Greta Thunberg, Extinction Rebellion et le mouvement pour le développement durable

Nicolas Casaux


Commentaire : "Convaincre, ne signifie pas faire éclater la vérité mais, c'est bel et bien avoir raison."
Arthur Schopenhauer, L’Art d’avoir toujours raison, Stratagème V, faux arguments, vers 1830.
Et ça, l'écologisme médiatique l'a très bien compris.


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Une compilation de quelques billets publiés sur les réseaux sociaux, au cours des derniers mois, à propos d’Extinction Rebellion, de Greta Thunberg et du « mouvement pour le climat » qui est en réalité, dans son immense majorité, un mouvement pour le développement durable.


 


Certaines personnes qui ne connaissent pas bien notre perspective politique nous demandent parfois ce que nous proposons, ce que nous voulons, parce que critiquer « tout le monde », Greta Thunberg, Aurélien Barrau, Cyril Dion, Extinction Rebellion, etc., ça commence à bien faire. Pour faire court, j’aurais pu reprendre la formule de mon ami Thierry Sallantin : « je fais partie des luddites, c’est-à-dire que […] je suis contre l’industrialisme, pour l’ artisanalisme, ma position politique, c’est que je veux tout casser ». Malheureusement, en tant qu’explication, ça risquerait de ne pas suffire, et/ou d’être mal perçu ou mal compris.

Développons un peu. L’écologie est un mot et un courant fourre-tout derrière lequel on retrouve des choses contradictoires. L’écologisme médiatique, celui qui est autorisé et même bienvenu dans les médias de masse, se résume le plus souvent à un plaidoyer en faveur d’une société techno-industrielle, un peu plus, verte, un peu plus, durable, un peu plus, renouvelable, un peu plus, circulaire, « neutre en carbone », etc., et, un peu plus, démocratique. En bref, il s’agit d’un courant de pensée qui affirme qu’il est possible que nous gardions l’essentiel de la civilisation techno-industrielle actuelle, et que nous la rendions durable, dans le sens où elle n’épuiserait plus les ressources, n’exterminerait plus les espèces vivantes, etc., et, un peu plus, démocratique. Au moyen de divers ajustements techniques ou technologiques. Il s’agit grosso modo de ce que soutiennent, mais de différentes manières, Cyril Dion, Aurélien Barrau, Maxime de Rostolan (et son An Zéro, festival spécial greenwashing), le WWF, Greenpeace, 350, .org, Extinction Rebellion, Alternatiba, ATTAC, les écosocialistes, le mouvement « pour le climat », et beaucoup d’autres.

Et, oui, Extinction Rebellion aussi. La liste de leurs objectifs officiels le suggère assez clairement. Et le petit livre que les principaux instigateurs du mouvement ont récemment publié en anglais, intitulé This Is Not a Drill, « Ceci n’est pas un exercice », l’expose encore plus distinctement. Notamment au travers des contributions de Farhana Yamin, Kate Raworth, Clive Lewis et Paul Chatterton.

Farhana Yamin est une avocate spécialiste du droit environnemental, membre du mondialement célèbre think tank britannique Chatham House, « l’un des think tanks les plus influents du monde », selon L’Express, membre du Conseil sur le programme mondial concernant le changement climatique du Forum économique mondial (WEF), et également membre clé et coordinatrice du mouvement Extinction Rebellion au Royaume-Uni, où le mouvement est né.



 

À droite, Farhana Yamin, au centre, Al Gore, et à gauche, Jennifer Morgan, de Greenpeace

En parallèle, dans le contexte de
la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (UNFCC ), Farhana Yamin fournit des conseils juridiques, stratégiques et politiques à des ONG, des fondations et des pays en développement.

Elle a également fondé une ONG, « Track 0 », qui promeut le passage à une économie « à faible émission de carbone », et même à une économie « neutre en carbone », notamment au travers d’une transition au cours de laquelle les combustibles fossiles seraient abandonnés et notre énergie deviendrait 100% issue des industries des soi-disant « renouvelables ». D’après son ONG, « investir dans les infrastructures des énergies renouvelables est la clé pour relancer la croissance ».

Kate Raworth est une économiste anglaise, auteure du livre La théorie du donut. Elle propose, accrochez-vous bien, un « nouveau modèle économique », qui correspond grosso modo à ce qu’on appelle l’économie circulaire, stable, et affirme par exemple que : « Ce siècle, nous pouvons concevoir nos technologies et institutions pour distribuer les richesses, le savoir et l’autonomie à beaucoup. Au lieu des énergies fossiles et de la fabrication à grande échelle, nous avons des réseaux d’énergie renouvelable, des plateformes numériques et des imprimantes 3D. 200 ans de contrôle de la propriété intellectuelle par les entreprises sont bouleversés par l’approche ascendante, open-source, en pair-à-pair des biens communs. » Elle s’extasie devant « l’extraordinaire transformation à l’œuvre dans les technologies : la blockchain, l’automatisation, l’imprimante 3D, les fablabs, le retour des communs, les entreprises sociales et collectives… ». Une Isabelle Delannoy britannique, en somme.

Voir : https://www.partage-le.com/2018/10/de-paul-hawken-a-isabelle-delannoy-les-nouveaux-promoteurs-de-la-destruction-durable-par-nicolas-casaux/).

Clive Lewis est un journaliste et membre du parlement britannique qui participe à promouvoir le fameux Green New Deal, développement massif d’infrastructures industrielles basées sur des sources d’énergie dites « vertes », « renouvelables », développement des industries de capture et stockage du carbone, etc.. Et Paul Chatterton est un géographe et spécialiste du « développement urbain soutenable », qui promeut le concept de « villes bio », « soutenables », etc.

Cela dit, si le noyau central d’Extinction Rebellion s’inscrit dans la veine de ce courant soi-disant écologiste qui promeut l’idée d’une civilisation techno-industrielle verte, bio, carboneutre et démocratique, certains groupes locaux ne partagent pas cette perspective illusoire et indésirable. Perspective très utile, en revanche, pour rassurer les foules : pas de panique, une civilisation industrielle bio et démocratique existe, elle finira donc par s’imposer d’elle-même, ou grâce aux activistes qui réussiront à forcer la main de nos dirigeants.

Ce qui m’amène à nous. Nous les primitivistes, anarcho-primitivistes, luddites, anti-industriels, décroissants,radicaux, et autres éco-anarchistes. Malgré des divergences sur quelques points relativement importants, nous avons en commun de comprendre qu’une civilisation techno-industrielle bio et démocratique, ça n’existe pas. Que ça ne peut pas exister. Et que même si la civilisation techno-industrielle pouvait devenir bio, ce qui est impossible, elle demeurerait nécessairement antidémocratique, la complexité technologique reposant sur et requérant des structures sociales antidémocratiques, contrairement à ce que suggère le baratin des nouveaux apôtres du mythe des hautes technologies libératrices/émancipatrices, qui glorifient les imprimantes 3D, la blockchain, les fablabs, etc.. Et imposerait toujours une forme de vie détestable.

Nous n’encourageons pas et ne nous réjouissons donc pas du développement des industries des éoliennes, des panneaux solaires, et des autres sources d’énergie soi-disant « vertes » ou « renouvelables », hydroélectrique, biomasse, etc., non seulement parce que ces industries ne sont jamais « vertes », ni « neutres en carbone », elles impliquent toujours des destructions environnementales et reposent toujours sur différentes formes d’exploitation sociale, d’esclavage moderne, mais aussi parce que l’ensemble du système technologique qu’elles alimentent est également nuisible, à tous les niveaux et pour des tas de raisons. Nous comprenons que même si l’on pouvait, on ne peut pas, remplacer toute la production énergétique issue des combustibles fossiles par de telles énergies faussement « vertes », la situation socioécologique serait toujours désastreuse.

Nous comprenons que de véritables démocraties ne peuvent exister qu’à petite échelle — au-delà, il y a bien différentes possibilités de fédérations, mais qui me semblent personnellement douteuses —, qu’elles requièrent des sociétés à taille humaine. Et qu’ainsi, « en réalité, il n’y a probablement pas de solution au sein de la société industrielle telle qu’elle nous est donnée » (Bernard Charbonneau), ou plutôt imposée.

Au bout du compte, nous voudrions que la monoculture dominante, la civilisation techno-industrielle planétaire, soit intégralement démantelée et remplacée par une multitude de sociétés vivrières, à taille humaine, soutenables, et donc uniquement basées sur des technologies douces, ou basses technologies, respectueusement intégrées à leurs environnements spécifiques. « La protection de la nature, de la variété et de la liberté humaines ne sera assurée que si l’on dissocie l’économie nationale ou multinationale en petites unités autarciques et autogérées » (Bernard Charbonneau). Voilà pour l’idéal. En attendant, la désastreuse situation socioécologique actuelle nous contraint à des objectifs plus modestes, « non pas établir le paradis sur terre, mais y éviter l’enfer », encore selon une formule de Bernard Charbonneau.

Et nous comprenons également qu’il est absurde et inutile d’attendre des dirigeants de la civilisation industrielle qu’ils organisent eux-mêmes le démantèlement complet de la société qu’ils imposent avec tant de violence et d’acharnement, et dont ils sont les principaux bénéficiaires.

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