en train de bousiller la seule plage familiale de la commune de Brétignolles. Ils ont coupé la sublime Vélodyssée qui relie la Bretagne au Pays Basque, et ils ont coupé le sentier des douaniers. Tout ce qui était accessible aux gens, c’est terminé pour attacher quatre bateaux. Et l’entrée du port va être plein ouest ce qui veut dire que les bateaux vont être violemment rabattus par la houle, comme c’est le cas au port Bourgenay au sud des Sables d’ Olonne. » témoigne la photographe Mélanie Bahuon, qui suit les travaux depuis le début, à La Relève et La Peste
Dans son discours, Martine Luce, la Présidente de Demain Brétignolles, a également dénoncé toutes les intimidations dont ont été victimes certain-e-s habitant-e-s pour « accepter » le projet du port. À l’image des anciens propriétaires de la Ferme de la Normandelière qui ont reçu des pressions pour vendre leur bien à l’Etat, selon l’un des représentants de la Confédération Paysanne qui a témoigné au micro durant la mobilisation. Transformée en locaux pour « Brétignolles veut son port », la ferme de la Normandelière a été brièvement occupée dimanche par des opposants au projet.

Délogés dans le calme par des gendarmes, une dizaine d’entre eux se sont finalement installés sur un terrain privé à côté du chantier, prêté par un habitant. Ils lancent la « ZAD des sables » pour bloquer le plus possible les travaux. Les zadistes des sables sont soutenus par des habitants qui leur apportent des vivres et du matériel. En réaction, la Mairie de Brétignolles a envoyé dix camions de gendarmes ce matin et a annoncé via un communiqué qu’elle « restera fermée durant tout l’occupation illicite de l’emprise sur l’opération ». 


 

Crédit photo : Surfrider Foundation

Surfrider Europe, France Nature Environnement et le Comité de Protection de la Nature et des Sites ont introduit un recours pour contester l’arrêté préfectoral du 16 juillet 2019 portant sur l’autorisation environnementale. Ils prévoient également d’introduire un recours contentieux contre le PLU si leur recours gracieux n’a toujours pas réponses d’ici deux mois. Les grands travaux pour creuser le chenal devraient débuter en janvier/février. Les associations vont mener une vigilance toute particulière sur le choix des prestataires pour vérifier qu’il n’y ait pas de conflits d’intérêt.
La mobilisation se transforme maintenant en course contre la montre entre les protecteurs du vivant et ceux qui veulent se hâter de faire les travaux le plus vite possible. Interrogé par France Bleu Loire Océan ce matin, Christophe Chabot n’a pas voulu expliquer pourquoi il fallait absolument construire le Port de Brétignolles. 


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